Tabac : le producteur des Lucky Strike veut prendre 100 % du fabricant des Camel
Tabac : le producteur des Lucky Strike veut prendre 100 % du fabricant des Camel
LE MONDE ECONOMIE
British American Tobacco a lancé une offre à 47 milliards de dollars pour acheter les 58 % qu’il ne possède pas encore de l’américain Reynolds. L’ensemble deviendrait le leader mondial.
Vendredi 21 octobre, British American Tobacco – BAT – (Dunhill, Lucky Strike, Rothmans…) a lancé une offre pour acheter l’intégralité de Reynolds American (Camel), dont il possède déjà 42 %. La proposition valorise les 58 % restants à 47 milliards de dollars (43,3 milliards d’euros), dont 20 milliards de dollars payés en liquide et le reste en actions. Cela en ferait l’une des plus grandes opérations de fusion de l’année. L’ensemble aurait une part de marché mondiale de 27 % et le chiffre d’affaires cumulé en ferait le leader mondial du tabac (hors Chine).
- Ce rachat se fait-il à l’amiable ?
Oui. La transaction se veut amicale, et la plupart des analystes estiment qu’elle devrait être approuvée par le conseil d’administration de Reynolds. Il faut dire que les deux entreprises se connaissent bien, et que la fusion serait une sorte de retour logique de l’histoire.
- Quels liens les deux entreprises entretenaient-elles ?
Dans les années 1920, BAT possédait aux Etats-Unis une filiale, Brown & Williamson. Au milieu des années 1990, un scandale éclate autour de cette dernière. Son ancien vice-président, le scientifique Jeffrey Wigand, a révélé la façon dont les dirigeants du producteur de cigarettes avaient rajouté des substances addictives dans leurs produits, alors qu’ils en connaissaient leur nocivité.
L’histoire est devenue le film Révélations (2000), réalisé par Michael Mann, avec Russell Crowe dans le rôle du scientifique.
En 2004, BAT a décidé de vendre Brown & Williamson à Reynolds, tout en conservant 42 % de l’ensemble. Aujourd’hui, s’il en reprend le contrôle complet, le géant britannique reprendra le fil d’une histoire centenaire.
- Quel est l’objectif de cette fusion ?
La cigarette continue à tuer environ six millions de personnes par an à travers la planète, selon l’Organisation mondiale de la santé. Mais en Occident, et particulièrement en Europe, le taux de fumeurs a fortement baissé depuis les années 1970. Au Royaume-Uni, il a par exemple été divisé par deux.
Pour réagir, les cigarettiers ont procédé à un vaste mouvement de fusions. Ils se sont aussi concentrés sur les pays émergents pour trouver une nouvelle croissance.
Dans le cas présent, en mettant la main sur l’intégralité de Reynolds, BAT réalise avant tout une opération financière, car sa « cible » est très rentable
Pour le reste, les deux entreprises sont complémentaires : les Etats-Unis à Reynolds, le reste du monde à BAT. Le conglomérat britannique entend d’ailleurs réaliser assez peu de synergies, avec seulement 400 millions de dollars d’économies prévues.
- Quel est l’état de santé des deux groupes ?
BAT, avec un chiffre d’affaires de 16 milliards de dollars pour un bénéfice net de 5,5 milliards de dollars, réalise aujourd’hui les trois quarts de ses profits en dehors de l’Europe occidentale.
L’entreprise domine les marchés de la plupart des pays du sud de l’Afrique ainsi qu’une bonne partie de l’Amérique latine et de l’Asie (la Chine, pays très fumeur, est un marché à part, où les entreprises étrangères sont marginales et où les sociétés chinoises conservent un quasi-monopole).
Reynolds est en revanche restée concentrée exclusivement sur les Etats-Unis, où il est le numéro deux derrière Altria et ses Marlboro. Le marché américain demeure extrêmement rentable, malgré les campagnes de sensibilisation aux dangers de la cigarette et les régulations qui encadrent les ventes. Reynolds a dégagé, en 2015, un chiffre d’affaires de 10,6 milliards de dollars et un bénéfice net de 3,2 milliards de dollars.