Xi Jinping et le président urugayen Tabare Vazquez à Pékin le 18 octobre 2016. | NAOHIKO HATTA / AFP

Editorial du « Monde ». En se faisant désigner « noyau dur » du Parti communiste chinois, Xi Jinping se voit conférer une autorité symbolique qui dépasse sa fonction de secrétaire général du Parti et de président de la République populaire de Chine. Cette consécration, un an avant le renouvellement programmé de son mandat de cinq ans en 2017, illustre une facette du populisme à la chinoise qu’incarne cet aristocrate rouge : le culte de l’homme fort.

Xi veut projeter l’image d’un « capitaine courage », qui s’attaque de front aux problèmes et serait le seul apte à réaliser le rêve de grande puissance qu’un appareil de propagande ultranationaliste cultive sans cesse dans l’esprit du 1,3 milliard de Chinois. Pour ses partisans, l’accumulation rapide des pouvoirs de ce nouveau « grand timonier » se justifie par l’impérieuse nécessité de s’attaquer à la crise de la fin de l’ère Hu Jintao, son prédécesseur, quand la corruption généralisée s’ajoutait à l’émiettement du Parti en fiefs indépendants à la solde des membres du Comité permanent. Elle lui a également permis de s’attaquer aux politiques les plus aberrantes du communisme, comme celles de l’enfant unique ou des camps de rééducation par le travail.

Le parti doit fonctionner comme une armée

Symptomatiques de la mutation vertigineuse de la Chine à l’heure de la mondialisation et de l’enrichissement, ces dérèglements du système politique avant son accession au pouvoir commençaient à générer des antidotes : une presse plus pugnace, l’émergence du mouvement des avocats, l’aspiration des nouvelles couches de la population éduquée à participer à la vie politique du pays. En outre, ils pouvaient conduire à des réformes politiques longtemps repoussées, en particulier une plus claire séparation entre les institutions gouvernementales et le Parti.

Cette option a été, d’emblée, écartée par Xi Jinping. Pour celui qui se présente comme un anti-Gorbatchev, toute libéralisation politique ne pouvait mener qu’à l’effondrement du Parti et au chaos. A ses yeux, au contraire, le Parti doit être la solution à tous les problèmes. Loyal et discipliné, il doit fonctionner comme une armée, encadrée par une Inquisition, la toute-puissante Commission anticorruption dont les prérogatives empiètent désormais sur le domaine idéologique. Entretenant la nostalgie des débuts du communisme chinois à Yan’an, où son père donna refuge à Mao Zedong dans les années 1930, le président chinois se pose en héritier d’une dynastie rouge dont le fondateur reste intouchable.

Spectaculaires régressions

Ce choix a entraîné de spectaculaires régressions politiques. L’attaque contre le « nihilisme historique » interdit toute discussion critique de l’histoire officielle. La persécution des avocats et des voix discordantes a galvanisé un appareil policier déjà tout-puissant. La mise sous contrôle de la blogosphère et de la presse prive la société d’espaces naturels de débats. Les Chinois les plus riches mettent leurs enfants, et leur argent, en Occident. Nombre de fonctionnaires, et d’administrations, procrastinent, craignant sans cesse des représailles.

Faute d’un idéal politique cohérent et mobilisateur, cela rend illusoire et fragile le grand élan réformateur de M. Xi. D’autant que l’économie chinoise, usée par des années de croissance aux stéroïdes, peut flancher d’un moment à l’autre. Et que ses ambitions d’expansion internationale exposent la Chine à des résistances croissantes de la part de ses voisins et de leur protecteur américain.