« La santé des entreprises s’améliore, l’investissement repart »
« La santé des entreprises s’améliore, l’investissement repart »
LE MONDE ECONOMIE
La divergence économique entre la France et l’Allemagne s’est accentuée sous la présidence Hollande, explique Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode.
Le Medef tient sa traditionnelle université d’été mardi 30 et mercredi 31 août sur le campus d’HEC à Jouy-en-Josas (Yvelines). Si les relations entre l’organisation patronale et le gouvernement sont houleuses, les mesures prises depuis 2014 ont plutôt été favorables aux entreprises explique Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode.
Comment décririez-vous aujourd’hui la santé économique des entreprises ?
Ça va mieux. Il y a des signes d’amélioration. De 2008 à 2016, les marges des entreprises (l’excédent brut d’exploitation) ont progressé de 8 % et les salaires de 15 %. Le taux de marge a touché son plus bas fin 2014, puis il s’est redressé.
Comment ont évolué les profits ?
Le montant des profits après impôt (la somme du résultat disponible brut et des dividendes) a augmenté de 23,8 % depuis 2008. Ils ont retrouvé en 2015 leur niveau d’avant récession et devraient encore progresser de 8,3 % cette année.
Dans un premier temps, jusqu’en 2011, le choc de la crise a été absorbé par un maintien artificiel de l’emploi. Ensuite, les bénéfices ont progressé de 17,8 %, tandis que les charges salariales ne grimpaient que de 9,5 %.
Les sociétés ont donc retrouvé des marges de manœuvre pour investir…
Coe-Rexecode anticipe une hausse de 4,1 % des investissements des entreprises tous secteurs confondus, pour une croissance inférieure à 1,5 % du PIB en 2016. Le redémarrage de l’activité se traduit par une hausse des investissements de 6 % dans l’industrie et par une amélioration des anticipations de l’investissement dans les services, au-dessus de la moyenne de longue période.
Les indicateurs de climat des affaires ne sont pas extraordinaires, mais il y a plusieurs faisceaux positifs. Le nombre de demandes de délais pour payer les cotisations sociales a reculé de 3,3 % sur un an et le montant de ces reports a lui aussi baissé. Autre illustration de la meilleure santé des sociétés, les procédures de sauvegarde ont diminué de 14,6 % au cours des douze mois glissants et le montant avancé par l’AGS (le régime de garantie des salaires) recule de 9,3 % sur la même période.
Qu’est-ce qui a le plus marqué les entreprises durant le mandat de François Hollande (2012- 2017) ?
Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité. Son impact sur la marge des entreprises est toutefois de même ampleur que la baisse du coût des matières premières.
Le couple CICE-Pacte de responsabilité a corrigé une accélération antérieure de la pression fiscale, sans l’annuler intégralement. Le plan de relance 2008-2009, qui avait dégradé les finances publiques, avait été suivi par de fortes augmentations d’impôts. Le tournant fiscal date de la Loi de finances votée à l’automne 2011, sous la présidence Sarkozy.
En deux ans, le cumul des nouvelles mesures fiscales a représenté un coût supplémentaire de 32,7 milliards d’euros pour les entreprises, lorsqu’en 2013, l’entrée en vigueur du Pacte de responsabilité et du CICE a amorcé la baisse de la pression fiscale sur les entreprises. Toutefois, celles-ci payent toujours, en 2016, 9,6 milliards d’euros d’impôts de plus qu’en 2011, et les particuliers… 58 milliards.
La politique économique a-t-elle bénéficié à certains secteurs en particulier ?
Les dispositions prises par le gouvernement ont nettement favorisé les secteurs qui embauchent de petits salaires, puisque le CICE concerne les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC et que le plan d’urgence pour l’emploi avec ses mesures d’aide à l’embauche dans les PME cible les salaires jusqu’à 1,3 SMIC. Concentrer les efforts sur les bas salaires a favorisé les secteurs du transport, du commerce, de l’hôtellerie-restauration et de la distribution principalement. Dans le même temps, cette politique déforme la structure de l’emploi et introduit de nouveaux effets de seuil, en freinant les hausses de salaires de ceux qui sont proches du seuil.
La politique économique de ces dernières années a-t-elle été favorable aux entreprises ?
Dans un premier temps, non. À partir de 2014, un peu plus.
Quel bilan tirez-vous de ces quatre ans de présidence socialiste ?
En comparaison européenne, le résultat est assez moyen. La divergence qui existait entre la France et l’Allemagne, avant la présidence de François Hollande s’est accentuée. Depuis 2012, la consommation par habitant a augmenté moins vite en France qu’outre-Rhin, sans avoir amélioré les finances publiques. Il reste encore au moins 30 points d’écart de dette publique avec l’Allemagne.
Finalement les hommes politiques ont-ils un impact sur l’économie ?
Ils aiment le croire. L’efficacité des mesures reste très dépendante du contexte dans lequel elles se déploient.