Hausse du chômage en août : la défense du gouvernement tient-elle la route ?
Hausse du chômage en août : la défense du gouvernement tient-elle la route ?
Par Adrien Sénécat
Les chiffres de Pôle emploi publiés lundi n’ont pas vraiment de quoi rassurer, malgré les explications données par la ministre du travail.
Après un début d’année encourageant, Pôle emploi a enregistré un pic d’inscriptions au mois d’août, selon les chiffres publiés lundi 26 septembre. C’est même l’un des pires mois du mandat de François Hollande sur ce terrain, avec 50 200 demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A) supplémentaires. Un mauvais résultat que le gouvernement a tenté d’expliquer par des éléments extérieurs, tandis que l’opposition y voit l’échec de sa politique. Qui dit vrai ? Nous avons passé en revue les principales affirmations qui circulent sur le sujet.
Est-ce la plus forte hausse mensuelle depuis 2009 ?
PLUTÔT VRAI
C’est l’un des arguments relayés par des internautes hostiles au gouvernement sur les réseaux sociaux : la hausse du chômage en août serait, sur un mois, la plus importante depuis les pires mois de la crise en 2008 et 2009.
#Chômage - Quand Hollande réussit l'exploit de créer en Août 2016 plus de chômeurs que n'importe quel autre mois du… https://t.co/5GHFuJMzXA
— LaGaucheFALCON (@La Gauche FALCON)
Un argument validé par les chiffres de Pôle emploi : si l’on observe les demandeurs d’emploi des catégories A, B et C, c’est-à-dire à la fois ceux qui n’ont aucune activité et ceux qui ont une activité réduite, l’arrivée de 76 100 chômeurs supplémentaires en août est la plus forte sous le quinquennat de François Hollande. Et la troisième plus forte hausse depuis février et avril 2007.
Le tableau est un peu moins sombre si l’on se concentre sur les demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucune activité). On observe alors une hausse inférieure à celles de janvier et septembre 2013 ainsi que durant la période novembre 2008-avril 2009.
La tendance est-elle à la baisse depuis début 2016 ?
NI HAUSSE, NI BAISSE
Les bons résultats de mars (plus forte baisse du nombre de chômeurs sans activité des dix dernières années) laissaient la porte ouverte à la fameuse « inversion de la courbe » tant espérée par le gouvernement. Mais la tendance a depuis été erratique, alternant les hausses et les baisses, avec des mouvements d’une catégorie à une autre. Résultat : peu importe le périmètre observé, le nombre de demandeurs d’emploi reste globalement stable.
Les arguments du gouvernement expliquent-ils cette hausse ?
SEULEMENT PARTIELLEMENT
La ministre du travail, Myriam El Khomri, a insisté dans un communiqué sur le poids des attentats de juillet sur l’économie pour expliquer les mauvais chiffres d’août :
« Ce résultat, nettement moins favorable que ceux des mois précédents, peut s’expliquer notamment par les difficultés rencontrées dans certains secteurs d’activité particulièrement affectés par les attentats de juillet (tourisme, hôtellerie-restauration, commerce de loisir, notamment). »
Difficile de savoir dans quelle mesure les événements de juillet ont contribué à la hausse du chômage en août. Ce que l’on sait, c’est qu’ils ont sans doute aggravé les difficultés du tourisme, un secteur qui était déjà à la peine au mois de juillet.
Deuxième point soulevé par la ministre, une baisse jugée « inhabituelle » du nombre de chômeurs qui sortent des listes pour « défaut d’actualisation » – soit ceux qui n’ont pas mis leur dossier à jour et ne sont donc plus comptabilisés. Un phénomène que Mme El Khomri explique par un « effet calendaire », c’est-à-dire qu’il y avait plus de jours ouvrés pendant lesquels les chômeurs ont pu mettre à jour leur dossier. Dans les faits, on observe effectivement une baisse, d’un peu moins de 15 000 inscrits (loin de la hausse constatée en avril avec 13 000 cessations d’inscription).
Les chiffres des cessations d’inscription sont en fait difficiles à interpréter, parce qu’ils mettent dans la même catégorie des personnes qui n’ont pas actualisé leur situation après avoir retrouvé un emploi et des « vrais » chômeurs qui réapparaîtront le mois suivant. Cette explication semble néanmoins là aussi très partielle, puisque les reprises d’emploi déclarées sont également plutôt en berne (- 2 %).
Le nombre de chômeurs en formation ou en stage a-t-il explosé ?
C’EST VRAI
Gérard Cherpion, député des Vosges et secrétaire national du parti Les Républicains chargé du travail et de l’emploi a également mis en avant un autre point qui écorne la défense du gouvernement : depuis le début du quinquennat, le nombre de chômeurs de catégorie D (personnes sans emploi en stage, en formation, en maladie, etc.) s’est envolé. Une situation que l’élu qualifie de « tour de passe-passe statistique ».
En août, la catégorie D a atteint un niveau record, réunissant 325 200 inscrits, contre 308 900 en juillet et seulement 245 000 en mai 2012. On peut par ailleurs faire la même observation pour la catégorie E (contrats aidés).
Poussé par le plan « 500 000 formations », le nombre mensuel de personnes passées des catégories A, B ou C à la catégorie D a lui explosé en 2016, passant de 45 000 fin 2015 à 90 800 en août, soit plus du double. Or, les personnes concernées semblent revenir rapidement sur les listes de Pôle emploi, si l’on en croit l’explosion des inscriptions pour « reprise d’activité » (« fin de stage ou de congé de maladie ou maternité », selon la notice méthodologique de Pôle emploi).
Il est trop tôt pour juger de l’efficacité de la politique de formation sur le long terme. Mais on peut d’ores et déjà constater que le nombre de chômeurs qu’elle a fait sortir des catégories A, B et C reste insuffisant pour constater une inversion de la courbe du chômage.
Les radiations se sont-elles multipliées aussi ?
PLUTÔT FAUX
Si les emplois aidés et les formations se sont multipliés ces dernières années, on ne peut pas en dire autant des radiations des listes de Pôle emploi. On en comptait 51 400 en août, contre 52 000 en juillet. Le nombre de radiations a d’ailleurs progressé plutôt moins vite que le chômage sous François Hollande (+ 21 % environ de mai 2012 à août 2016 contre + 27 % pour les catégories A, B et C confondues).