La conférence Habitat III se tient à Quito du 17 au 20 octobre (voir cet article du Monde). Organisée par les Nations unies, elle se réunit tous les vingt ans avec pour objectif l’adoption, par les Etats, d’un accord-cadre sur le développement des villes. Elle est l’aboutissement d’années de débats que nous gagnerions à prendre en compte.

Une déclaration, dont nous connaissons le brouillon, sera adoptée à l’issue de la conférence. « Non contraignante, elle sera néanmoins décisive pour l’élaboration des politiques nationales. En effet, la déclaration proposera des lignes directrices pour les programmes et les actions mises en œuvre en matière de développement urbain durable, » explique le Partenariat français pour la ville et les territoires (PFVT).

La plupart des débats se centreront autour de trois thématiques :

· le développement durable des villes et leurs responsabilités face au changement climatique

· la pauvreté urbaine et l’accroissement des inégalités face auxquels les villes sont de plus en plus amenées à intervenir en raison de l’affaiblissement de l’Etat providence ;

· la participation citoyenne – en particulier de la « société civile » - et la transparence.

Ces thématiques très générales cachent en fait de vrais débats qui peuvent nous aider à mieux comprendre l’importance de la rencontre. C’est ce que j’ai essayé de faire par mail et par téléphone avec Robert Spizzichino, ingénieur, urbaniste et membre sortant du conseil scientifique de l’Atelier international du Grand Paris. Il retient six de ces débats.

· Le premier (le « débat chapeau », selon ses termes) concerne le choix entre « ville inclusive » et « ville compétitive », en tant que modèle de développement. Question clé : « Faut-il laisser le libre choix à chacun ou, comme pour la COP 21, trouver un cadre d’objectifs à respecter pour les Etats ? »

· Le deuxième porte sur la tension entre « smart cities » et « smart citizens ». « Faut-il développer les technologies numériques appliquées à la gestion urbaine ou faut-il privilégier l’implication des citoyens et leur intelligence collective ? Peut-on combiner les deux approches ? »

· Le troisième, cher à ceux qui se préoccupent de justice sociale, porte sur la reconnaissance (ou non) du « droit à la ville ». Doit-on l’insérer dans une charte « ou se contenter de le tolérer comme slogan revendicatif ? », se demande Spizzichino

· Quatrième débat : « Doit-on faire de la réduction des inégalités socio-spatiales et de la soutenabilité urbaine un point majeur de la conférence (comme le demandent notamment des mégapoles, l’OCDE, le FMI et d’autres) jugeant que c’est la condition essentielle d’une nouvelle croissance, ou doit-on considérer que ce sont des perspectives socio-économiques et écologiques qui ne sont pas spécifiques du développement urbain ? »

· Le cinquième débat consiste à se demander si les Etats doivent garder la main sur les grandes questions relatives à la ville ou la passer aux autorités locales et aux citoyens.

· Sixième débat, apparemment paradoxal mais essentiel : est-ce qu’une grande partie des solutions aux problèmes urbains ne serait pas localisée dans la vitalité des espaces ruraux et des villes petites et moyennes ? En clair : « Doit-on redonner vie à l’aménagement du territoire ? »

Une conférence tous les vingt ans, c’est beaucoup trop long pour espérer orienter l’urbanisation massive et les problèmes posés par les bidonvilles, les inégalités croissantes et le recours aux technologies de l’information. Mais l’essentiel est qu’il s’agit d’un processus de discussion qui aura permis de sensibiliser des dizaines de milliers de gens tout au long du parcours. Pour combien de temps encore le dernier mot reviendra-t-il aux Etats ?

Quoi qu’il arrive, cette conférence est aussi une belle occasion, pour tous ceux qui se soucient de rendre les villes plus intelligentes et plus « vivables », de se plonger dans leurs diversités, leurs complexités différentes, leurs histoires uniques.