On a joué à… « Civilization VI », le simulateur d’empires qui raconte des histoires
On a joué à… « Civilization VI », le simulateur d’empires qui raconte des histoires
Par Corentin Lamy
Avec l’air de ne pas y toucher, « Civilization VI » rebat les cartes et malmène certains des principes les mieux établis de la série. Le plus grand des jeux de stratégie en sort plutôt grandit.
Dans une industrie notoirement frileuse quand il s’agit de mettre ses créateurs en avant, cela reste une exception : depuis vingt-cinq ans, le nom de celui qui, en vérité, n’a directement supervisé que le premier épisode de la série s’étale toujours en lettres imposantes sur les boîtes d’une série, Sid Meier’s Civilization, qui lui collera pour toujours à la peau.
La jaquette de Civilization VI, sorti le 21 octobre sur PC, comporte toujours le nom de Sid Meier. Mais comme pour mieux souligner l’ampleur des changements introduits dans cet épisode de la série culte, depuis le rôle des bâtisseurs jusqu’aux conditions de victoires, la pochette est ornée d’un Atlas monumental, titan portant la Terre, et donc son histoire, sur les épaules – comme le studio Firaxis doit supporter tant bien que mal une série croulant désormais sous son propre héritage. Comme une métaphore censée rendre compte de l’état d’esprit de l’actuelle équipe de développement.
Des histoires à l’aune de la grande
Civilization est en effet né en 1991, de la volonté de développer le jeu de plateau parfait, le Risk ultime. Celui qui serait tellement réaliste qu’il faudrait un ordinateur pour calculer les conséquences de chaque action, pour garder la trace de chaque variable sans s’arracher les cheveux. Quelque chose d’à la fois incroyablement profond et pour autant simple à prendre en main.
Après un quart de siècle de nouvelles itérations et d’extensions touffues, il est apparu nécessaire aux « poulains » de Sid Meier de remettre les choses à plat. Quitte à revisiter certaines des fondations de la série, achevant par là même le travail de titan (justement) déjà entrepris par le cinquième épisode, ses cases hexagonales, ses cités-états, et ses piles d’unités disparues. Voire en supprimant la possibilité de remporter une partie par la voie diplomatique, un élément-clef de tous les épisodes précédents, pour ajouter une victoire religieuse.
Car si Civilization a toujours autant de succès, ce n’est pas simplement pour ses qualités de jeu de plateau informatique. C’est aussi parce que c’est un formidable moyen de se raconter de petites histoires, à l’aune de la grande, en incarnant Théodore Roosevelt, Cléopâtre ou Pierre Le Grand – qui disposent chacun de bonus, de bâtiments ou d’unités uniques inspirés de l’histoire de leur pays.
La nouvelle carte de jeu, plus « cartoon », est clairement plus attrayante. | Firaxis / 2K
Petits pas vers la victoire
Civilization, c’est une tentative de jeu total : celui qui vous racontera six mille ans d’histoire de l’humanité, de la fondation de la première ville à nos jours. On débute à chaque fois avec une petite troupe de nomades prête à poser ses valises, et une unité de guerriers en slip de fourrure.
La partie à peine de commencer que déjà, il faut prendre une décision : allez vous fonder votre capitale près de cette rivière ? Allez-vous vous rapprocher de ces mines prometteuses en espérant déjà y trouver, dans quelques siècles, du charbon ? De ce champ de blé, qui, d’ici quelques tours, aidera votre ville à croître plus rapidement ? La gestion des cités s’est complexifiée : les villes désormais divisées en « quartiers » spécialisés, qui occupent une case chacun – il faudra choisir avec soin si vous préférez vous concentrer sur le développement d’un quartier spécialisé dans la recherche, la religion, la production industrielle ou l’armée, notamment parce que la construction d’un quartier suppose de sacrifier les ressources présentes sur sa case. Le système reste simple et est en même temps plus profond, pour les amateurs de micromanagement.
