Yara Khoury, dans les coulisses du jeu vidéo hollywoodien
Yara Khoury, dans les coulisses du jeu vidéo hollywoodien
Par William Audureau
« Le Monde » organise, samedi 17 septembre de 13 h 30 à 14 h 30 dans son auditorium, une rencontre avec Yara Khoury, productrice de « Dead Space » et « Battlefield Hardline ». Elle partagera son expérience des superproductions.
Yara Khoury sera l’invitée du Monde Festival samedi 17 septembre. | Yara Khoury/Dibalo9x
« J’adore faire des jeux à très gros budget, ce sont mes souvenirs les plus forts », confie avec fierté Yara Khoury. Cette développeuse de jeu vidéo de 29 ans sera l’invitée du Monde Festival, samedi 17 septembre de 13 h 30 à 14 h 30, dans l’auditorium du Monde. Elle y parlera de son expérience dans l’industrie américaine, au cœur d’une des principales majors du secteur, spécialistes des superproductions « AAA », et de ses problématiques créatives et éthiques.
Avant de quitter Electronic Arts durant l’été, Yara Khoury a notamment travaillé au contact d’Amy Hennig, la très respectée scénariste des premiers Uncharted, l’une des séries les plus célèbres de la PlayStation. « J’ai moi-même une sensibilité pour la narration, l’art de raconter, et travailler avec elle était un aboutissement. Ce n’était pas facile de quitter le projet. »
Durant l’essentiel de l’année 2015, les deux femmes ont notamment planché ensemble sur l’un des jeux les plus attendus de l’industrie, le Star Wars encore sans titre qui doit sortir en 2018. Très peu d’informations ont filtré à son propos, si ce n’est qu’il s’inscrira dans la veine d’Uncharted, celle d’un jeu d’action-aventure vivant, cinématographique et immersif, développé en proche collaboration avec LucasFilm.
EA Star Wars: A Look Ahead
Durée : 03:26
« Comme une gamine à Disney World »
Pour cette Franco-Libanaise, il s’agit à ce jour du point culminant d’une carrière démarrée aux détours de la consultation d’un simple magazine spécialisé, Consoles +, à l’âge de 14 ans. « Il y avait dedans un dossier sur les métiers du jeu vidéo. Je me suis reconnue dans celui de chef de projet, et, suivant leur conseil, je me suis orientée vers une école de commerce. Comme j’avais un profil littéraire, j’ai fait une khâgne avant, ce qui m’aide encore aujourd’hui. »
Amatrice de Final Fantasy VII, de Jak & Daxter comme de Gran Turismo, un premier poste chez Electronic Arts France lui permet de mettre un pied dans l’industrie, avant d’être recommandée pour intégrer Visceral Games, un des studios internes de l’éditeur américain, qui cherche un producteur anglophone. « Le réseau, ça fait tout. C’est vraiment une petite industrie, très personnelle », détaille-t-elle avec le recul.
A Redwood, en Californie, Yara Khoury découvre l’industrie du jeu vidéo côté hollywoodien, chez le no 2 mondial du secteur. « J’étais comme une gamine de 5 ans à Disney World. Nous étions au siège même d’Electronic Arts, au quatrième étage du building le plus cool. L’atmosphère était très pro, tout était décoré et désigné à la manière de Dead Space [le jeu de science-fiction horrifique de l’équipe]. »
« Dead Space 2 » : « C’était magique »
Lorsque Yara Khoury arrive, le développement de Dead Space 2 est dans la dernière ligne droite. Loin de la scène indépendante aux moyens limités et aux méthodes artisanales, elle découvre « l’art du polish », le fait de fignoler un jeu pendant des semaines et des mois, même une fois celui-ci terminé dans les grandes lignes. « Au moment de rendre le jeu, nous étions comme des étudiants en fin d’examen, refusant de rendre leur copie pour continuer à écrire. C’est bon signe. » Finalement, le jeu obtient 90 % sur Metacritic (89 % aujourd’hui), une excellente moyenne. « C’était magique, et je pense que ce sera pareil pour Star Wars », jure la productrice.
Battlefield Hardline est le second titre dont elle suit le développement du début à la fin. En tant que productrice, elle assure l’interface entre le directeur créatif et l’équipe de développement, et gère celle-ci sur des fonctionnalités très spécifiques du jeu. Dans ce jeu d’action policier, il s’agira de la manière dont les civils et les criminels sont représentés, comment ils bougent. Contrairement à nombre de titres, Hardline va en effet plus loin que le simple défouloir, et propose au joueur de négocier de manière pacifique avec les délinquants.
« L’élément qui nous a définitivement convaincus, ça a été Ferguson », racontait la Franco-Libanaise au Monde en 2015. La ville du Missouri est devenue le symbole à la fois de la violence et du racisme policiers aux Etats-Unis, après qu’un Noir de 18 ans a été abattu par un policier blanc le 9 août 2014, entraînant d’importantes manifestations. « Quand les émeutes ont éclaté, notre première réaction, ça a été “oh merde !” Et on s’est demandé comment gérer ça de manière professionnelle, sensible, tout en restant amusants », poursuit Yara Khoury, qui prête une importance toute particulière à la question de la représentation des minorités dans les jeux vidéo.
Deux ans plus tard, la productrice quitte Electronic Arts pour se lancer dans une nouvelle aventure, celle de l’indépendant. Ce sera au sein du très jeune studio Outpost Games, composé d’anciens collègues et de vétérans. « J’adore faire des jeux à très gros budgets, reprend l’ancienne collaboratrice d’Amy Hennig. Mais dans de grosses équipes il y a quelque chose qui se perd, il est impossible d’avoir une vision globale. » Après huit ans chez une major, les moyens seront différents. Yara Khoury a beau avoir quitté le projet Star Wars, c’est une nouvelle planète inconnue qui se présente à elle.