La Nuit blanche organisée le 1er octobre par la Ville de Paris n’est pas faite pour bûcher ou guincher. Ni angoisse ni gueule de bois à la clé, mais des promesses de coup de foudre. Dans la nuit de samedi à dimanche, lycanthropes et insomniaques curieux sont invités à arpenter la cité d’est en ouest, du quartier médiéval de l’église Saint-Gervais à l’île Saint-Germain, dans une quête romanesque inspirée du Songe de Poliphile, roman italien du xve siècle, dont le héros est épris de la nymphe Polia.

Derrière la flânerie amoureuse mitonnée cette année par Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, il y a une savante machinerie. Car l’exercice est complexe. Travailler dans le cadre d’une salle d’exposition, c’est donné à tout le monde. Se projeter à l’échelle d’une ville, voilà une tout autre paire de manches. De nombreux critères, contradictoires, sont à prendre en compte : préserver le calme relatif des riverains, assurer la circulation d’un million de Parisiens en goguette, sans oublier le respect du budget – 1,2 million d’euros –, et des contraintes de sécurité, aiguisées par la crainte des attentats. Pas simple d’organiser la grande parade de Philippe Quesne, cortège de taupes géantes montées sur un char fumant, le long de la Seine, quand l’entrée des berges est bloquée par des plots anti-voiture bélier. Plus question de files d’attente qui s’éternisent devant des portes entrouvertes avec parcimonie : la quasi-totalité des œuvres sont installées en extérieur. Autre site de vigilance, le tunnel des Tuileries, qui sera sillonné toute la nuit. Aucune pièce n’a pu y être placée pour éviter les goulots d’étranglement, sources de mouvements de panique. Last but not least, il aura fallu bloquer les cinq ponts du parcours, lieux de passage et de bousculade par excellence, mais où plusieurs œuvres ont élu domicile.

Installation d’œuvres monumentales

Aussi, la Nuit blanche s’est-elle préparée depuis février, au gré de réunions hebdomadaires entre l’agence Eva Albarran, productrice déléguée de l’événement, et la direction des affaires culturelles de la Ville. Le montage, lui, a démarré à J-6. Parfois davantage : le mât d’Abraham Poincheval ou le miroir repeint de chats d’Alain Séchas ont été installés, gare de Lyon, pour annoncer l’événement une semaine auparavant. Certaines interventions sont légères. D’autres bien plus complexes. Il a fallu mettre à contribution plongeurs et experts des Voies navigables de France pour s’assurer que le tourbillon d’eau de l’artiste britannique Anish Kapoor n’altérerait en rien le circuit des bateaux, ou pour distiller sous le pont des Arts les sondes de son compatriote Oliver Beer, destinées à révéler l’écosystème sonore de la Seine.

Le compte à rebours est lancé

Autre tour de force, la mer de rochers parcourus de fossiles que le Brésilien Rodrigo Braga a enclavée dans le bassin de l’esplanade du Palais de Tokyo. Produite par SAM Art Projects, cette œuvre monumentale a nécessité 40 m3 de pierres provenant des carrières de la Meuse. Il aura fallu six tailleurs de pierre, cinq semi-remorques et le soutien de Bouygues Bâtiment et France-Lanord & Bichaton pour mener à bien leur extraction, convoi et installation. D’autres œuvres ne seront installées que la veille, comme celle, mouvante, de Christian Rizzo, à l’Hôtel-Dieu. Et là, le décompte et le stress commencent : à peine quarante-huit heures pour tester l’ensemble et s’assurer que le 1er octobre tout sera en ordre de marche.

Nuit blanche, le 1er octobre à Paris. quefaire.paris.fr/nuitblanche

Le mât d’Abraham Poincheval en images

Nuit blanche : un camp d’altitude en plein Paris
Durée : 00:51
Images : AFP