Dieselgate : Bruxelles hausse le ton face à Volkswagen
Dieselgate : Bruxelles hausse le ton face à Volkswagen
LE MONDE ECONOMIE
La Commission européenne pousse l’Allemagne à prendre des sanctions contre son champion national.
Est-ce la pression médiatique ou celle de la commission d’enquête « Dieselgate » du Parlement européen ? La Commission de Bruxelles a haussé le ton face à Volkswagen (VW), lundi 5 septembre, près d’un an après la révélation des fraudes du constructeur allemand, qui avait installé un logiciel falsifiant le niveau d’émission de 11 millions de ses véhicules diesel.
La commissaire à la justice, Vera Jourova, a estimé que la Commission « ne peut faire comme si rien ne s’était passé » et brandi la menace de « class actions » (recours en justice collectifs) en Europe. Elle a expliqué son intention de rencontrer, à ce sujet, les autorités nationales de protection des consommateurs le 8 septembre, ainsi que des représentants des autorités nationales et les dirigeants de VW, le 29.
Ce n’est pas la première fois que Bruxelles prend la défense des consommateurs européens contre VW, mais, jusqu’à présent, l’institution s’était contentée de réclamer des indemnisations « volontaires » de la part de VW. La commissaire à l’industrie, Elzbieta Bienkowska, a rencontré régulièrement la direction du géant allemand depuis fin 2015, en vain.
De la difficulté d’une class action
Du coup, la colère monte en Europe, d’autant qu’aux Etats-Unis VW a accepté de verser 15 milliards de dollars (13,45 milliards d’euros) pour tenter de régler les litiges, ainsi qu’à racheter ou réparer 480 000 voitures. Les propriétaires pourraient être indemnisés (10 000 dollars au maximum). En juillet, les avocats généraux de trois Etats (New York, le Maryland et le Massachusetts) ont annoncé des actions judiciaires, estimant que la fraude remontait à 1999 et impliquait les dirigeants de VW.
Lancer une action collective au niveau européen est bien moins aisé, en raison de la diversité des procédures judiciaires dans l’Union. Mais Bruxelles estime disposer d’un début de « base juridique » contre VW. Plusieurs associations de consommateurs, explique t-on à la Commission, ont rapporté que deux directives auraient été violées par le groupe allemand : celle sur « les pratiques commerciales déloyales », et une autre, de 1999, concernant « les ventes aux consommateurs et les assurances associées ».
Fonctionnement de l’Union oblige, ce ne serait dans ces cas de figure pas à la Commission de porter plainte contre VW (elle ne peut « attaquer » en direct des entreprises que dans le cadre du droit de la concurrence), mais aux Etats membres de le faire. Selon nos informations, l’institution communautaire fait pression depuis plusieurs mois sur l’Allemagne pour qu’elle entame une procédure de sanction à l’encontre de son champion national.
Certains, en interne, plaident même carrément pour que Bruxelles lance une procédure d’infraction contre Berlin pour n’avoir pas fait respecter à la lettre, cette fois, un règlement européen de 2007 concernant l’homologation des véhicules neufs.
En finir avec les critiques
Ce serait un moyen d’en finir avec les critiques qui soulignent le rôle supposé peu reluisant de la Commission dans le scandale VW. Elle est accusée de ne pas s’être intéressée plus tôt aux agissements du constructeur. A Bruxelles, on se défend en pointant les responsabilités des Etats membres, chargés de l’homologation des véhicules.
La Commission est en tout cas sur le gril, alors que la commission d’enquête « Dieselgate » du Parlement de Strasbourg a commencé ses auditions publiques de responsables. Lundi, les élus ont entendu l’ancien commissaire à l’environnement Janez Potocnik, de 2010 à 2014, ainsi que son ex-collègue à l’industrie, Antonio Tajani. Les deux ont défendu leur action, le premier insistant sur sa « bonne conscience », affirmant n’avoir jamais imaginé la tricherie du constructeur allemand.
A la suite de ces auditions, Seb Dance, un des porte-parole des sociaux-démocrates de l’hémicycle, a quand même estimé :
« Le commissaire Tajani a ignoré les alertes répétées, y compris un courrier de son collègue [Potocnik] pointant le fait que les constructeurs pouvaient utiliser des logiciels truqueurs pour tricher sur leurs émissions »…