Concert de rock sur le campus d’Orsay. | Université Paris-Sud / M. Lecompt

Pan-Pan, un petit lapin assis sur une tarentule, observe un escogriffe en costume médiéval qui porte de grands coups d’épée à un chaland. A quelques mètres, un jeune homme pédale pour faire tourner une machine à smoothies, tandis que ses voisins jouent du fer à souder pour fabriquer une œuvre d’inspiration « tingelyenne ». Le tout sur fond de musique rock, produite par quatre échevelés qui se donnent corps et âme à leurs batterie et guitares.

Il ne s’agit pas d’un délire psychédélique, mais de la journée d’intégration de l’université Paris-Sud à Orsay (Essonne) : Pan-Pan est l’attraction vivante d’un club de naturalistes, l’escrimeur présente son groupe de fans de jeux de rôle, tandis que l’atelier fonderie de métal est organisé par l’association Apoil, très active sur le campus : « Nous construisons un totem participatif, où chaque étudiant vient souder un objet. Pour une création collective, on invente des moments de partage, d’échange entre étudiants », explique un membre.

Une pierre, trois coups

« Bienvenue aux nouveaux », c’est le message que veulent faire passer les universités qui, comme les grandes écoles avant elles, sont de plus en plus nombreuses à organiser ces journées festives à la veille de la rentrée étudiante. Pas de cours magistraux ni de visites rébarbatives : le mot d’ordre de ces prérentrées, c’est du « fun », mais du fun utile.

Durant sa « welcome week », qui s’est étalée sur trois jours, l’université Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie a ainsi organisé une « Murder Party ». Chaque étudiant devait se glisser dans la peau d’un enquêteur pour trouver l’identité d’un tueur… Les Clouseau, Poirot et Miss Marple en devenir ont parcouru le campus à la recherche d’indices et consulté le fonds documentaire de l’université pour identifier les preuves qui les ont conduits au coupable. Un immense jeu collectif qui a créé du lien entre les nouveaux. Et par la même occasion, ces étudiants ont découvert le labyrinthe de tours et d’ascenseurs de Jussieu et appréhendé le fonctionnement de la documentation. Une pierre, trois coups.

Journée d’intégration à Paris-Sud, jeudi 8 septembre. | Université Paris-Sud / M. Lecompt

Parmi les « classiques » de ces journées d’intégration, des rallyes au sein du campus, comme celui organisé à l’université de Rennes-2, mardi 13 septembre, ou par l’université Paris-Sud à Orsay. Un site si étendu que l’exercice se révèle presque obligatoire pour ne pas s’égarer entre le laboratoire de physique théorique, l’institut d’astrophysique spatiale et le laboratoire d’accélérateur linéaire. Et cette introduction à la géographie physique des campus donne surtout la possibilité d’embrasser ce que sera l’environnement estudiantin.

Lieu d’études, lieu de vie

Pour cette neuvième édition de sa journée d’intégration, l’université francilienne a ainsi réuni tous les acteurs de la vie étudiante : clubs sportifs, culturels, scientifiques, ludiques… « Cette journée, c’est la promesse pour les nouveaux que leurs années étudiantes seront vivantes », témoigne Camille Lafon, qui dirige l’association de poker Tapis. « Nous créons de la cohésion. L’université n’est pas seulement un lieu d’études, mais un lieu de vie », abonde Théo Florent, représentant du syndicat étudiant UNEF.

La manifestation est ouverte aux organismes extérieurs à l’université qui seront indispensables aux nouveaux venus : bailleurs, banques, sociétés de transports sont présents, tout comme Emmaüs et l’épicerie solidaire Agoraé, qui pourront aider les étudiants les plus démunis. En 2015, 120 étudiants ont poussé la porte de la boutique pour obtenir des produits de base. « Etudiants pauvres », c’est souvent un pléonasme, rappelle Nolwenn Rousseau, étudiante en informatique.

La journée d’intégration est donc l’occasion, pour les universités, de présenter aux étudiants leurs ressources culturelles, scientifiques, sportives et humaines, mais aussi leur « sensibilité solidaire », souligne Delphine Lemonnier-Texier, vice-présidente de l’université de Rennes-2 chargée de la culture et de la vie du campus. « Logement social, accès à la culture gratuit, consultation médicale gratuite, notamment en obstétrique… Tout cela n’est pas mesuré dans les classements mondiaux des universités, qui favorisent les sciences dures, mais c’est essentiel pour nos 42 % d’étudiants boursiers. »

Etudiants aujourd’hui, ambassadeurs demain

Journée d’intégration à l’université Paris-Sud. | Université Paris-Sud / M. Lecompt

Quelle est l’origine de ces journées d’intégration ? Dans un contexte de mondialisation de l’offre en matière d’enseignement supérieur, « depuis une dizaine d’années, les universités françaises s’inquiètent d’offrir un bon accueil aux étudiants étrangers, analyse un responsable de la Conférence des présidents des universités (CPU). Et elles se sont rapidement rendu compte que pour un investissement minimal, elles pouvaient offrir les mêmes services à leurs étudiants nationaux, et que c’était un outil efficace pour lutter contre l’échec en première année ». « Le bien-être des étudiants fait partie de l’attractivité des universités », renchérit Sylvie Retailleau, présidente de l’université de Paris-Sud.

La politique de rapprochement des établissements explique aussi l’intérêt pour les événements de prérentrée : au sein des mastodontes ainsi planifiés, l’université de Bretagne auraient 160 000 étudiants répartis sur de nombreux sites, il est impératif de « donner du contact humain », analyse Gilles Bloch, président de Paris-Saclay. Les journées d’intégration sont là pour créer du lien social, recréer une famille, de la sécurité.

« Dans une concurrence internationale, nous subissons la comparaison si on observe les classements mitigés des établissements français, poursuit Gilles Bloch. Il faut réagir, créer de l’attractivité, un sentiment d’appartenance, et les étudiants d’aujourd’hui seront demain nos ambassadeurs à travers le monde. »