Plus de bacheliers, mais toujours autant d’inégalités
Plus de bacheliers, mais toujours autant d’inégalités
Par Séverin Graveleau
Dans son rapport sur les inégalités sociales et migratoires, le Conseil national d’évaluation du système scolaire pointe notamment la « hiérarchie » entre les bacs.
Affichage du résultat au baccalauréat, à Caen. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP
L’étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) dévoilé mardi 27 septembre détaille comment l’école amplifie les inégalités de naissance à chaque étape de la scolarité, y compris lors du baccalauréat.
Prise en charge des élèves, qualité des enseignements, environnements scolaires, etc. : cet ensemble de rapports scientifiques décrit « la longue chaîne » de processus inégalitaires à l’œuvre dans l’éducation nationale, faisant qu’un enfant de milieu défavorisé et/ou issu de l’immigration ne peut rivaliser avec ses camarades « bien nés ». Et ce malgré, et même en partie « à cause », des politiques d’égalité des chances et d’éducation prioritaire mis en place depuis plus de trente ans en France.
Hiérarchie entre les bacs
En tant que « premier grade universitaire », le baccalauréat pourrait servir à remettre les choses à plat, en offrant un diplôme de même niveau à tous. Mais il semble qu’il vienne juste acter et officialiser l’injustice scolaire qui le précède. « L’objectif fixé de 80 % d’une classe d’âge possédant le niveau baccalauréat masque la réalité d’inégalités sociales de diplomation », tacle ainsi le Cnesco. Car il existe bel et bien « une hiérarchie entre les voies générales, technologiques et professionnelles [et] entre les filières ».
Autrement dit : l’inégalité « verticale » historique d’accès au baccalauréat, qui éloignait auparavant du diplôme certaines populations, s’est transformée en inégalité « horizontale » explique le Conseil. Certes, plus d’élèves d’origine différentes obtiennent aujourd’hui le bac. Mais ils ont dû faire face « à un inégal accès aux voies d’enseignement ». Par exemple, si 90 % d’enfants de cadres et d’enseignants ont obtenu le baccalauréat en 2002 (dont 40 % un baccalauréat scientifique), c’est seulement le cas de 40 % d’enfants d’ouvriers non-qualifiés (et seuls 5 % obtenaient un baccalauréat scientifique).
Proportion d’élèves ayant obtenu le baccalauréat selon leur milieu social | MEN-DEPP
Conséquences sur la poursuite d’étude et l’insertion professionnelle
Alors que l’on s’est surtout concentré sur l’objectif chiffré – et politique – des « 80 % » de bacheliers dans une classe d’âge, il faut s’intéresser à la « nature du baccalauréat obtenu », selon le Cnesco. Car tous les types de bac ne mènent pas aux mêmes poursuites d’études et aux mêmes positions sociales. Alors que la quasi-totalité des bacheliers généraux intègrent l’université (55 %) ou des filières sélectives de l’enseignement supérieur, la majorité des bacheliers professionnels (67 %) s’arrêtent à ce diplôme du secondaire.
Taux d’inscription dans le supérieur | Ichou / Cnesco
Le baccalauréat général fonctionne donc bien comme « une première étape vers l’enseignement supérieur », alors que le baccalauréat professionnel « est majoritairement destiné à être une qualification finale avant la recherche d’emploi », tandis que le bac technologique occupe une position intermédiaire.
Des différences qui pèsent sur l’insertion professionnelle puisque celle-ci progresse en même temps que le niveau de diplomation finale. Résultat : « Sept mois après l’obtention d’un diplôme sous statut scolaire, 46 % des bacheliers professionnels sont au chômage. » Ces difficultés d’insertion varient par ailleurs selon les différences sociales : après trois ans de vie active, l’écart de taux de chômage entre enfants de cadres et d’ouvriers issus de la voie professionnelle atteint six points (17 % contre 23 %). Le Cnesco estime donc prioritaire la rénovation de l’enseignement professionnel, « segment éducatif accueillant les élèves des familles les plus démunies ».