Sans candidat attitré, « La Manif pour tous » fait déjà campagne
Sans candidat attitré, « La Manif pour tous » fait déjà campagne
Par Adrien Pécout (à Etiolles, dans l'Essonne)
Deux mois avant la primaire de la droite, le collectif opposé au mariage pour tous organisait sa quatrième université d’été à Etiolles, dans l’Essonne.
Ludovine de La Rochère, président de La Manif pour tous, à Etiolles (Essonne), dimanche 18 septembre 2016. | FRANCOIS GUILLOT / AFP
C’est à l’intérieur du petit chapiteau que cela se passe. A deux mois de la primaire de la droite, le collectif « La Manif pour tous » (LMPT) est entré en piste ce week-end pour relancer ses thèmes de prédilection dans le débat public, à défaut de soutenir un candidat précis pour la présidentielle de 2017.
En perte d’influence, le mouvement organisait la quatrième édition annuelle de son université d’été à Etiolles, commune pavillonnaire de l’Essonne. Et malgré le parcours de golf jouxtant le site hôtelier du Country club, l’heure n’était ni aux flâneries ni au délassement sur les transats, samedi 17 et dimanche 18 septembre.
Montée sur l’estrade pour le discours de clôture devant une centaine de sympathisants, Ludovine de La Rochère se veut combative : « Nous devons continuer notre marche vers le renouveau de notre pays », s’exclame la présidente de La Manif pour tous, qui a conclu son intervention au son de « La Marseillaise » et de « Papaoutai » (comprendre « Papa où t’es »), un tube du chanteur belge Stromaë, détourné pour l’occasion.
Ce « renouveau », selon l’ancienne enseignante de collège, passerait par un retour en arrière législatif. Constituée dès la fin de l’année 2012, La Manif pour tous réclame désormais l’abrogation de la loi Taubira, dont la promulgation, en mai 2013, a ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. « C’est une question de volonté et de courage », estime celle qui a succédé il y a trois ans à « Frigide Barjot », alias Virginie Merle.
Dupont-Aignan et Poisson en visite
Volontaire, Ludovine de La Rochère l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de « donner le quitus » à un candidat pour la primaire de la droite, puis pour le premier tour de l’élection présidentielle. Depuis un an, le collectif La Manif pour tous a beau avoir pris la forme juridique d’un parti politique, il se refuse toujours à donner la moindre consigne de vote. « Votons avec nos tripes », exhorte simplement sa présidente.
La phrase est amère : « Nous ne devons pas nous laisser impressionner par les responsables politiques, sachons avoir de la mémoire et du courage. » Elle dit surtout la déception d’un mouvement qui a déjà perdu plusieurs de ses soutiens, parmi lesquels Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la République, candidat à la primaire de la droite, était un partisan de l’abrogation. Mais il a estimé avoir « eu tort » lors de l’émission Des paroles et des actes, sur France Télévisions, au mois de février 2016.
Dimanche, seuls deux responsables politiques nationaux ont jugé bon de faire un tour sous les ballons géants de La Manif pour tous. Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate, l’un des huit candidats à la primaire de la droite, est reparti dès le début d’après-midi, pipe à une main, et café à l’autre. Nicolas Dupont-Aignan, lui, est simplement passé en « voisin » pendant la pause-déjeuner : le candidat à la présidentielle au nom du parti Debout la France est aussi député de l’Essonne.
Les deux hommes font partie des rares candidats à soutenir encore l’abrogation de la loi Taubira, tout comme Hervé Mariton, député de la Drôme (Les Républicains, LR), lui aussi en lice dans la primaire de novembre, ou encore Marine Le Pen (Front national), à l’extrême droite, qui a également inclus dans son programme l’abrogation de la loi. Même silence à propos de François Fillon, qui a pourtant le soutien de Sens commun, une structure née de La Manif pour tous mais rattachée au parti LR.
Manifestation nationale le 16 octobre
Pour peser davantage dans le débat, La Manif pour tous tente désormais d’élargir ses réflexions au-delà de la contestation initiale du texte législatif. Mardi 13 septembre, le collectif rendait public un texte de 40 propositions pour supprimer le plafond du quotient familial, constitutionnaliser le mariage hétérosexuel, réserver l’adoption aux couples homme-femme mariés ou encore proposer le mariage aux jeunes parents lors de la déclaration de naissance.
Moyennant 9 euros, le programme était en vente ce dimanche à Etiolles. A la table des produits dérivés, quelques autres nouveautés, dont un mug en plastique. L’objet étant orné du logo LMPT (un père, une mère, et deux enfants) et proposé aux couleurs habituelles du mouvement (le rose censé représenter les filles, le bleu, les garçons).
Mais il en faudra davantage pour remplir les rues de Paris lors de la prochaine manifestation nationale du 16 octobre, la première du mouvement depuis deux ans. Ce rassemblement a été prévu pour protester contre « les nouvelles offensives contre la famille et la filiation ». Au cœur de la contestation ? La procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Et déjà un mot d’ordre : « Stop, ça suffit ! ».
Reste une inconnue de taille : combien de manifestants éprouveront l’envie de se retrouver dans la rue, deux ans après le précédent rassemblement, pour scander ce mot d’ordre ? La question se pose d’autant plus au regard du sondage publié par l’IFOP auprès de 2 274 personnes, le 14 septembre, pour le compte de l’Association des familles homoparentales. D’après l’enquête, 63 % des personnes interrogées considèrent ainsi un couple d’homosexuels vivant avec ses enfants comme « une famille à part entière ».