Le boom discret des universités catholiques
Le boom discret des universités catholiques
Par Adrien de Tricornot
Les cinq « Cathos » de France – Lille, Paris, Lyon, Angers et Toulouse – ont doublé leurs effectifs en douze ans. Prisées pour leur taux de réussite, leur encadrement et leur taille humaine, elles arrivent, malgré leurs agrandissements, aux limites de leurs capacités.
L’université catholique de Lyon, le 18 septembre 2015. | JEFF PACHOUD / AFP
Le boom des « Cathos », comme on appelle les universités catholiques, ne se dément pas. Les effectifs des cinq établissements français – Lille, Paris, Lyon, Angers et Toulouse – augmentent encore de 6 % à 8 % lors de cette rentrée, selon leur fédération, l’Udesca.
Ils avaient déjà doublé de 2003 à 2015, de 14 000 à 28 600 étudiants. Sans compter les écoles créées par ces universités et devenues autonomes. Si elle restent très petites comparées au million et demi d’étudiant des facs publiques, les Cathos ont répondu à une forte demande ces dernières années.
Traditionnellement, ces établissements assurent des enseignements en religions (comme la théologie ou le droit canonique, suivies par 3 850 étudiants), absents - laïcité oblige - des universités publiques, sauf en Alsace et en Moselle.
Mais leurs autres filières classiques se sont fortement remplies. Avec à chaque établissement ses spécificités. A la Catho de Lille, la filière droit-économie-gestion est la plus conséquente, même si elle est aussi la seule à disposer d’une fac de médecine, avec un fort secteur médico- social. A l’université catholique de l’Ouest (UCO), les sciences de l’éducation, la psychologie et l’information-communication arrivent au premier rang.
« Bonne insertion professionnelle »
« Le succès des Cathos provient essentiellement de leur bon taux de réussite : environ 70 % des étudiants réussissent leur licence en trois ans [soit un taux près de deux fois supérieur aux universités publiques], et un très bon nombre un master en cinq ans. Ce sont des universités de centre-ville, aux effectifs raisonnables, avec une bonne insertion professionnelle », résume Jean-Louis Vichot, délégué général de l’Udesca.
A l’université catholique de Lyon (Ucly), plusieurs étudiants témoignent qu’ils sont arrivés « par le bouche à oreille » – des connaissances leur vantant l’atmosphère de la fac ou l’intérêt des travaux pratiques. L’un d’entre-eux reconnaît qu’il avait besoin d’être davantage encadré « après m’être un peu laissé aller en terminale » dans un lycée public.
Les Cathos recrutent par le biais d’APB (admission post-bac). « Si vous nous mettez en premier choix, c’est sûr, nous vous prenons », assure l’UCO, qui accueille 9 600 étudiants, dont 7 000 à Angers et les autres dans des antennes délocalisées.
Ce n’est pas le cas partout. A la fac de droit de l’Ucly, il faut « un bon dossier : de bonnes appréciations dans les bulletins de première et de terminale, et une lettre de motivation montrant un projet lié au droit », indique le doyen Michel Cannarsa. Ce sont 300 places de première année qui y ont été proposées en L en 2016 (cinquante de plus qu’en 2015), tandis que 280 candidats s’y portaient candidats en premier choix sur APB. Seulement 200 d’entre eux ont été appelés. Et cent autres ont été recrutés alors qu’ils avaient initialement choisi cette filière en second ou en troisième choix.
Une barrière à l’entrée : les droits d’inscriptions
Sauf exception, ces établissements délivrent des diplômes d’Etat, par le biais de conventions avec des universités publiques, ou, si tel n’est pas le cas, en faisant valider directement les diplômes par la procédure des « jurys rectoraux ».
Et ils ne demandent pas de certificat de baptême : « Nous avons une tradition de catholicisme social et de dialogue interreligieux qui remonte à très loin, et nous proposons une formation “non-confessante” : ouverte à tous, quelle que soit la provenance philosophique », souligne Thierry Magnin, recteur de l’Ucly et président de la Fédération des universités catholiques européennes.
Il reste cependant une barrière à l’entrée : les droits d’inscriptions, modulés selon les revenus et le quotient familial (en général de 3 000 à 5 000 euros par an). « Même s’il existe des bourses [des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et des établissements], cela conduit des familles à hésiter », reconnaît Jean-Louis Vichot. Mais ces ressources constituent la très grande majorité du budget des Cathos, à côté des dons, du mécénat et des subventions publiques.
Ces universités cherchent d’abord à se distinguer sur l’accompagnement des étudiants, les cours transversaux (culture générale, développement personnel…), la pédagogie ou la professionnalisation : « Quand quelqu’un a des difficultés, on le sait très vite. Les absences sont relevées le soir même. Quand une mauvaise note est mise, le responsable pédagogique s’en inquiète tout de suite », explique Marc Ollivier, vice-recteur chargé de la formation et de la vie étudiante à l’Ucly.
Travaux d’agrandissement
Autre originalité, la pédagogie. Annick Rivet, directrice du « département de formation humaine » à l’Ucly met en avant son « offre de développement de la personne tous azimuts » : le « centre d’appui pédagogique » propose une palette d’activités, parfois intégrées dans les cursus sous forme d’options : géopolitique, initiation à la langue des signes, art, psychologie, philosophie ou « sagesses du monde ».
« Notre message, c’est : “sortez du moule, vous valez mieux que vos diplômes” », explique Annick Rivet. « Notre démarche est socratique : connais-toi toi-même », ajoute Vincent Goubier, directeur de l’Ecole supérieure pour la qualité, l’environnement, la sécurité et la santé en entreprise (Esqese), en alternance, présente dans les Cathos de Lyon et de Toulouse. Il multiplie aussi les conférences avec des intervenants : musiciens, anthropologues, galeristes, psychologues…
« Les étudiants n’arrivent pas chez nous parce qu’ils sont bons mais pour devenir bons ! », résume Dominique Vinay, dynamique enseignante franco-québécoise la fac de lettres modernes à Lyon… dont les effectifs ont bondi de 69 étudiants en L1 en 2011 à 158 cette année. Entre-temps, elle a transformé la licence en « lettres et arts » et développé « tout ce qui peut rapprocher la littérature de la cité, en partenariat avec le musée des Beaux-Arts, le Théâtre des Célestins et l’Opéra ». Au programme : sortir, se plonger dans les archives, rencontrer les conservateurs, les artistes, rédiger des brochures, ou des biographies…
Pour s’agrandir, les Cathos ont aussi beaucoup investi et mené des travaux d’agrandissement. L’UCO a ouvert en 2015 son nouveau campus à Rezé (Loire-Atlantique), près de Nantes (400 étudiants) qui va encore se développer. Ailleurs, les sites sont désormais confrontés à un « effet de seuil » : financier, mais aussi pour ne pas changer leur modèle de proximité.