Une loi pour rapprocher les outre-mer de la métropole
Une loi pour rapprocher les outre-mer de la métropole
Par Patrick Roger
Le texte présenté par la ministre Ericka Bareigts fixe l’objectif de « construire une convergence sur dix ou vingt ans ».
Ericka Bareigts, au ministère des outre-mer, à Paris, le 3 octobre. | MARC CHAUMEIL POUR "LE MONDE"
Le projet de loi sur l’égalité réelle outre-mer avait été présenté conjointement, le 3 août, par la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin, et la secrétaire d’Etat à l’égalité réelle, Ericka Bareigts. Cette dernière, devenue depuis ministre des outre-mer lors du mini-remaniement de la fin août, défendra seule le texte dont la discussion commence mardi 4 octobre à l’Assemblée nationale.
L’article premier du projet de loi affirme en préambule : « Dans un objectif d’égalité réelle, la réduction des écarts de développement que connaissent les populations d’outre-mer au sein du peuple français constitue une priorité de la nation. » Il définit une stratégie et des objectifs de résorption des inégalités sur une durée comprise « entre dix et vingt ans ». « Les outre-mer sont divers, il ne peut y avoir d’unicité des politiques publiques, insiste la ministre. Les plans de convergence vont permettre de mettre en œuvre une démarche nouvelle et adaptée à chaque territoire pour atteindre des indicateurs acceptables pour la République française. La République une et indivisible accepte cette diversité, dans la méthode, les objectifs et les moyens. »
Le texte initial ne comportait pas plus d’une quinzaine d’articles. « La loi de départementalisation de 1946 [érigeant en départements la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et la Guyane] ne comportait que quatre articles, rappelle Mme Bareigts. Sur l’égalité réelle, c’est un peu la même chose. Elle consacre une nouvelle approche des outre-mer. Il y aura d’autres lois qui porteront la marque de l’égalité réelle mais qui ne s’écriront pas de la même façon. » A l’issue des travaux en commission, le texte qui vient en séance comprend déjà une centaine d’articles.
« On ne veut pas “plus”, on veut “comme” »
Le projet de loi présente un caractère mixte : à la fois texte de programmation et dispositions purement normatives. Du coup, les députés se sont engouffrés dans la brèche pour y intégrer de nombreuses mesures sociales, économiques, institutionnelles, relatives à l’école ou à la formation, à la mobilité, à la culture ou au développement durable. Le rapporteur n’est autre que Victorin Lurel, député (PS) de la Guadeloupe et auteur du rapport sur l’égalité réelle dans les outre-mer rendu en mars au premier ministre, et l’ancien ministre des outre-mer (2012-2014) avait à cœur d’imprimer, lui aussi, sa marque.
La nouvelle ministre a plutôt accompagné le mouvement. « Le projet de loi devait être très ancré convergence économique, reconnaît-elle. Je me suis battue pour que soit développé l’aspect social et éducation. » Ainsi, des amendements ont été intégrés portant sur l’harmonisation des prestations familiales ou le relèvement du complément familial. « J’entends souvent la petite musique selon laquelle les outre-mer coûtent cher. Mais ils ne coûtent pas cher ; c’est la France, s’insurge l’ancienne députée de la Réunion. On ne veut pas “plus”, on veut “comme”. C’est comme cela qu’on va construire sur dix ou vingt ans une convergence. »
« L’Etat est au centre des attentes des Mahorais »
Plusieurs chapitres du projet de loi sont consacrés à Mayotte, devenue département en 2011 à la suite du référendum organisé en 2009 par Nicolas Sarkozy. Les efforts de rattrapage engagés depuis 2012 ne parviennent cependant pas à couvrir des besoins exponentiellement croissants, notamment du fait de l’immigration venue des Comores voisines. L’archipel est régulièrement en proie à des poussées éruptives et gangrené par un climat de violence et d’insécurité. « Après des années de bataille, Mayotte est devenue française. Mais ceux qui ont entériné ce changement de statut n’ont rien préparé, déplore Mme Bareigts. On paie aujourd’hui les conséquences de cette impréparation et de l’absence d’accompagnement. Il nous faut à la fois rattraper les retards, traiter le présent et préparer l’avenir. »
La ministre revient d’un court déplacement dans l’île. « L’Etat est au centre des attentes des Mahorais mais il faut arrêter de considérer le sujet uniquement sous l’angle immigration-insécurité, constate-t-elle. On peut, de façon pragmatique, lancer des projets concrets, accélérer notamment en investissant dans l’enseignement primaire et en relançant les commandes publiques. » L’Etat doit aussi éponger son propre passif envers ce territoire en matière d’aides sociales – 40 millions d’euros de passif sur la seule aide sociale à l’enfance. C’est un des engagements pris par la ministre lors de son séjour à Mayotte. Le projet de loi va également créer un dispositif « cadre avenir » permettant à des jeunes Mahorais de suivre en métropole ou à La Réunion une formation de niveau master 2 (bac + 5) en prenant en charge le transport, une aide à l’installation et une allocation mensuelle pendant une durée de cinq ans.
Avant son examen par les parlementaires, le projet de loi a fait l’objet d’une consultation publique dans l’île de l’océan Indien. Plus de 8 000 consultations et 2 000 contributions ont été enregistrées, qui font ressortir trois préoccupations essentielles : la question de la vie chère, les problèmes de mobilité et le sujet des coopérations régionales. « Nous ne sommes plus dans une relation exclusive Hexagone-territoires, note Mme Bareigts. Nous devons penser le développement des territoires dans leur environnement régional. » Pour tous les outre-mer, ce projet de loi peut constituer une avancée majeure. Après une si longue attente et tant d’espoirs déçus.