La Chine est-elle un modèle de développement pour l’Afrique ? Oui, si l’on en croit les résultats d’une étude menée sur le continent par l’agence Afrobaromètre, un institut de sondage créé par trois chercheurs indépendants en 1999 et rattaché à l’université du Michigan, l’Institut pour la démocratie en Afrique du Sud et le Centre pour le développement démocratique au Ghana.

Cet organisme a mené une série d’enquêtes d’opinion dans trente-six pays du continent qui montrent que « la Chine se place deuxième comme modèle de développement national (mentionné par 24 % des répondants), juste derrière les Etats-Unis (30 %) ». Un répondant sur dix préfère son ancienne puissance coloniale (13 %) ou l’Afrique du Sud (11 %) comme modèle.

Une aide au développement efficace

Deux chiffres sont particulièrement révélateurs de cette influence de plus en plus forte de la Chine en Afrique : 63 % des Africains interrogés affirment que l’influence de la Chine est « quelque peu positive » ou « très » positive, tandis que seuls 15 % la considèrent « quelque peu négative » ou « très » négative. Les opinions favorables sont les plus communes au Mali (92 %), au Niger (84 %), et au Liberia (81 %). 56 % des Africains considèrent également l’aide au développement de la Chine « quelque peu » ou « très » efficace à satisfaire les besoins de leur pays. Enfin, les facteurs les plus importants qui contribuent à cette image positive de la Chine en Afrique sont ses investissements en infrastructures et commerciaux (32 %), et le faible coût de ses produits (23 %).

En revanche, la piètre qualité de certaines de ses exportations lui vaut sa mauvaise réputation. L’agence Afrobaromètre montre que les considérations politiques et sociales comptent finalement très peu parmi les facteurs qui affectent l’image de la Chine sur le continent. Les Africains ne sont ainsi que 5 % à citer la « non-ingérence dans les affaires intérieures » de leur pays comme critère déterminant.

Cette enquête conforte les résultats observés par Pew Research Center en 2014, dans son enquête d’opinion menée cette fois dans quarante-trois pays. Selon Pew, 49 % des Africains interrogés ont une opinion positive de la Chine, contre 32 % qui ont une opinion défavorable.

Une guerre d’influence

Une image qui va à l’encontre de l’opinion de nombreux Américains et Européens. Selon Pew, ils seraient 55 % aux Etats-Unis à avoir une vision négative de la Chine. « Au XIXe siècle, l’Empire britannique jouait de cette mauvaise image pour affaiblir la Chine, et on retrouve le même schéma aujourd’hui », note l’ethnologue Barry Sautman. Les pays occidentaux craignent cette influence chinoise sur le continent et cela se retrouve dans l’image véhiculée par cette relation Chine-Afrique en Occident.

Une guerre d’influence qui explique la guerre des esprits qui se joue sur le continent. Mais cette diplomatie douce chinoise semble porter ses fruits et la Chine est aujourd’hui un modèle pour un quart des Africains. Un modèle à l’opposé de celui des Etats-Unis qui continuent d’avoir une relativement bonne image.

Pourquoi ? Tout d’abord, c’est la longue marche de la Chine vers l’industrialisation qui inspire l’Afrique. Le pays est passé d’une économie essentiellement rurale dans les années 1970 au rang d’une grande puissance industrielle et commerciale. Un chemin qui plaît à l’Afrique centrale, qui est la région pour laquelle la Chine reste le modèle ultime de développement pour 35 % des personnes interrogées (contre 27 % pour les Etats-Unis).

Quelques écueils

Mais les raisons sont aussi plus terre à terre : les Africains aiment la Chine pour ses téléphones portables et ses voitures bon marché. « Longtemps, ces objets de consommation courante étaient inabordables pour de nombreux Africains », explique Mogopodi Lekorwe, l’un des rédacteurs de cette enquête et professeur à l’université du Botswana.

Restent quelques écueils pour cette Chinafrique. Des opinions négatives surtout en termes d’emplois. « Les Africains ont peur de perdre leur travail au profit des ouvriers chinois. Les Chinois sont partout sur le continent, disponibles 24 heures sur 24, note Mogopodi Lekorwe. Ils ont une culture du travail très différente de celle des Africains. Ces derniers se plaignent également de la mauvaise qualité de certains produits importés de Chine. »

« Je pense que les Chinois font tout pour devenir numéro un et dépasser maintenant les Etats-Unis sur le continent, conclut-il. Ils veulent être la seule superpuissance. » Et la France dans tout cela ? « En Tunisie, au Bénin, à Maurice et au Burkina Faso par exemple, on constate que la France a conservé une image plutôt positive et qu’elle constitue même le modèle de développement privilégié. »

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica.info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.