Le délit de consultation de sites terroristes sous la menace du Conseil constitutionnel
Le délit de consultation de sites terroristes sous la menace du Conseil constitutionnel
Par Martin Untersinger
Serpent de mer, ce délit est apparu dans la loi au printemps : une question prioritaire de constitutionnalité le concernant pourrait parvenir au Conseil constitutionnel.
Le délit de consultation habituelle de sites terroristes, serpent de mer entré dans la loi au printemps, fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), transmise le 14 septembre à la Cour de cassation, première étape dans son chemin vers le Conseil constitutionnel.
Elle a été déposée par l’avocat de David Pagerie, condamné le même jour par le tribunal correctionnel d’Angers à deux ans de prison. Il a été reconnu coupable de ne pas avoir respecté son assignation à résidence et d’avoir consulté et stocké des contenus djihadistes, notamment des chants, distribués par le biais de l’application Telegram.
Loi floue
La question prioritaire de constitutionnalité argue du fait que l’article du code pénal qui crée le délit de consultation habituelle de sites terroristes ne prévoit « aucune limite ou précision quant à la notion de consultation habituelle, à savoir le nombre et la durée de visites », en contradiction avec les « principes de légalité des délits et des peines », ceux « de clarté et de précision de la loi », ainsi que ceux « de prévisibilité et de sécurité juridique ».
La loi prévoit une exception lorsque la consultation de sites terroristes est effectuée « de bonne foi » : pour l’avocat, cette exception manque elle aussi cruellement de précision.
La QPC reproche également à la loi son flou concernant la notion de terrorisme, qui ne fait pas l’objet d’une définition universelle, supposant de l’internaute qu’il sache exactement si le contenu qu’il s’apprête à visionner relève du terrorisme au sens du droit français.
Contre la liberté de communication
Ensuite, la question prioritaire pointe le fait que la loi, en permettant de mettre en prison pour la seule consultation de contenus terroristes sans qu’ils soient accompagnés de tentative de commission de ces actes, contrevient à la liberté de communication. C’est précisément ce qu’avait reproché le Conseil d’Etat en 2012 à une disposition quasiment identique, finalement abandonnée.
Enfin, il est reproché au texte en vigueur de faire une différence selon que le contenu terroriste est visionné sur Internet ou par un autre moyen de communication, et d’appliquer des peines très lourdes, supérieures à celles qui accompagnent des actes pourtant bien plus graves (vol, violence…).
Si la Cour de cassation estime que la question est applicable au litige en cours, alors elle la transmettra au Conseil constitutionnel. Elle dispose de trois mois pour se prononcer. Introduite dans le droit français en 2008, la QPC est un dispositif juridique permettant, sous réserve de recevabilité, de demander au Conseil constitutionnel l’examen d’une disposition législative appliquée dans un litige et pouvant porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.