Lee Jae-yong, un inconnu à la tête de Samsung Electronics
Lee Jae-yong, un inconnu à la tête de Samsung Electronics
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
La nomination du fils et héritier désigné de Lee Kun-hee, jeudi, au conseil d’administration du conglomérat sud-coréen a coincidé avec l’annonce de profits en baisse pour l’entreprise.
C’est dans un contexte particulièrement délicat que Lee Jae-yong fait son entrée au conseil d’administration de Samsung Electronics. Agé de 48 ans, divorcé, fils et héritier désigné de Lee Kun-hee et jusque-là vice-président du groupe, ce natif de Séoul a été officiellement nommé le 27 octobre comme membre de la direction de la principale composante du premier chaebol, ou conglomérat, sud-coréen.
Ce choix annoncé lors de l’assemblée générale des actionnaires, a coïncidé avec l’annonce de profits opérationnels en baisse de 29,6 %, à 5 200 milliards de wons (4,2 milliards d’euros), en raison principalement de l’échec du Note 7, le smartphone lancé en août mais retiré précipitamment des ventes en octobre après plusieurs cas de surchauffe, voire d’explosion.
La nomination de M. Lee a été saluée par Kwon Oh-hyun, actuel vice-président et directeur général. « Cette nomination permettra à M. Lee de participer plus activement et d’assumer une responsabilité officielle dans le processus de décision. » Pour Lee Jae-yong, l’entrée au conseil d’administration marque l’aboutissement d’un long processus commencé en 1991 avec son entrée chez Samsung, un parcours qui n’a pourtant pas permis de rassurer sur ses capacités.
Il n’a jamais parlé en public
Titulaire d’un MBA décroché à l’université japonaise de Keio et diplômé de la Harvard Business School, il a été nommé en 2001 à la vice-présidence de l’équipe chargée du planning stratégique. Il a alors lancé le projet « e-Samsung » réunissant 14 sociétés actives sur Internet, estimant que le développement de logiciels pourrait être le cœur des activités futures du groupe. Le projet a échoué, se terminant sur une perte de 20 milliards de wons (16 millions d’euros).
En 2010, son père Lee Kun-hee, ayant bénéficié d’une grâce présidentielle après deux ans passés éloignés du groupe pour une affaire de détournement de fonds, a lancé le processus de succession. En 2012, Lee Jae-Yong a été nommé vice-président de Samsung Electronics, qu’il dirige de fait depuis 2014 et l’attaque qui a plongé son père dans le coma.
Il gère le groupe avec les trois directeurs généraux du Bureau des stratégies futurs, le FSO. C’est le quatuor qui a décidé de vendre en 2014 les branches armement et chimie au chaebol Hanwha, et celle, officialisée le 27 octobre, de l’activité d’impression à Hewlett-Packard.
L’héritier reste pourtant un inconnu. N’ayant jamais parlé en public, il n’a pas non plu accordé d’entretien à la presse et ne s’est pas montré à l’assemblée des actionnaires. « Deux raisons expliquent cette absence, note Kim Sang-jo, professeur d’économie à l’université Hansung. La première est qu’il n’était pas membre du conseil d’administration et pouvait donc difficilement y participer. La seconde est que son père n’est pas encore mort. Selon la tradition coréenne, il ne peut pas apparaître en public. » Pour le Pr Kim, « c’est toutefois difficilement compréhensible car Samsung se présente comme un groupe mondialisé ».
« Beaucoup s’interrogent sur ses compétences réelles »
Son absence a suscité des réserves. « A ce moment critique pour Samsung Electronics, ajoute un expert des chaebols, il devait se présenter pour expliquer les problèmes du Note 7 et surtout présenter sa vision pour l’avenir du groupe. » De ce fait, ajoute-t-il, « beaucoup s’interrogent sur ses compétences réelles et son volontarisme ».
Présenté par Samsung comme « affable et prévenant », Lee Jae-yong semble moins charismatique que son père, voire timide. « Comme souvent avec les dirigeants de la 3e génération des chaebols, déplore le Pr Kim, il a été trop protégé et manque de l’esprit entrepreneurial. Sa nomination au Conseil d’administration est un bon test. Jusqu’ici, ses fonctions faisaient qu’il n’était pas responsable légalement de ses décisions. »