Un Rafale décolle de la base de Solenzara, le 16 mars 2016. | © Charles Platiau / Reuters / REUTERS

Grâce à Lafayette, qui, en 1777, porta assistance aux insurgés américains contre la Couronne britannique, la France est qualifiée à Washington de « plus vieil allié » des Etats-Unis. Dans le domaine militaire, cela ne suffit pas à éviter les malentendus entre les deux partenaires. En témoigne le quiproquo au terme duquel des bombardiers américains se sont vu refuser au cours de l’été l’utilisation de la base aérienne de Solenzara, en Corse.

Le Pentagone a demandé à la France une autorisation pour poser ses avions de chasse sur la BA 126, située à l’est de l’île. Celle-ci, fort bien située et disposant d’un dépôt de munitions, abrite des escadrons de passage, pour des exercices de l’OTAN ou des campagnes de tirs nationales. Côté américain, l’objectif est clair : il s’agit de soulager la logistique des frappes aériennes conduites en Libye contre l’organisation Etat islamique. Pour être au plus près du théâtre libyen durant la guerre de 2011, c’est à Solenzara que la France avait positionné ses Rafale et ses Mirage 2000.

La base d’Istres déjà sollicitée

Pour le front libyen, l’US Air Force fait décoller des chasseurs F15 depuis Lakenheath, au Royaume-Uni, ce qui implique des missions très longues, et donc de nombreux ravitaillements en vol. En août, Washington avait annoncé une intensification de sa campagne de frappes en Libye en vue de reprendre Syrte des mains de l’EI. Sollicitées, les autorités italiennes, qui ont déjà ouvert leur base de Sigonella en Sicile aux drones de combat américains, n’ont, cette fois, pas donné de suite favorable. Le Pentagone s’est tourné naturellement vers son vieux partenaire, la France. Pour les opérations en cours, des avions militaires américains stationnent déjà dans l’Hexagone, sur la base d’Istres. Il s’agit de tankers voués au ravitaillement, aéronefs dont la présence est moins sensible que les chasseurs bombardiers.

Washington avait pourtant reçu une réponse de principe favorable du ministère de la défense

Pour Solenzara, le grand allié a d’abord reçu une réponse de principe favorable, par la voix du cabinet du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. L’ambassade de France à Washington a été chargée de traiter le dossier. Et le Pentagone a compris que l’accord était scellé par ce feu vert du ministre français. Une équipe américaine s’est rendue en mission à Solenzara pour étudier la venue des équipages et le stockage de leurs bombes. En vain.

Comme il se doit pour une décision de pareille importance, le dossier est en effet remonté jusqu’au conseil de défense, que le président de la République réunit à l’Elysée à une fréquence inédite, chaque semaine, depuis les attentats du 14 juillet à Nice. Le chef des armées, François Hollande, a manifesté son accord sans rechigner, mais en précisant en substance : « Je lui dirai oui, mais qu’Obama m’appelle pour me le demander. » Quand les Français ont sollicité leurs homologues en vue de préparer cet échange téléphonique présidentiel, le quiproquo fut total. A Washington, on ne comprend plus rien. Pour l’heure, il n’est donc pas prévu que les avions américains se posent à Solenzara.