Le Gabon suspendu à l’annonce des résultats de la présidentielle
Le Gabon suspendu à l’annonce des résultats de la présidentielle
Par Christophe Châtelot
Après l’élection qualifiée de « frauduleuse » par l’opposition, l’incertitude règne sur le moment où sera rendu public l’avis de la Cour constitutionnelle, et sur un éventuel recomptage des voix.
Libreville, 6 septembre 2016. Un homme en habits traditionnels a rejoint les cérémonies de deuil pour les opposants morts dans les violences post-électorales. | MARCO LONGARI / AFP
Le Gabon était toujours suspendu, vendredi 23 septembre, à l’annonce définitive des résultats de la présidentielle du 27 août par la Cour constitutionnelle. Cette institution avait jusqu’à aujourd’hui pour rendre son avis sur les différents recours déposés par l’opposant Jean Ping pour contester la victoire annoncée, le 31 août, du président sortant Ali Bongo Ondimba. La publication, le 1er septembre, de cette victoire du chef de l’Etat, à l’arraché (avec quelque 6 000 voix d’avance), considérée comme « frauduleuse » par l’opposition avait provoqué des émeutes meurtrières dans la capitale Libreville et plusieurs cités de province.
Toutefois, l’incertitude demeurait concernant une éventuelle prolongation du délai légal de 15 jours dont disposait la Cour constitutionnelle avant de rendre son avis. « Un glissement n’est pas exclu », estime Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, porte-parole de Jean Ping. Hier, devant les membres de la Cour constitutionnelle, le commissaire de la loi, représentant le ministère public, a plaidé en faveur d’un recomptage des procès-verbaux au niveau national.
Recours sur la province du Haut-Ogooué
Les avocats de Jean Ping ont en effet déposé un certain nombre de recours portant uniquement sur la province du Haut-Ogooué où le taux de participation officiel et improbable de 99,93 % alimente tous les soupçons d’une fraude. Une fraude qui aurait permis à Ali Bongo Ondimba de rattraper, in extremis, le retard accumulé dans les huit autres provinces. « Ce recomptage pourrait ouvrir la voix à un report de la décision de la Cour constitutionnelle », avance Jean-Gaspard Ntoutoume.
En 2009, lors de la première élection, controversée déjà, d’Ali Bongo Ondimba, cette institution avait annoncé sa décision un mois après avoir été saisie du contentieux. Et confirmé le résultat initial. « Cette fois-ci encore, je doute que la présidente de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo [parente du président Bongo] inverse la décision, avance un diplomate ouest-africain. Mais la question est de savoir quand elle fera l’annonce. A une heure à laquelle on ne l’attend pas ? » Jeudi, la présidente, qui fut l’une des maîtresses d’Omar Bongo, avec qui elle a eu des enfants, avait indiqué que l’affaire était « mise en délibéré. En principe, la décision pourrait être rendue à l’audience du 23 septembre, mais je demande au greffier de communiquer la date exacte, l’heure exacte aux conseils des deux partis ».
Jean Ping menacé d’arrestation
Vendredi matin, le calme régnait encore à Libreville. Les forces de sécurité qui avaient été déployées en nombre durant l’après-midi de la veille s’étaient retirées des rues, selon les témoignages d’habitants joints par téléphone. Après les émeutes et pillages qui ont marqué l’annonce des résultats, le pouvoir a prévenu qu’il ne tolérerait cette fois-ci aucun dérapage.
Le ministre de la communication, et porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nzé a prévenu que Jean Ping pourrait être arrêté s’il franchissait « la ligne rouge » dans l’hypothèse où il n’obtiendrait pas gain de cause devant la Cour. La ministre de la justice, Denise Mekam’ne, a indiqué aussi jeudi dans un communiqué que le gouvernement avait « demandé instamment à la procureure près la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête » après les violences du début septembre, en mettant en cause l’opposition. La veille, deux plaintes de ressortissants franco-gabonais ont été déposées en France visant les forces de sécurité, selon un collectif d’avocats qui compte aussi saisir la CPI.