Les six moments clés de la campagne américaine
Les six moments clés de la campagne américaine
Dans quarante-huit heures, l’identité du 45e président américain sera dévoilée. En attendant, « Le Monde » retrace les moments forts de la campagne américaine avec ses coups bas et ses dossiers épineux.
Hillary Clinton et Donald Trump lors du deuxième débat de la campagne électorale, à Saint-Louis dans le Missouri, le 9 octobre 2016. | PAUL J. RICHARDS / AFP
Après des dizaines de meetings et plusieurs face-à-face délétères, Hillary Clinton et Donald Trump achèvent l’une des pires campagnes électorales qu’aient connues les Etats-Unis. Donald Trump, investit candidat républicain, le 19 juillet 2015, a multiplié les attaques et fustigé comme personne auparavant les minorités telles que les femmes, les musulmans et les immigrés, se mettant à dos les propres membres de son parti. Hillary Clinton, désignée candidate du parti démocrate le 28 juillet, à Philadelphie, a, pour sa part, traîné comme un boulet l’affaire des e-mails et tenté d’humaniser sa candidature. Retour sur les moments forts de la campagne américaine.
Donald Trump et les femmes
Propos sexistes, insultes, soupçons d’agressions sexuelles, le candidat républicain a plusieurs fois été au centre de polémiques concernant son rapport aux femmes. Ainsi, le 7 octobre, le Washington Post publie une vidéo remontant à 2005 dans laquelle Donald Trump évoque dans les termes les plus crus ses techniques pour séduire les femmes. « Quand on est une star, elles nous laissent faire. Tu peux faire tout ce que tu veux. Prends-les par la chatte. Tu peux faire tout ce que tu veux », assure M. Trump à son interlocuteur, l’animateur Billy Bush, après avoir relaté dans le détail une tentative infructueuse concernant, précise-t-il, une femme mariée.
Aussitôt la vidéo publiée, l’équipe de campagne du milliardaire prend immédiatement conscience du danger que représente la divulgation de ces propos. Pour la première fois depuis le début de la campagne, le candidat républicain tente de faire amende honorable :
« Il s’agissait de plaisanteries de vestiaire, une conversation privée, c’était il y a des années. Bill Clinton m’a dit des choses bien pires sur des terrains de golf, sans comparaison possible. Je présente mes excuses à tous ceux qui ont été blessés. »
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Mais c’en est trop pour le camp républicain. L’ancien candidat à l’investiture, Jeb Bush, l’un des rares à avoir refusé de faire allégeance à l’homme d’affaires, est le premier à réagir, suivi de Paul Ryan, président de la Chambre des représentants. « Ecœuré », ce dernier annule sa participation à un meeting commun avec M. Trump prévu le lendemain dans le Wisconsin.
Cinq jours plus tard, le 12 octobre, plusieurs femmes accusent Donald Trump d’attouchements à caractère sexuel. Parmi elles, Jessica Leeds et Rachel Crooks témoignent dans le New York Times. Le candidat nie en bloc les révélations du quotidien.
Alors que Donald Trump est déjà peu populaire parmi les électrices, ses propos et les accusations d’attouchements sexuels ont eu un impact négatif sur l’électorat féminin. Un élément qui handicape le candidat dans un pays où les femmes votent plus que les hommes.
L’affaire des e-mails d’Hillary Clinton
- L’enquête du FBI
L’affaire des e-mails de la candidate démocrate a sans aucun doute ponctué sa campagne électorale et entaché son image. Hillary Clinton s’est, en effet, vue reprocher l’usage d’un serveur de messagerie privé plutôt que celui du département d’Etat lorsqu’elle dirigeait la diplomatie américaine (2009-2013), pendant le premier mandat de Barack Obama. Une pratique dont elle a elle-même reconnu que c’était une erreur d’un point de vue de la sécurité des échanges d’informations sensibles. La police fédérale américaine avait alors décidé d’ouvrir une enquête avant de la classer, en juillet dernier, sans poursuivre la candidate.