CIVILIZATION VI - First Look: France - International Version (With Subtitles)
Durée : 02:07
Mais ce n’est qu’une infime partie des décisions à prendre en cours de partie. Avant de presser la touche « entrée », synonyme d’un bond dans le temps jusqu’au prochain tour de jeu, sur quelle branche de l’arbre des recherches technologiques allez-vous vous engager ? Vers quel dogme politique allez vous tendre ? Une partie de Civilization, si elle dure facilement une quinzaine d’heures, n’est qu’une succession de décisions minuscules. D’engagements et de compromis comme autant de petits pas vers la victoire, qu’elle soit militaire, scientifique, culturelle ou religieuse.
Bientôt vos villes vont se multiplier. Il vous faudra composer avec vos voisins, des civilisations qui ont les mêmes objectifs que vous. Mais aussi avec des cités-états, capables de vous fournir de précieux bonus. Il faudra forger des alliances, espionner ennemis et amis, ourdir des complots. Explorer, inlassablement, à la recherche de ressources et de merveilles naturelles. Accomplir des missions variées pour faire progresser plus rapidement la recherche scientifique. Etablir vos villes stratégiquement pour mettre la main sur des ressources sans froisser vos alliés. Vous allez devoir vous spécialiser, créer un gouvernement en fonction de vos visées, construire des bâtiments qui mettront autant de coups d’accélérateur sur la route de la victoire.
Les décisions à prendre au fil de l’eau sont, dans ce sixième épisode, encore plus complexes que par le passé, mais aussi beaucoup plus variées. Les personnages illustres ont désormais leurs propres caractéristiques et octroient des bonus très différents ; les cités-états et les civilisations sont plus incarnées, avec des unités spéciales, des caractéristiques uniques, des modèles 3D personnalisés, et des dirigeants aux plans secrets.
Theodore Roosevelt, dirigeant de la civilisation américaine dans « Civilization VI ». | Firaxis
Pas de facilité
Rares sont les jeux qui confèrent pareil sentiment d’accomplissement : il y a quelque chose du vertige quand, en fin de partie, et une fois sa planète découverte, maîtrisée, cartographiée, on se retourne sur son parcours, presque un peu ému de voir tout ce que notre petite troupe d’hommes et de femmes perdus dans un monde au départ hostile a accompli en cinq cents tours.
Un esprit plus que jamais présent dans Civilization VI. Il est encore trop tôt pour savoir si cet épisode est meilleur sur le long terme que ses prédécesseurs – la longueur des parties et la richesse du système de jeu nécessiteront plusieurs mois pour l’évaluer jusque dans ses moindres détails. Mais on peut déjà souligner la volonté de Firaxis d’essayer des choses. Sans jamais céder à la facilité.
La remise à plat dont Civilization fait ici l’objet n’est pas qu’une formule : d’énorme pièce montée aux étages innombrables, cet épisode s’est mué en imposant et très horizontal mezze.
Un plateau riche en saveur dans lequel on piochera à l’envi, selon son style de jeu, du choix des civilisations, plus marquées que jamais, aux conditions de victoire et aux options de développement plus variées. Et comme pour mieux nous permettre, en somme, de nous raconter une histoire plus personnelle que jamais.
En bref
On a aimé :
- L’interface modernisée, la carte magnifique.
- La religion enfin pleinement intégrée au jeu, avec son propre type de victoire.
- Un jeu repensé jusque dans ses détails, jusqu’au rôle des routes, au fonctionnement des ouvriers.
On n’a pas aimé :
- Comme toujours avec Civilization, la fin de partie un peu plus lente et laborieuse.
- La gestion de l’espionnage un peu fastidieuse.
- L’intelligence artificielle, capable du pire comme du meilleur (mais quand même souvent du pire).
C’est plutôt pour vous si…
- C’est votre premier Civilization.
- C’est votre deuxième Civilization.
- C’est votre troisième Civilization.
- Vous avez compris le principe.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous n’avez pas compris le principe.
La note de Pixels :
423 tours sur 500.