François Bayrou Université d'été Modem Guidel France 24 septembre 2016 | Thierry Pasquet

Le président du MoDem, François Bayrou, a laissé passer l’orage et a pris le temps de la réflexion. Sa réponse à Nicolas Sarkozy est arrivée, samedi 27 octobre, via un message sur sa page Facebook. Sous le titre « Un affrontement fondateur », c’est une charge au vitriol contre l’exercice du pouvoir de l’ancien président de la République.

« Pour Nicolas Sarkozy, visiblement, la fin justifie toujours les moyens. Pour moi, je crois que les moyens utilisés, quand ils sont bas, contaminent le but qu’on prétend atteindre. Pour lui, le pouvoir est une domination, et la conquête des électeurs se paie par l’hystérie. »

Depuis une semaine, les sarkozystes ont lancé une nouvelle offensive contre M. Bayrou en raison de son soutien à Alain Juppé pour la primaire de la droite. Le 23 octobre, 165 proches de l’ancien chef de l’Etat avaient signé une tribune dans Le Journal du dimanche où ils accusent le président du MoDem de vouloir « soumettre la future majorité à ses propres idées ».

Le 27 octobre, l’ancien chef de l’Etat avait lui aussi longuement attaqué le centriste lors d’un meeting à Marseille :

« Il nous a fait entre dans le socialisme, ce n’est pas lui qui va nous en faire sortir. (…) Que ceux qui soutiennent un autre candidat assument que la future majorité soit l’otage de François Bayrou. »

Alain Juppé n’a jamais caché qu’il ouvrirait sa future majorité aux centristes en cas de victoire. Le meilleur moyen de mener une « alternance molle », selon les termes de M. Sarkozy. La stratégie sarkozyste consiste à mobiliser autour de lui la droite la plus dure qui n’a jamais pardonné à M. Bayrou son vote en faveur de François Hollande en 2012.

Bayrou assume et dresse un réquisitoire

Nicolas Sarkozy lors d’un meeting, salle Vallier à Marseille, le 27 octobre 2016. | FRANCE KEYSER/MYOP POUR "LE MONDE"

Cela n’a pas échappé à M. Bayrou, qui assume d’abord son choix pour mieux dresser un réquisitoire contre l’ancien président :

« L’exercice des cinq années de mandat et la conduite de la campagne de 2012 m’ont convaincu, comme ces millions de compatriotes, qu’une réélection du président sortant ouvrirait la porte à des dérives encore accentuées et que nous ne voulions pas voir. »

Aux rayons des « dérives » du sarkozysme, il énumère : « les atteintes graves et répétées aux principes de notre vie en commun », « les abus de pouvoir » et « l’orientation de la campagne entièrement conduite pour opposer les Français entre eux ». « Qui sait où nous en serions arrivés si une réélection surprise avait livré le pays à l’ivresse d’un succès construit sur tant de dérives ? », estime le maire de Pau.

François Bayrou juge aussi très durement la campagne actuelle de Nicolas Sarkozy, menée par un homme « en perdition dans les sondages » et « abusé par sa propre angoisse et sa propre fuite en avant », selon ses termes.

« La ligne stratégique de Nicolas Sarkozy a constamment été, pour gagner des voix, pour mobiliser des foules d’électeurs autour de lui, de faire flamber la division dans son pays. Au service de ce choix, il a fait feu de tout bois : les partis, la gauche, la droite, la nationalité, l’origine, la religion, le vêtement, la nourriture, l’Islam toujours ».

Lors de ses meetings, M. Sarkozy passe en effet de longs moments à mobiliser en faveur d’une assimilation stricte, comme à Marseille où il a lancé : « Quand on est en France on vit comme un Français, sinon on n’est pas obligé de devenir français. » Face à cette « brutalité », cette « violence », M. Bayrou prône le rassemblement, une des thématiques d’Alain Juppé, et se dit persuadé que les Français « attendent des politiques qui soient animés d’esprit civique, qui soient capables de s’unir et de se rassembler quand l’essentiel est en jeu ».

« Le peuple, contrairement à ce qu’il croit, n’est pas une masse »

François Bayrou Université d'été Modem Guidel France 24 septembre 2016 | Thierry Pasquet

Alors que M. Sarkozy se pose en candidat du peuple face aux élites, en héraut de la majorité silencieuse, M. Bayrou l’accuse de se servir du « peuple qu’il n’a jamais approché, au milieu duquel il n’a jamais vécu, avec lequel il n’a jamais passé ni une semaine, ni un jour sans caméras ».

« Le peuple, contrairement à ce qu’il croit, n’est pas une masse qu’il convient de fouetter de passions et de prendre par le bas, par les instincts, par les mots qu’on jette avec un rictus, par l’excitation contre les boucs émissaires que l’on livre l’un après l’autre en pâture. »

Ce duel entre ces deux hommes qui se détestent depuis de longues années risque d’animer encore la fin de la campagne de la primaire, qui aura lieu les 20 et 27 novembre. Sans surprises, M. Bayrou prédit d’ores et déjà une défaite cinglante à M. Sarkozy :

« Ce n’est pas parce qu’il n’est pas assez violent, assez clivant, assez injurieux que Sarkozy décroche, c’est précisément parce que tout le monde voit toute la faiblesse que révèle un tel comportement. Et c’est pour cette raison que les Français, de droite, du centre et d’ailleurs, malgré la logique partisane de la primaire, s’apprêtent à lui dire non. Une deuxième fois. »