Comment Jean-Luc Mélenchon veut imposer son programme
Jean-Luc Mélenchon veut imposer son programme
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
Le candidat à la présidentielle réunit sa première « convention » ce week-end à Lille.
Jean-Luc Mélenchon, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 27 septembre 2016. | PHILIPPE HUGUEN / AFP
Jean-Luc Mélenchon continue de tracer son sillon présidentiel. Samedi 15 et dimanche 16 octobre à Saint-André-lez-Lille (Nord), le député européen organise la première « convention » de son nouveau mouvement, La France insoumise. Une ébauche de son programme, baptisé « L’avenir en commun », devait y être présentée avant un discours du candidat dimanche matin.
Depuis la rentrée, M. Mélenchon est confronté à un défi : réussir à exister quand la primaire de la droite bat son plein. Lui s’est déclaré en février mais doit gérer un calendrier compliqué en attendant que le paysage politique du premier tour de la présidentielle s’éclaircisse. Ce week-end, plus de 1 000 personnes étaient attendues, dont les deux tiers ont été tiré au sort parmi les 130 000 qui ont « appuyé » sa candidature sur sa plate-forme Internet, Jlm2017.fr.
L’autre tiers est composé de « l’espace politique » de La France insoumise, avec le Parti de gauche (PG), des communistes, des militants d’Ensemble (la troisième force du Front de gauche) et la Nouvelle Gauche socialiste de l’ex-député européen PS Liêm Hoang-Ngoc.
« C’est un événement inédit, vante le directeur de campagne de M. Mélenchon, Manuel Bompard. Ce n’est ni un congrès, ni un grand show à l’américaine. Il y aura des syndicalistes, des universitaires, des lanceurs d’alerte… Pour une grande majorité d’entre eux, ce sera la première fois qu’ils assistent à un événement politique. »
Les participants seront invités à réfléchir pour identifier une dizaine de « mesures emblématiques » issues du programme. Ce dernier a été élaboré en plusieurs étapes. Le point de départ : le « petit livre rouge » de 2012, L’Humain d’abord, auquel se sont ajoutées plus de 3 000 contributions d’internautes et les auditions de plusieurs chercheurs et experts par l’équipe du candidat. Une synthèse de ce travail a été effectuée et un document d’une quarantaine de pages en est ressorti, lui-même proposé à la consultation des 130 000 personnes qui soutiennent la campagne du candidat. La version définitive sera publiée en décembre aux éditions du Seuil.
Nouvelle Constitution
Contrairement à 2012, ce document, que Le Monde a pu consulter, n’est pas le fruit de compromis entre différentes organisations politiques. M. Mélenchon y assume ses choix et déroule ses idées sans se retourner. De nombreux points relient « L’avenir en commun » à L’Humain d’abord : droit de vote pour les résidents étrangers, retraite à 60 ans, interdiction des licenciements boursiers, taxe sur les transactions financières, échelles des salaires de 1 à 20 dans l’entreprise, sortie de l’OTAN ou encore reconnaissance de l’Etat palestinien.
Mais c’est désormais le chapitre institutionnel pour une VIe République qui ouvre la marche et constitue le cœur du programme. On y retrouve le projet d’une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum. Outre le cumul des mandats, y compris dans le temps, et l’introduction de la proportionnelle, M. Mélenchon détaille plusieurs éléments développés ces dernières années comme la possibilité de révoquer un élu en cours de mandat mais aussi des nouveautés comme le droit de vote à 16 ans ou le vote obligatoire. Le candidat veut également mettre sur pied un référendum d’initiative citoyenne ainsi qu’un « congé républicain » afin de diversifier le profil des élus.
Du côté de « la planification écologique », M. Mélenchon s’émancipe de sa campagne de 2012. Il y a cinq ans, le principal point d’achoppement entre le PCF et le PG portait sur la sortie du nucléaire. Les premiers y étaient opposés, les seconds favorables. Les deux partenaires s’étaient mis d’accord sur l’organisation d’un référendum pour demander leur avis aux Français. M. Mélenchon promet désormais la sortie du nucléaire en fermant « immédiatement » la centrale de Fessenheim, « 100 % d’énergies renouvelables en 2050 », un pôle public de l’énergie et l’arrêt des « grands projets inutiles comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes ». S’il est élu, la « règle verte » – « ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer » – sera constitutionnalisée. Autant de propositions destinées à séduire les électeurs écolos déçus d’Europe Ecologie-Les Verts.
Abroger la loi El Khomri
Le projet européen aujourd’hui défendu par le cofondateur du PG marque également une évolution par rapport à 2012. L’Humain d’abord souhaitait « s’affranchir du traité de Lisbonne », « L’avenir en commun » veut maintenant « sortir des traités européens ». Le nouveau slogan de Mélenchon, « l’Europe, on la change ou on la quitte », est repris. Le candidat y développe son idée de « plan A et plan B » fondé sur un rapport de force. « Le plan A, c’est la sortie concertée des traités européens par l’abandon des règles existantes pour tous les pays qui le souhaitent et la négociation d’autres règles, indique le texte. Le plan B, c’est la sortie des traités européens unilatérale par la France pour proposer d’autres coopérations. » Si les conditions fixées sont acceptées, le résultat des négociations sera soumis à référendum.
Les événements qui ont rythmé l’actualité depuis 2012 ont aussi imposé de nouvelles propositions. S’il s’installe à l’Elysée, le député européen entend bien abroger la loi El Khomri et « rétablir la hiérarchie des normes sociales ». Il veut également créer un nouveau statut pour les travailleurs avec une « Sécurité sociale intégrale » et notamment un « droit opposable à l’emploi ». L’Etat devra proposer un emploi au chômeur, en lien avec sa qualification, sur une mission d’intérêt général, dans le cadre d’un « service public de l’emploi ». Le candidat promet également une sixième semaine de congés payés et un smic à 1 300 euros net par mois en début de mandat.
« Revenu maximum autorisé »
Un impôt « plus progressif » sera créé avec un barème à 14 tranches : « Tout le monde doit payer aujourd’hui et chacun selon ses moyens. » Un « revenu maximum autorisé » sera aussi instauré : « 100 % d’impôt pour la tranche au-dessus de vingt fois le revenu médian, soit 400 000 euros annuels. » La légalisation du cannabis et le droit à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes (mais refus de la gestation pour autrui) complètent l’ensemble.
Sur l’immigration, un sujet sur lequel M. Mélenchon a créé la polémique ces derniers mois, le programme du candidat s’en tient à des généralités – « arrêter les guerres par une diplomatie active et indépendante au service de la paix » – et reste dans le cadre de ce qu’il avait déjà avancé comme la régularisation des travailleurs sans papiers.
Rien n’est pour l’heure chiffré mais l’équipe du candidat assure que cela viendra dans un second temps. Beaucoup de mesures restent également très floues et devront être détaillées. Une quarantaine de livrets thématiques seront lancés pour approfondir certains points du programme à l’issue de cette convention.
Mais les cartes sont désormais sur la table et ceux qui décideraient de rejoindre la campagne de Jean-Luc Mélenchon devront en accepter le cadre et le programme. Cela vaut pour les communistes qui n’ont toujours pas arrêté leur stratégie présidentielle et continuent de chercher une candidature unique de la gauche non gouvernementale. S’ils partagent une grande partie de « L’avenir en commun », il y a désormais des divergences assumées. Leur choix final ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines. Eric Coquerel, coordinateur national du PG, prévient : « La porte n’est fermée pour personne mais ça ne pourra pas être aux conditions des derniers arrivés. »