Jeu vidéo : « Gears of War 4 », la nouvelle référence du jeu de tir hollywoodien
On a testé… « Gears of War 4 », la nouvelle référence du jeu de tir hollywoodien
Par William Audureau
La superproduction de « The Coaliation » est un hommage appuyé au cinéma de science-fiction des années 1980, autant qu’un jeu vidéo de tir stratégique, collégial et ludique.
« Maintenant, il faut qu’on trouve mon père », exhorte le héros. « Mais, et si on n’y arrive pas ?, s’inquiète sa sœur d’armes. Eh bien, je suppose qu’il faudra se débrouiller seul », glisse-t-il, dans une de ces réponses bien plus profondes que ne laisse deviner le minois volontiers jeune et imprudent du trio. Profondes ? Le terme est peut-être exagéré.
On ne peut pas lui faire ce crédit-là : Gears of War n’est pas une série intello. Ses héros sont des masses musculeuses épaisses aux mâchoires en enclume. Ses armes, des breloques métalliques géantes au ronflement tonitruant. Ses ennemis, des espèces de crocodiles gris bipèdes au regard absent et à la nidation gluante. Pourtant, la sage aime à jouer d’une étrange ironie, à l’image de la musique accompagnant la bande-annonce de son quatrième épisode, disponible sur Xbox One et PC vendredi 7 octobre, Sound of Silence de Simon & Garfunkel.
Gears of War 4 - Tomorrow
Durée : 01:00
La chair des aliens
Hommage à toute une lignée d’œuvres de science-fiction aux héros anguleux et aux monstres visqueux, de Predator à Independance Day en passant par Starship Troopers, la série de Microsoft assume un registre cinématographique connu et balisé. Elle en respecte les codes, parfois même de manière un peu trop fidèle, avec ses séquences très prévisibles de rencontre avec des cocons humains, ou d’exploration d’une ruche alien.
Cet épisode a le mérite d’emmener le jeu plus loin encore que sa trilogie originale, avec ses séquences d’aération tantôt en moto, en filin ou en monte-charge. Avec, à chaque fois, une obsession : restituer le souffle épique d’un morceau de bravoure hollywoodien. Avec sa musique à la Hans Zimmer et son gigantisme à la Roland Emmerich, Gears of War 4 est à l’école des grosses superproductions, mais il le fait bien.
Au plus fort de son action, le jeu est le théâtre d’un orage de fer et de fureur, une grêle de plomb tachetée d’éclats de sang vermillon. Ce sont des molosses de ferraille qui s’abritent à flanc de murets, et des créatures difformes qui explosent dans des gerbes de semence, à la manière d’un furoncle qui éclate. Héritier d’Aliens : le retour tout comme de Doom, modèle éternel du jeu vidéo fait charcuterie, Gears of War témoigne d’une lointaine fascination de la science-fiction pour la rencontre entre le métal et la chair, entre l’acier et le musc, entre ce qui perfore et ce qui dégouline.
Dans le monde viscéralement tactile des space marines, la matière est toujours la métaphore d’un contact imprévisible avec l’altérité. En introduisant pour la première fois des robots à la Terminator, lisses, métalliques et sans prise, Gears of War 4 ne renie pas cet héritage mais le souligne au contraire, d’un habile effet de contraste. Plus tard, cette suite reviendra aux fondamentaux de la saga : tronçonner, pénétrer, éclater ou encore se faire avaler – kamasutra d’un jeu vidéo qui campe volontiers au stade buccal.
Gears of War 4 Gameplay Campaign (E3 2016)
Durée : 08:15
Papaoutai chez les mollusques extraterrestres
S’il est amouraché du cinéma des années 1980, Gears of War 4 copie aussi ses rejetons modernes, en reprenant les codes d’Indiana Jones 4, Die Hard 5 ou encoreStar Wars VII : Le réveil de la Force. Marcus Fenix, son héros apparu en 2006, campe désormais un vieux beau, à la manière de Harrison Ford ou Bruce Willis dans les années 2010. Les Gears, les armures de guerre qui donnent leur nom à la série, mettent plus d’un chapitre entier – sur les cinq que compte l’histoire – pour ressurgir, et être, littéralement, sorties de leur remise, à la manière de costumes de Ghostbusters. Et l’histoire elle-même, de manière diffuse mais assumée, plante à plusieurs reprises la question de la filiation, de l’héritage et de la prise de relais.
