Pour les supporteurs de Trump, le retour de l’affaire des e-mails est un cadeau « incroyable »
Pour les supporteurs de Trump, le retour de l’affaire des e-mails est un cadeau « incroyable »
Par Corine Lesnes (Golden, Colorado, envoyée spéciale)
Le candidat républicain a débuté une tournée accélérée des Etats indécis de l’Ouest. Dans le Colorado, il a rebondi avec délectation sur la réouverture de l’enquête du FBI sur Clinton.
William Peterson, un supporteur du candidat républicain en « total look Trump », lors d’un meeting dans le Colorado, le 29 octobre 2016. | JASON CONNOLLY / AFP
Quoi de plus adapté qu’une arène de rodeo pour un meeting de Donald Trump, au lendemain du rebondissement de l’affaire des e-mails d’Hillary Clinton ? A Golden, Colorado, ce samedi 29 octobre, les partisans du magnat de l’immobilier sont regonflés à bloc. Les t-shirts « Hillary for prison » sont repassés de frais. « On va peut-être enfin y arriver », jubile Kristen Hampher, 29 ans, une employée de l’armée de l’air installée devant une brouette de casquettes « Make America Great Again », le slogan de campagne du candidat républicain.
A neuf jours de l’élection, la foule n’est pas considérable, quoique prétendent les tweets de Donald Trump, mais il n’est pas encore midi. Golden est la première étape d’un marathon du magnat de l’immobilier dans l’Ouest, région où ses dérapages ont semé le chaos au parti républicain.
Grâce au FBI, qui a révélé vendredi s’être saisi de nouveaux e-mails concernant Hillary Clinton, la tournée qui s’annonçait comme un baroud d’honneur est devenu plus lourde de conséquences. Le « suspense » est relancé, comme dirait Trump, lui qui prône souvent les vertus de l’incertitude en politique (notamment quand il est interrogé sur la manière dont il accueillera le résultat électoral s’il est battu le 8 novembre).
Annonciateurs d’apocalypse
C’est la sixième visite de Trump depuis le 1er juillet dans le Colorado, Etat qui devait être un swing state, un Etat disputé, mais qui au fil de la campagne a été rangé par les sondeurs dans la colonne « penche pour le bleu », c’est-à-dire dans le camp démocrate. Les militants purs et durs sont là, avec des restes d’autocollants de la branche ultraconservatrice des républicains, le Tea Party, sur leurs camionnettes.
Il y a aussi des sympathisants du week-end, comme cette mère, venue avec son fils, déjà vêtu d’un t-shirt rouge marqué Trump-Pence 2016. Et des annonciateurs d’apocalypse, comme Mark Archambault, 76 ans, un fondamentaliste avenant – et francophone – qui pense que la fin du monde est proche et que l’élection d’Hillary précipitera le mouvement. Et comme l’avenir est sombre, il anticipe que l’ancienne First Lady, cette fois encore, va en réchapper : « Elle est glissante comme un poisson. »
Le public est motivé par un principe : tout sauf Hillary. Trump n’est « pas parfait », reconnaît Corey Piper, qui enseigne l’histoire ancienne dans un lycée : « Mais on ne peut pas mettre sur le même plan quelqu’un dont le comportement est embarrassant et une criminelle. » A 18 ans, Ryan Desmond pense que Hillary Clinton « a tué des tas de gens ». La relance de l’affaire des e-mails est un cadeau « incroyable », exulte-t-il.
« Ils iront à l’impeachment »
Pour faire patienter la foule, un orateur, sur l’estrade, « remercie Anthony Weiner » (le propriétaire du portable sur lequel les nouveaux e-mails concernant Hillary Clinton ont été retrouvés). Et, comme divertissement supplémentaire, il lit un courriel de 2011 de Sydney Blumenthal, le conseiller privé, qui recommandait à Mme Clinton, alors secrétaire d’Etat, de se ranger derrière une intervention en Libye.
Le public n’a pas besoin de descriptions. Tout le monde a l’air de connaître au mieux le cercle des Clinton : Huma Abedin, la conseillère privée, presqu’une fille adoptive pour Mme Clinton. Anthony Weiner, le mari de Huma, qui aimait trop le « sexting » et dont elle a dû se séparer, les épisodes de l’enquête… « Le FBI, ils essaient d’ouvrir le parapluie, croit savoir Kristen Hampher. Si Hillary est élue, ils iront à l’impeachment [la destitution]. »
Quand Trump arrive, il ne peut s’empêcher de faire remarquer que Golden – ainsi nommée, pourtant, parce qu’on y a trouvé de l’or – n’est pas tout à fait à la hauteur de ses standards habituels. Pour accéder au podium, il a dû marcher « dans la poussière, une telle poussière », se lamente-t-il, alors qu’il avait « lui-même » ciré ses chaussures. Lesquelles étaient « si belles, si brillantes »…
« Pays du tiers-monde »
Mais à part ce hors sujet, Trump va à l’essentiel : « Le plus grand scandale politique depuis le Watergate. » La corruption fait ressembler les Etats-Unis à « un pays du tiers-monde », dit-il avec les sous-entendus de celui qui sait comment marche le système : « J’ai été de l’autre côté. On n’est pas mal, là-bas. »
Dans un grand amalgame, Trump fait défiler la liste des affaires où le nom des Clinton a été mêlé. Le premier investissement d’Hillary dans les matières premières, au temps de l’Arkansas. La Lincoln bedroom, la chambre dite d’Abraham Lincoln à la Maison Blanche, dans laquelle les Clinton, sous le mandat de Bill, recevaient des invités qui se trouvaient être des donateurs. Il assure qu’il y a eu « une révolte au FBI », quand le bureau fédéral a clos son enquête sur les e-mails avant l’été.
Dans un langage inhabituellement épuré, l’homme d’affaires fait l’éloge de la vertu publique. Il rappelle l’importance de la confiance des citoyens dans le système, la « grave menace pour la démocratie » que fait peser « la corruption publique ». « Nous sommes une nation de lois et d’égalité de tous devant cette loi », professe-t-il : « Une fois élu, l’Etat de droit sera ma priorité numéro un. »
Quelque peu surpris, les partisans s’en tiennent à leurs pics et fourches habituels : « Drain the swamp. » Asséchons le marigot.