L’entreprise espagnole Zetta réunissait a priori tous les ingrédients de la success story. En 2014, trois jeunes pas encore trentenaires, dynamiques, prêts à braver la crise, créent leur entreprise dans le secteur des nouvelles technologies, développent un nouveau modèle de téléphone mobile, et le font fabriquer en Estrémadure, région agricole pauvre du sud-ouest du pays, essentiellement connue pour son jambon ibérique de bellota – en référence aux cochons qui se nourrissent de bellota, de « glands ». Leur logo, un gland mordu, est un clin d’œil à Apple.

Autour de la petite ville de Zafra et ses 15 000 habitants, où l’entreprise Zetta se présente comme le fabricant du premier portable d’Estrémadure, le succès du smartphone 100 % espagnol est immédiat. Les 1 200 premières unités, au prix unitaire de 150 euros, sont rapidement épuisées, selon la presse locale. Deux ans plus tard, l’entreprise compte sept boutiques en Estrémadure et 80 points de vente dans le reste de l’Espagne, pour seulement sept salariés. Sur les plateaux de la télévision régionale, les fondateurs se comparent aux start-up de la Silicon Valley. Dans les journaux, ils expliquent comment l’assemblage des composants technologiques est fait dans la région.

Modèles bas de gamme customisés

Mais voilà. A trop vanter leur miracle, les jeunes patrons de Zetta ont suscité l’attention des passionnés de nouvelles technologies. Il ne leur faut pas longtemps pour découvrir le pot aux roses. Après avoir ouvert le téléphone et décollé une étiquette, ils voient les références d’appareils de la marque chinoise Xiaomi, dont des modèles bas de gamme customisés étaient vendus plus du double de leur valeur après quelques changements esthétiques.

Les médias ont baptisé l’affaire le « bellotagate ».

Depuis la découverte du scandale, mi-octobre, les médias ont baptisé l’affaire le « bellotagate ». La principale association de défense des consommateurs a porté plainte et demande à l’entreprise de rembourser les acheteurs. L’Institut de consommation de l’Estrémadure a ouvert une enquête sur Zetta pour fraude présumée dans l’étiquetage.

Dans un communiqué, la compagnie défend la légalité de son produit. Elle affirme que le premier portable « a été dessiné et réalisé » par elle « avec le soutien de chaînes de production chinoises ». Et reconnaît que d’autres modèles « partagent des composants électroniques avec des entreprises du secteur asiatique ». Selon elle, leur prix se justifie du fait du travail effectué pour « améliorer, adapter le software et rendre utilisables les smartphones par des clients européens ». Des déclarations contredites par les experts, qui soulignent que les portables de Xiaomi n’ont besoin d’aucune adaptation pour fonctionner en Europe. Et que le système d’exploitation, CyanogenMod, qui est gratuit et libre, est interdit de commercialisation, sauf accord préalable.

Xiaomi, marque qui n’est pas encore présente en Europe occidentale, affirme ne pas connaître l’entreprise et encore moins avoir noué des relations commerciales avec elle. Pour autant, ce constructeur, qui compte ses ventes de smartphones par dizaines de millions, n’entend pas, pour le moment, porter plainte.