Hôtellerie : J’irai dormir près de chez moi
Hôtellerie : J’irai dormir près de chez moi
M le magazine du Monde
Prendre l’apéro ou passer une nuit à l’hôtel du coin devient tendance. Les hôteliers parisiens misent sur ce phénomène, appelé « staycation », pour remplir les chambres en attendant le retour des touristes.
Comme le Panache, les hôtels de la capitale espèrent attirer une clientèle locale grâce à leur bar-restaurant ou leurs chambres. | Romain Ricard
Fin août, dans le 9e arrondissement de Paris, alors que le thermomètre flirtait avec les 37 °C, l’Hôtel Panache a vu débarquer des habitants du quartier ne rêvant que d’une chose : dormir au frais, bercés par le ronronnement de l’air conditionné. Étonnant ? Pas tant que ça.
Dans ces établissements habituellement destinés aux seuls touristes, il n’est plus impensable de croiser des locaux sirotant un verre au bar ou s’offrant une chambre double pour la nuit. Ce phénomène porte déjà un nom : le staycation (contraction de stay et vacation, soit passer des vacances sans partir).
Cette nouvelle tendance tombe à point nommé pour les établissements parisiens qui souffrent d’une forte baisse de la fréquentation due, notamment, aux attentats et aux grèves : – 10 % de touristes étrangers au premier semestre 2016… Le coup est d’autant plus dur que la concurrence est rude dans la capitale française. Un nouvel hôtel s’ouvrirait chaque mois.
En attendant les étrangers, welcome les Parisiens !
Le millésime 2016 compte notamment le Panache donc, près des Grands Boulevards, l’Off Paris Seine, amarré sur les quais, Le Roch, signé par la décoratrice Sarah Lavoine, ou encore le chic Nolinski, à Opéra. La qualité de ces établissements varie du 3 au 5-étoiles. Tous proposent une quarantaine de chambres, à l’identité forte, avec une décoration particulièrement soignée.
« Comme la demande surpassait l’offre sur le marché parisien, la Ville a adopté, en 2008, un plan hôtelier pour développer des infrastructures et rénover celles qui étaient insalubres, explique Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris chargé du tourisme. D’ici à 2020, 12 000 chambres supplémentaires seront ouvertes. » La capitale française, première ville de congrès au monde, est déjà aussi la deuxième ville hôtelière après Londres.
Malgré la baisse de fréquentation, un nouvel hôtel ouvre chaque mois à Paris. Le Nolinski fait partie des établissements récents qui cherchent à miser sur le « staycation ». | GUILLAUME DE LAUBIER
En attendant que cette relance touristique (qui coûte un million d’euros à la Ville de Paris) porte ses fruits, les hôtels comblent le déficit de touristes en draguant les locaux, grâce à leur bar-restaurant : la table de Panache représente un tiers des revenus de l’établissement ; celle de Mama Shelter, dans le 20e arrondissement, plus de la moitié. « Les Parisiens sont en train de s’approprier leur parc hôtelier », affirme Jean-François Martins.
Une escapade sans décalage horaire
Forte de ce constat, la Ville participe au lancement de l’opération « Tous les Parisiens à l’hôtel » : le 6 novembre (un dimanche, journée la plus calme), les clients bénéficieront de 50 % de réduction sur les bars et restaurants d’hôtels. Est-ce que, après avoir consommé, ils termineront la soirée dans les étages ? L’équipe de Pigalle, « hôtel de quartier », parie là-dessus. Depuis cet été, elle propose ponctuellement, pour sa Nuit des voisins, aux résidents des 9e et 18e arrondissements de séjourner à l’hôtel à moitié prix.
Le staycation serait-il la bouée de sauvetage de l’hôtellerie parisienne ? Même si beaucoup estiment qu’il s’agit encore d’un épiphénomène, les fondateurs français de NightNight, site de réservation d’hôtels « cool et abordables », y croient. Ils développent actuellement Staycation.fr, qui s’inspire du succès de One Night Standard, l’application créée cet été par la chaîne hôtelière américaine The Standard.
Au programme : des tarifs réduits pour dormir le soir même dans un hôtel de la capitale, le tout enrobé d’un marketing ciblant les habitants de la ville. « Après midi, lorsqu’une chambre est toujours libre, elle peut intéresser un Parisien, affirme le cofondateur Mathieu Dugast. Aujourd’hui, l’hôtel est consommé comme un divertissement, c’est une destination en soi. » Une escapade sans décalage horaire qui pourrait relancer l’économie locale ? Une nouvelle forme de tourisme solidaire, en quelque sorte.
Le Panache, 1, rue Geoffroy-Marie, Paris 9e. hotelpanache.com
Off Paris Seine, 20-22 Port d’Austerlitz, Paris 13e. offparisseine.com
Le Roch, 28 rue Saint-Roch, Paris 1er. www.leroch-hotel.com
Nolinski, 16 Avenue de l’Opéra, Paris 1er. nolinskiparis.com
Mama Shelter, 109 Rue de Bagnolet, Paris 20e. www.mamashelter.com
Pigalle, 9 rue Frochot, Paris 9e. lepigalle.paris