Moscou tente une médiation dans le conflit israélo-palestinien
Moscou tente une médiation dans le conflit israélo-palestinien
Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
Le Kremlin propose un tête-à-tête entre Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas.
Manifestation de soutien à des Palestiniens en grève de la faim dans une prison israélienne, à Ramallah, le 9 août 2016. | ABBAS MOMANI / AFP
Après son opération militaire en Syrie, Moscou tente de s’impliquer comme médiateur dans le conflit israélo-palestinien. Tel a été l’objectif de la visite à Jérusalem, lundi 5 septembre, de Mikhaïl Bogdanov, envoyé spécial de Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient, qui s’est entretenu avec Benyamin Nétanyahou. Selon le bureau du premier ministre israélien, les deux hommes ont discuté de « la proposition du président Poutine d’accueillir à Moscou une rencontre en tête-à-tête » entre M. Nétanyahou et Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. Depuis mars 2014, les négociations de paix sont rompues entre les deux parties.
Le premier ministre israélien s’est déclaré prêt à une telle rencontre « sans préconditions » et dit étudier le calendrier. Côté palestinien, la prudence était de mise, en attendant l’entretien à Ramallah, mardi, entre l’émissaire russe et Majid Faraj, le chef des services de sécurité. Mahmoud Abbas, lui, est en visite en Pologne. « On est au milieu des consultations, explique l’un de ses conseillers. On va voir quelles conditions Moscou propose pour la rencontre. » L’ambassadeur palestinien en Russie a annoncé avec précipitation que M. Abbas acceptait l’idée d’un rendez-vous sur place avec M.Nétanyahou. Mais les diplomates israéliens et européens demeurent sceptiques.
L’idée d’une intervention de M. Poutine a été promue par le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi. Le président russe s’est déjà entretenu par téléphone à ce sujet avec le premier ministre israélien. Les deux hommes se sont rencontrés quatre fois cette année. Le signe d’ouverture apparent de M. Nétanyahou est sans risque. Il s’inscrit dans une relation de travail étroite avec le Kremlin, notamment en raison des échanges d’informations opérationnelles concernant la Syrie, pour éviter tout incident entre les deux armées.
Il représente un pied de nez à Barack Obama, avec qui le premier ministre a des relations personnelles exécrables. Enfin, M. Nétanyahou sait que l’Autorité palestinienne réclame des gestes israéliens en préalable à une rencontre : la libération des prisonniers politiques et le gel de la colonisation. Focalisée sur les élections municipales du 8 octobre, la direction palestinienne a besoin d’afficher des avancées.
L’initiative de Paris « déconnectée de la réalité »
Côté israélien, le poids de la droite nationale religieuse au gouvernement rend toute concession improbable, à moins d’un bouleversement soudain de majorité, avec l’entrée de plusieurs opposants travaillistes. « J’apprécie les efforts de ceux qui tentent de faire de la médiation, mais, dans la vie réelle, on sait que les vraies négociations se passent en tête-à-tête », a expliqué lundi le président de la commission parlementaire des affaires étrangères et de la défense, Avi Dichter, membre du Likoud. Selon lui, le seul mode de négociation viable est celui qui fut suivi avec l’Egypte, puis la Jordanie, débouchant sur des traités de paix historiques.
Avi Dichter accuse l’initiative française, visant à mobiliser un large groupe de soutien international pour relancer les négociations, d’être « totalement déconnectée de la réalité ». L’initiative russe est aussi une façon de contourner la démarche collective promue par Paris, après avoir fait le constat de l’échec du patronage américain dans les négociations depuis vingt-cinq ans.