Bien sûr, on pourrait ironiser sur ce jeu vidéo qui après seulement dix ans d’existence, singe déjà des codes de trentenaires. Ce serait oublier que dans l’industrie de la manette, le temps s’écoule bien plus vite qu’ailleurs, et les fusillades rangées avec caméra portée de Gears of War, séminales en 2006, ont déjà un air délicieusement vintage en 2016. D’Uncharted à Army of Two en passant par Dead Space, nombre de superproductions ont suivi son sillon et la mode qu’il a portée a depuis fait long feu.
La vérité, c’est que Gears of War 4 est, plus en profondeur, un jeu hanté par la question de l’héritage. Hanté parce que ce quatrième épisode, conçu à Vancouver par le jeune studio The Coaliation, est le premier à ne pas être développé par Epic, les créateurs de la trilogie originale. La continuité technique, esthétique et tactile est toutefois là : après un premier chapitre qui s’égare volontairement dans un registre différent, l’aventure reprend petit à petit à bras-le-corps toutes les marqueurs identitaires de la saga : le cadre mégalomaniaque et mélancolique à la fois, la lourdeur des déplacements, la balistique soigneusement étudiée et les jeux de couverture en escouades de quatre - humains ou ordinateur.
Surtout, Gears of War 4 est hanté par l’héritage de Cliff Bliezscinski, l’homme qui avait distillé tant d’éléments personnels dans la trilogie d’origine, comme l’univers gothique décrépi, imaginé par le programmeur américain en plein divorce ; la question languissante du père, qu’il a perdu à 15 ans ; et cette virilité guerrière surjouée qui accompagne ses créations depuis Jack Jackrabbit, le lièvre déguisé en Rambo, en 1994.
Narration spatiale
Et le jeu s’en tire. Avec habileté, il marche dans les pas de ses prédécesseurs quand il le faut, sait s’en extirper aussi, pour mieux surprendre ou se désenclaver. Pris dans leur ensemble, les trois premiers actes, après un début poussif, sont un modèle d’écriture - et rate de peu de tuer le père, littéralement, à la fin de celui-ci.
Microsoft
Partout autour de soi, l’architecture des lieux raconte ce que l’histoire ne fait que suggérer. Celle d’une terre ravagée, d’une civilisation en ruines, de maternités désertées et de pensionnats en ruines. Monument de narration spatiale, Gears of War 4 appartient à la caste de plus en plus rare des jeux en circuit guidé ; productions qui à la liberté d’improviser des mondes ouverts, préfèrent la musicalité d’un corridor de plus en plus sombre, d’un coude de couloir qui s’ouvre sur un angle mort, d’une forêt de veinules qui chantent l’étrangeté, ou d’un funiculaire qui lentement, annonce une longue descente en enfer. Loin des décors en carton-pâte d’un Call of Duty, ici chaque pierre, chaque liane, chaque carcasse abandonnée semble raconter quelque chose de ce monde en chaos.
On pourra redire de Gears of War 4 sur certains détails. Ses fusillades, qui si variées soient-elles, finissent tôt ou tard par se redire. Son quatrième acte, ronronnant après trois heures d’une interminable montagne russe. On pourra même lui reprocher d’avoir été un peu trop respectueux de la recette originale : il s’en écarte par passage sans jamais oser la trahir suffisamment pour la dépoussiérer complètement. Qu’importe. Soulever la poussière, donner corps à des vestiges hantés par d’inimaginables histoires, et transformer ces colysées virtuels en cour de récréation gluante et sanguinolente, c’est ce qu’il sait faire de mieux. Gears of War 4 n’est finalement pas tant un jeu sur le père qui manque, que sur l’enfant que l’on reste.
L’avis de Pixels
On a aimé
- Les codes du cinéma hollywoodien d’action
- La réalisation époustouflante
- Le récit bien mené, avec ses phases lentes et ses accélérations
- Le jeu sait rire de sa grandiloquence
- Ne nous le cachons pas, éclater des furoncles géants, ça décontracte
On n’a pas aimé
- Etre ingéré. Non, sérieux, c’est nul.
- Le peu d’innovations dans la manière de jouer
- Les monstres recyclés à la chaîne
- Georges Brassens aurait sans doute écrit les dialogues autrement
C’est plutôt pour vous si…
- Vous aimez Terminator, Aliens, Starship Troopers et la SF de série B
- Vous avez fini Doom et vous avez encore envie d’une bonne boucherie
- Quand vous entendez le mot culture, vous sortez votre Lanzor
- Vous avez un partenaire avec qui faire équipe pendant dix heures
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous ne jurez plus que par les jeux en monde ouvert
- Vous cherchez une adaptation en jeu vidéo de Marguerite Duras
- Votre éthique personnelle vous interdit de tirer sur des aliens hideux
La note de Pixels :
Alien 8/Rambo 10