Prisons : sortir de la logique purement immobilière
Prisons : sortir de la logique purement immobilière
Par Jean-Baptiste Jacquin
Le garde des sceaux présente mardi un nouveau plan de gestion du parc pénitentiaire, alors que la population carcérale est à un niveau historique.
Annoncer la construction de places de prisons serait-il devenu un rituel de fin de quinquennat ? Manuel Valls avait chiffré, le 11 septembre, à 10 000 le besoin de création dans les dix ans à venir. Le plan que Jean-Jacques Urvoas, ministre de la justice, présente mardi 20 sera « concret et précis », et surtout « financé », avait prévenu le premier ministre en août.
Alors que la population carcérale s’affiche, avec 68 819 détenus au 1er août pour 58 507 places, à un niveau historique, la densité moyenne atteint 117,6 %. Ce taux n’a pratiquement pas varié depuis trente ans. « Pourtant, on n’a jamais construit autant de places de prison que depuis 1987 », rappelle l’universitaire Jean-Paul Céré, président de l’Association française de droit pénal.
Ce sont les détenus non encore jugés, donc présumés innocents, qui subissent les conditions carcérales les plus dures. Outre la promiscuité et la violence qu’elle génère, la surpopulation en détention a de nombreuses conséquences mécaniques : moins de parloirs par détenu, moins d’activités, moins d’accès aux médecins, aux conseillers d’insertion, etc. Dans les établissements réservés aux condamnés, maison centrale ou centre de détention, la densité est inférieure à 100 %. Il y a une inadéquation criante entre le parc pénitentiaire et la population carcérale.
L’une des raisons est la forte hausse, depuis quelques années, du recours à la détention provisoire : 28 % des détenus sont aujourd’hui des prévenus, un niveau inégalé depuis dix ans et très supérieur à la pratique de nos voisins européens.
« Les politiques oublient la réinsertion »
Pour tenter de ne pas s’enfermer dans cette course sans fin entre la capacité et le nombre de personnes « écrouées hébergées », M. Urvoas compte dessiner une nouvelle stratégie dans la gestion du parc pénitentiaire, avec une classification des établissements plus adaptée aux besoins. Cela devrait aller de la prison de haute sécurité pour détenus dangereux, jusqu’aux établissements ouverts pour les condamnés en semi-liberté ou les détenus qui, en fin de peine, entrent dans des programmes de réinsertion.
« Les politiques s’intéressent peu à la détention, en dehors des aspects immobiliers et hôteliers », estime Paul Marconot, le président de l’Association nationale des visiteurs de prison. Ces plans successifs d’augmentation de la capacité des prisons « oublient systématiquement de s’intéresser à la réinsertion, à la préparation de la rentrée dans la société », déplore-t-il. Actuellement, la durée moyenne de détention en France est de onze mois. Les détenus ont donc vocation à sortir. Or, selon Dominique Raimbourg, le président socialiste de la commission des lois de l’Assemblée nationale, plus de 80 % des sorties de prison sont « sèches », sans préparation à la réinsertion ni accompagnement.
Les conséquences de cette politique se mesurent dans le budget de la justice, en croissance régulière, mais dont la plus grande part est désormais accaparée par l’administration pénitentiaire. Avec une part liée aux partenariats public-privé qui augmente régulièrement. Cet afflux de moyens n’a pas pour autant permis de répondre au problème de la récidive.
Autre sujet lié à la surpopulation carcérale : les peines alternatives à la prison. Alors que la contrainte pénale introduite par la loi de 2014 a fait un flop, le ministre de la justice devrait dévoiler sa stratégie en la matière en octobre, après la remise d’un rapport d’inspection.