Mais le 28 octobre, à la surprise générale, le chef du FBI, James Comey, a annoncé dans une lettre destinée aux élus du Congrès, l’ouverture d’un complément d’enquête après la découverte de courriels du département d’Etat sur l’ordinateur portable d’Anthony Weimer, l’ex-mari de Huma Abedin, conseillère de la candidate démocrate. Encore plus surprenant, le 6 novembre, James Comey informe le Congrès que l’examen de nouveaux courriels d’Hillary Clinton n’avait pas modifié les conclusions formulées en juillet, qui recommandaient le classement de l’affaire.
- Les révélations de WikiLeaks
Une autre affaire de courriels, beaucoup plus récente celle-là, a également pollué la campagne de la candidate démocrate : celle de WikiLeaks. Au début du mois d’octobre, son fondateur Julian Assange promet de diffuser, d’ici à l’élection présidentielle américaine du 8 novembre, un flux continu de courriels privés mettant en lumière à la fois la duplicité des positions de la candidate démocrate et les coulisses de sa campagne électorale. M. Assange affirme détenir plus de 50 000 courriels tirés de la correspondance de John Podesta, ancien chef de cabinet de la Maison Blanche sous Bill Clinton et aujourd’hui directeur de campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama. De quoi dévoiler les arrière-cuisines de la campagne de Mme Clinton au gré des échanges de ses collaborateurs.
Ces « conversations » mettent en lumière les revirements de la candidate démocrate sur différents sujets. Tout au long des primaires, Mme Clinton s’est refusé à publier le contenu des discours grassement rémunérés qu’elle avait prononcés devant les milieux d’affaires, quelques années auparavant. A la lecture des courriels, on comprend pourquoi. Ainsi, dans un courriel daté du 25 janvier, l’un des responsables de la campagne de Mme Clinton, Tony Carrk, évoque des extraits de ces discours susceptibles de nuire à l’image de l’ancienne secrétaire d’Etat, qu’il faudrait « gommer ».
Lors d’un événement, organisé en 2014 par la banque d’affaires Goldman Sachs et le fonds d’investissement BlackRock, Mme Clinton admet ainsi qu’elle est « déconnectée » de la réalité que vit le pays. Elle évoque son père qui « aimait à se plaindre des grandes entreprises » et de son appartenance à la classe moyenne. « Maintenant, évidemment, je me suis éloignée de cela à cause de la vie que j’ai vécue et de la fortune, dont mon mari et moi profitons », confie-t-elle.
Ces confidences confortent l’idée, défendue par une partie des Américains, qu’Hillary Clinton n’est pas honnête ou digne de confiance.
Donald Trump s’en prend aux musulmans
Tout au long de la campagne, Donald Trump s’est illustré pour ses propos racistes et xénophobes en ciblant notamment la religion musulmane. Il en a fait une sorte de fonds de commerce, affirmant, notamment à la suite des attentats de Bruxelles, le 22 mars, que les musulmans « ne s’intègrent pas dans d’autres pays ».
Dans la foulée des attentats du 13 novembre, M. Trump a proposé de ficher tous les musulmans vivant aux Etats-Unis – une mesure comparée par ses adversaires aux fichiers de juifs établis par les nazis. Après la tuerie de San Bernardino, en Californie, commise le 2 décembre par un couple de musulmans radicalisés, M. Trump a annoncé que, s’il était élu, il fermerait provisoirement les frontières des Etats-Unis à tous les musulmans.
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Le vent a finalement tourné lorsqu’il s’est attaqué, à la fin juillet, aux parents d’un officier musulman de l’armée américaine tombé au combat, ses propos ayant provoqué une onde de choc d’une rare intensité. Il n’avait pas hésité à critiquer le père du soldat Humayun Khan tué en 2004 en Irak, venu s’exprimer devant les délégués démocrates à Philadelphie, insinuant même que la mère, dans ce couple musulman, avait été forcée au silence.
Avec une férocité peu habituelle, Barack Obama a étrillé le candidat républicain en affirmant qu’il n’était « pas qualifié pour être président ». « Je ne suis pas le seul à le penser », avait-il ajouté, avant d’interpeller les dirigeants du Parti républicain. Le mot d’ordre a été repris au pied de la lettre par le représentant républicain de l’Etat de New York, Richard Hanna, qui a annoncé le même jour qu’il s’apprêtait à voter pour Mme Clinton. Il est le premier membre du groupe républicain à la Chambre des représentants à prendre position en faveur de la candidate démocrate contre M. Trump, qu’il considère comme une « honte nationale ». Certes, M. Hanna avait déjà annoncé qu’il ne soutiendrait pas M. Trump, mais sans pour autant appeler à soutenir sa rivale, personnalité décriée et largement rejetée dans son parti.
