En France, le succès des « mobilités émergentes »
En France, le succès des « mobilités émergentes »
Par Olivier Razemon
Une fracture territoriale se dessine entre urbains et ruraux sur l’évolution des mobilités et l’usage de la voiture.
Pour les trajets quotidiens en ville, une grande multitude de « mobilités émergentes » apparaissent, aussi diverses que le vélo, l’hoverboard, le gyropode, les rollers ou le skate. | FaceMePLS (CC BY 2.0)
Voilà une information qui va déplaire à Michel Onfray. Le philosophe médiatique déplorait, le 31 août, au micro d’Europe 1, une « infantilisation de la société », se moquant « des grands adultes sur des trottinettes, avec des shorts, en train d’écouter des trucs avec des écouteurs et avec des tatouages partout ». Le nombre de personnes ayant utilisé une trottinette durant les douze derniers mois a doublé par rapport à 2014, selon les cabinets de conseil ObSoCo et Chronos, qui publient, jeudi 15 septembre, la deuxième édition de leur « Observatoire des mobilités émergentes ».
L’engouement pour la trottinette demeure certes mesuré, puisque seulement 4 % des 4 000 personnes de 18 à 75 ans interrogées en ligne au mois de juin disent en avoir manié une au cours de l’année écoulée. Mais l’Observatoire souligne l’avènement, pour les trajets quotidiens, d’une grande multitude de « mobilités émergentes ». Des modes de déplacement aussi divers que le covoiturage, la location de voiture entre particuliers, le vélo ou les « objets de glisse urbaine », ces hoverboards, gyropodes, rollers ou skates qu’on croise sur les trottoirs des grandes villes, voire dans les couloirs du métro.
Ces moyens de transport ont fait leur apparition ces dernières années à la faveur d’une évolution technologique, d’une loi de libéralisation ou d’un phénomène de société tirant parti de « l’économie du partage ». La plupart de ces usages sont encouragés par les pouvoirs publics, qui y voient des alternatives vertueuses au véhicule motorisé individuel, polluant et encombrant.
Une minorité de Français prêts à se passer de leur voiture
Depuis 2014, les enquêteurs constatent le triplement de la pratique de l’autopartage – forme de location d’un véhicule à la demande – comme du recours aux VTC – les voitures de tourisme avec chauffeur, en particulier les véhicules proposés par la plate-forme californienne Uber. Si l’autopartage ne concerne que 3 % des personnes interrogées, 10 % d’entre elles ont en revanche été véhiculées par un chauffeur privé.
Et 15 % des sondés ont déjà emprunté un car longue distance. Il s’agit bien sûr des médiatiques « autocars Macron », qui ont transporté plus de 5 millions de personnes depuis août 2015, mais également des voyages organisés en autocar, appréciés des seniors.
L’avènement de ces nouvelles habitudes devrait lentement amener les Français à se détacher de l’usage exclusif de la voiture individuelle : 11 % seulement se disent prêts, à l’avenir, à s’en passer totalement ; 18 % souhaitent en utiliser une de temps en temps, soit en la partageant, soit en la louant pour une longue durée, soit par l’intermédiaire des formules alternatives – taxi, covoiturage ou autopartage, selon les circonstances.
Mais 71 % considèrent que l’idéal consiste toujours à posséder son propre véhicule. Ce chiffre demeure toutefois inférieur au taux de possession actuel, qui s’élève, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, à 80,7 % des foyers.
Fracture territoriale
Les chiffres de l’Observatoire dessinent par ailleurs une fracture territoriale : « La multimodalité [usage de plusieurs modes] reste concentrée dans les cœurs des douze plus grandes métropoles, tandis que l’automobile continue à progresser dans les petites villes et les zones rurales », constate Boris Descarrega, responsable d’études économiques à l’ObSoCo. Si 89 % des habitants de Paris estiment avoir le choix entre différents moyens de transport quotidien, cette proportion ne dépasse pas 46 % à l’échelle nationale et 22 % dans les communes rurales.
Diversifiée, la mobilité de demain sera également connectée : « La technologie numérique permet de prévoir, décaler ou optimiser son transport », explique Léa Marzloff, directrice du secteur veille et analyses stratégiques chez Chronos. Désormais, 64 % des voyageurs consultent l’état du trafic avant de prendre la route ou de monter dans un train, contre 44 % en 2014.
Aux multiples applications « intelligentes » proposées par des start-up, les voyageurs préfèrent les outils de base. Parmi les services les plus consultés figurent le GPS ou les applications officielles des transports publics. L’Observatoire constate aussi le succès des d’outils numériques permettant de compter ses pas ou de mesurer son activité physique. La trottinette, avec ou sans tatouage, a un bel avenir devant elle.