Barack Obama à l’heure des bilans en Asie
Barack Obama à l’heure des bilans en Asie
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Le président américain assistera successivement au sommet du G20, en Chine, puis à celui de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), au Laos.
Le onzième voyage sera probablement le dernier. Le long déplacement en Asie du président Barack Obama, qui assistera successivement au sommet du G20, en Chine, puis à celui de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), au Laos, lui donnera l’occasion de prendre congé avec une région qu’il s’est efforcé de replacer au cœur de la diplomatie américaine. Il a d’ailleurs prévu le 5 septembre de dresser un bilan d’un projet géopolitique contrarié par les circonstances, celui du « pivot », rebaptisé « rebalancement » des États-Unis vers l’Asie.
Nul doute que le président américain mettra l’accent sur les avancées intervenues au cours de ses deux mandats. Au-delà de l’effet optique du prolongement des engagements américains en Irak et en Syrie, la priorité pour le long terme se situe clairement ailleurs pour le président stratège. Comme l’a résumé l’un des architectes de ce « pivot », Kurt Campbell malgré « le détour » imposé par la perpétuation des crises au Moyen-Orient, l’avenir américain sera déterminé par les développements en Asie et dans le Pacifique, qui imposent à la diplomatie américaine cette « correction de course ».
La visite qu’effectuera M. Obama au Laos, qui fut la victime collatérale du bourbier vietnamien, sera la première d’un président américain. Elle lui permettra de mesurer, comme ailleurs dans la région, l’omniprésence du géant chinois.
Une stratégie d’engagement
Peu convaincus par la réalité du « pivot », les détracteurs républicains du président, y compris leur candidat à l’élection présidentielle du 8 novembre, Donald Trump, mettent souvent l’accent sur un autre événement qui a marqué selon eux ces huit années et qui accrédite la thèse d’une naïveté américaine. Il s’agit de l’émergence géopolitique de la Chine, accompagnée par une présence militaire agressive en mer de Chine méridionale, au grand dam des pays riverains, et par des soupçons de pillages cybernétiques chinois aux États-Unis.
Au cours de ses deux mandats, M. Obama s’est efforcé de ne pas s’écarter d’une étroite ligne de crête. Un endiguement chinois étant inenvisageable, il a opté au contraire pour une stratégie d’engagement complétée par le rappel insistant de l’universalité de valeurs telles que les droits de l’homme et le respect de la propriété intellectuelle, mais aussi la liberté de circulation et le respect du droit international pour contrecarrer les ambitions maritimes chinoises.
Le jugement rendu en juillet par la Cour internationale d’arbitrage de La Haye au bénéfice des Philippines à propos de la souveraineté revendiquée par Pékin de bancs de sable qu’il a transformés en bases militaires situées dans l’archipel des Spratleys, a illustré la position prudente adoptée par Washington. Alors que la Chine a campé dans le refus et adopté un ton guerrier, le secrétaire d’Etat John Kerry, en visite à Manille a plaidé pour le dialogue et l’apaisement, tout en notant que « la décision » était « contraignante ».
Un accord de libre échange décisif
Lors de leur huitième et dernière rencontre bilatérale, en marge du G20, M. Obama et son homologue Xi Jinping devraient ne pas s’appesantir sur ce différend pour mettre en avant au contraire les résultats produits par leur coopération, de l’accord sur la lutte contre les émissions de gaz à effets de serre, en novembre 2014, qui a permis le succès pour l’instant théorique de la Conférence des Nations unies contre le réchauffement climatique, à Paris, à celui sur nucléaire iranien conclu en juillet 2015.
À quelques mois du départ de M. Obama de la Maison Blanche, il manque cependant au « rebalancement » une carte maîtresse : la ratification d’un accord de libre-échange avec des pays riverains du Pacifique qui doit permettre aux États-Unis, selon M. Obama, de poser les principes du développement économique de la région. Ce Partenariat Trans Pacifique, le TPP, est selon le conseiller diplomatique du président Ben Rhodes, « un test décisif pour le leadership américain ».
Faute d’un accord, assure M. Rhodes, la Chine sera en mesure d’imposer ses règles, usant alternativement de la pression et du soft power de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures que Pékin a constituée pour accroître son influence. M. Obama compte plaider avec force pour le TPP au cours de cet ultime voyage mais les obstacles les plus sérieux sont sans doute à trouver à Washington.
L’impopularité des accords de libre-échange synonymes de délocalisations a conduit en effet les deux principaux candidats à l’élection présidentielle du 8 novembre, la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump, à s’y opposer avec force. Et les responsables républicains qui contrôlent le Congrès ont annoncé à l’avance qu’ils n’entendaient pas offrir au président un dernier succès en permettant cette ratification avant qu’il quitte le pouvoir.