Une autre républicaine, Sally Bradshaw, ex-conseillère de Jeb Bush, qui avait tenté, après la défaite de Mitt Romney en 2012, d’ouvrir le parti républicain aux électeurs jeunes et issus des minorités, a annoncé qu’elle voterait pour Mme Clinton si la course devenait serrée dans son Etat de Floride. « Nous sommes dans un moment où le pays doit prendre l’avantage sur les partis politiques. Trump ne peut pas être élu président », a-t-elle martelé sur CNN.
Hillary Clinton et l’épisode de la pneumonie
Tandis que les noms des victimes du 11-Septembre étaient égrenés à l’occasion de la quinzième commémoration des attentats de 2001, la candidate démocrate a fait un malaise avant d’être évacuée. Quelques heures plus tard, le médecin de Mme Clinton, annonçait qu’une pneumonie lui avait été diagnostiquée deux jours plus tôt et qu’elle suivait un traitement à base d’antibiotiques.
Plus tôt dans la journée, Hillary Clinton avait pourtant lancé après son malaise : « Je me sens très bien. C’est une belle journée à New York. » Il a donc fallu attendre quarante-huit heures pour que la candidate révèle sa pneumonie.
Cet épisode médical renvoie à la relation problématique des Clinton avec la vérité et la transparence, avait relevé le Washington Post. « Une pneumonie, ça se traite avec des antibiotiques. Comment guérit-on d’un penchant malsain pour le secret qui crée des problèmes inutiles à répétition ? », a, pour sa part, ironisé David Axelrod, ancien bras droit de Barack Obama.
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Donald Trump et les Mexicains
Tout au long de la campagne, le Mexique et ses citoyens, immigrés aux Etats-Unis, ont été l’une des cibles privilégiées de M. Trump. Le magnat new-yorkais a promis, s’il accédait à la Maison Blanche, de construire un mur le long des 3 200 kilomètres de frontière séparant les deux pays. Son édification devra être financée par Mexico, a-t-il annoncé, sans quoi il entend bloquer les centaines de millions de dollars envoyés par les migrants mexicains installés aux Etats-Unis à leurs familles. Des envois de fonds qui constituent l’une des principales sources de devises du Mexique.
Depuis les primaires républicaines, Donald Trump a également construit sa campagne sur la promesse d’expulser la totalité des 11 millions d’immigrés sans papiers présents aux Etats-Unis. « Le premier jour, je commencerai à expulser rapidement les immigrés criminels illégaux de ce pays, notamment les centaines de milliers qui ont été remis en liberté sous l’administration Obama-Clinton », avait-t-il déclaré en août 2016, à Des Moines, dans l’Iowa.
Hillary Clinton insulte les électeurs de Donald Trump
Le 9 septembre, la démocrate rompt avec une règle d’or, ne jamais s’en prendre à l’électorat de son adversaire. Ce jour-là, elle juge publiquement lors d’une collecte de fonds, que « grosso modo » une bonne moitié des soutiens de Donald Trump sont « pitoyables » et « irrécupérables », parce que « racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes ».
Le camp républicain monte aussitôt au créneau. Donald Trump réagit vivement dans un tweet :
« Waouh, Hillary Clinton a été TELLEMENT INSULTANTE envers mes supporteurs, des millions de personnes incroyables, qui travaillent dur. Je pense que cela va lui coûter cher dans les sondages ! »
Plusieurs commentateurs politiques estiment également qu’il s’agit d’une erreur sérieuse de la part d’Hillary Clinton, au moment où les sondages prédisaient une course plus disputée qu’attendu pour la Maison Blanche.
La candidate démocrate finit par s’excuser le lendemain reconnaissant avoir « généralisé grossièrement » et assurant que nombre d’électeurs de Donald Trump étaient des « Américains qui travaillent dur ».
En 2012, le candidat républicain Mitt Romney avait déjà franchi cette ligne jaune lorsqu’il avait estimé que « 47 % » d’Américains étaient des assistés.
Clinton qualifie les électeurs de Trump de « pitoyables »
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