Hillary Clinton lors d’un discours à Des Moines, dans l’Iowa, le 28 octobre. | JEWEL SAMAD / AFP

« Chaque fois que les Américains commencent à penser que plus rien ne pourra les étonner dans cette campagne présidentielle, quelque chose explose pour leur prouver qu’ils avaient tort », écrit le New York Times dans un éditorial.

Moins de onze jours avant l’élection, le directeur du FBI a créé l’émoi, vendredi 28 octobre, en annonçant la découverte de nouveaux e-mails « qui semblent pertinents » vis-à-vis de l’enquête sur la messagerie privée utilisée par Hillary Clinton lorsqu’elle était secrétaire d’Etat. La lettre envoyée par la police fédérale aux membres du Congrès relance une enquête qui semblait classée : en juillet, le FBI avait recommandé au ministère de la justice de ne pas poursuivre Mme Clinton dans l’affaire des e-mails, recommandation qui avait été suivie par la justice américaine.

La presse américaine reste toutefois prudente sur les conséquences politiques et judiciaires de ces nouvelles informations. « Il n’y a pour l’instant aucune raison de penser que la lettre de M. Comey signifie que le FBI “rouvre” l’enquête sur Mme Clinton, comme le suggèrent des républicains exaltés, dont M. Trump, fait remarquer le New York Times, qui soutient la candidate démocrate à la Maison Blanche. Cela ne signifie pas non plus que qui que ce soit au FBI essaye d’influencer l’élection, comme le suggèrent certains démocrates en panique. »

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L’« échec » du directeur du FBI

L’affaire est bien moins explosive qu’elle n’en a l’air, assure pour sa part Newsweek. « Rien n’indique que les e-mails en question aient été cachés par Mme Clinton au cours de l’enquête, et cette découverte ne suggère pas non plus qu’elle ait fait quelque chose d’illégal, affirme le journal, qui s’appuie notamment sur une source policière. De plus, en dépit de l’affirmation répandue dans les médias, le FBI n’a pas rouvert l’enquête. Ces enquêtes ne sont jamais réellement fermées, et il est courant pour la police de découvrir de nouvelles informations qui doivent être examinées. »

Nombre de commentateurs regrettent le manque de transparence dont fait preuve la police fédérale américaine dans ce nouveau rebondissement, qui pourrait entraîner la confusion des électeurs à quelques jours de la présidentielle. Pour le LA Times, le directeur du FBI « a l’obligation – morale si ce n’est légale – de faire tout ce qu’il peut pour accélérer les “travaux supplémentaires” qui permettront de savoir si cette nouvelle information remet en cause la précédente conclusion [du FBI de ne pas poursuivre Mme Clinton]. »

« L’échec de M. Comey de fournir plus de détails au sujet d’un nouveau développement de l’affaire, potentiellement important, moins de deux semaines avant le jour du scrutin, est déroutant, déplore encore le New York Times. Comme Comey le disait en juillet, “le peuple américain mérite ces détails dans une affaire intense d’intérêt public”. Ils méritent de façon encore plus urgente aujourd’hui des détails. »

« Sans informations supplémentaires, il est impossible pour les électeurs de juger de l’importance cette découverte alors même qu’ils se dirigent vers les urnes. »

Pour Newsweek, en restant vague sur les informations dont le FBI dispose, « M. Comey a créé cette impression trompeuse que cela pourrait changer l’issue de l’élection présidentielle, un acte qui, s’il n’est pas corrigé, pourrait indubitablement devenir l’un des moments les plus sombres de l’histoire du Bureau. »

Le Washington Post critique pour sa part le « mauvais timing » de la lettre du FBI, « étant donné qu’elle peut affecter le processus démocratique dans lequel des millions d’Américains ont déjà commencé à voter ». Le quotidien reconnaît cependant la nécessité qu’avait M. Comey à révéler cette information avant le 8 novembre pour ne pas être accusé d’avoir voulu la cacher pour un motif politique. « Mais, en rouvrant cette affaire, il jette à nouveau un voile de suspicion sur Clinton qui, si l’on en juge par les révélations précédentes, ne mérite pas cet acharnement », conclut-il.

« Les républicains ne sont pas près de la lâcher »

D’autres s’interrogent sur l’influence que cette affaire aura dans les urnes, alors que le vote anticipé a déjà commencé dans de nombreux Etats. Quand, en juillet, l’affaire de la messagerie privée de Mme Clinton avait ressurgi dans les médias à la suite de l’abandon des charges, celle-ci avait perdu deux points dans les sondages nationaux, souligne le site spécialisé Five Thirty Eight. M. Trump n’avait pas pour autant gagné des points, les sondés ayant changé d’avis étant plutôt passés dans le camp des indécis, précise le site.

Pour le tabloïd New York Post, qui soutient le candidat républicain, Donald Trump est en tout cas redevenu présidentiable vendredi : « Soudain, les enregistrements de Trump [dans lesquels il tenait des propos orduriers] paraissent beaucoup moins cruciaux. Et la certitude des démocrates qu’ils prendraient les deux chambres du Congrès s’est en partie envolée en fumée. »

Le fait que le FBI ait relancé cette enquête pourrait en tout cas écorner encore une fois l’image de l’ancienne secrétaire d’Etat. Pour Politico, l’espoir des démocrates de faire comprendre aux Américains que voter pour la candidate démocrate est plus qu’un simple rejet de Trump a été douché vendredi soir :

« Clinton se retrouve une nouvelle fois accablée par ce scandale, dévastant son image de dirigeante honnête et digne de confiance, même si elle a tenté de montrer qu’elle était la candidate la plus expérimentée pour être présidente et la seule en course à être assez responsable pour détenir les codes nucléaires. »

Même s’il n’y a « à ce stade aucune raison de penser » que les nouveaux mails dont dispose le FBI le conduira à revenir sur sa décision de ne pas poursuivre Mme Clinton, The Atlantic estime que la démocrate continuera de payer les conséquences de cette affaire sur la confiance du public. « Même si elle remporte la présidentielle le 8 novembre [comme les sondages le suggèrent], la controverse est susceptible de la suivre à la Maison Blanche. Cette dernière révision de l’enquête peut prendre du temps, et les républicains ne sont pas près de la lâcher. »