« Starcraft 2 » | Blizzard

Il se murmurait depuis quelques mois que DeepMind, l’entreprise d’intelligence artificielle qui avait réussi l’exploit de battre l’humain au jeu de go, comptait s’attaquer au jeu vidéo StarCraft 2. C’est désormais officiel : vendredi 4 novembre, lors de la conférence annuelle de Blizzard en Californie, l’éditeur de StarCraft a annoncé un partenariat inédit avec cette entreprise, rachetée par Google en 2014. Ensemble, elles vont mettre à disposition de tous les chercheurs en intelligence artificielle (IA), de DeepMind et d’ailleurs, une version de StarCraft 2 spécialement conçue pour servir d’environnement de recherche.

DeepMind n’est pas la première à s’intéresser à StarCraft. Depuis 2010, une compétition annuelle oppose des programmes informatiques sur ce terrain. Des chercheurs de Berkeley travaillent de leur côté à développer une IA capable de jouer. Même Facebook a publié des recherches sur le sujet. Mais la différence est que cette fois, Blizzard, la société créatrice du jeu, s’implique et propose officiellement une version adaptée aux chercheurs – là où ceux-ci étaient jusqu’alors contraints à la bidouille pour utiliser le jeu à leurs fins.

Un jeu complexe

Mais pourquoi StarCraft 2 intéresse-t-il autant le champ de l’IA ? « Les compétences nécessaires à [un programme] pour progresser dans l’environnement et jouer correctement à StarCraft pourraient, à terme, être transférées pour des tâches dans le monde réel », affirme Oriol Vinyals, chercheur chez DeepMind et joueur réputé de StarCraft, sur le blog de l’entreprise. StarCraft 2, sorti en 2011, est la suite d’un célèbre jeu de stratégie sorti de la fin des années 1990, devenu l’un des plus joués en compétition, notamment en Corée du Sud où il a été hissé au rang de sport national.

StarCraft II DeepMind feature layer API
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Et pour cause : StarCraft est un jeu complexe, qui mobilise l’intelligence, la mémoire et la réactivité. Les joueurs doivent gérer des armées de race extraterrestre différente, qui se combattent chacune avec leurs armes spécifiques. Pour cela, ils extraient des ressources comme du minerai ou du gaz, qui leur permettent de bâtir des édifices militaires et d’attaquer leurs ennemis. Ils doivent agir en temps réel et gérer des dizaines, voire centaines d’unités en même temps. Une des difficultés, par rapport au jeu de go par exemple, est que le joueur ne voit pas toute la zone de jeu : il n’a donc pas accès à toutes les informations nécessaires, comme la position des autres joueurs. Il doit envoyer des unités afin de la découvrir, et garder ces informations en mémoire pour élaborer ses plans.

Pour jouer à StarCraft, une IA doit donc « être capable d’utiliser sa mémoire, prévoir ses actions sur le long terme et adapter ses projets en fonction des nouvelles informations obtenues », explique Oriol Vinyals. Le tout extrêmement rapidement. « StarCraft est un environnement de test intéressant pour la recherche actuelle en IA car il fournit une transition utile vers le désordre du monde réel », estime le chercheur. Une aubaine pour DeepMind, qui définit sa mission comme « repousser les limites de l’IA » et « développer des programmes capables de résoudre n’importe quel problème complexe sans avoir à lui dire comment le faire ».

Pas près de battre l’humain

StarCraft peut donc aider la recherche en IA a progresser. Et à l’inverse, Blizzard pourrait bénéficier de ces avancées, en intégrant dans son jeu des personnages dotés d’intelligence artificielle avancée afin de le rendre plus palpitant. Toutefois, tient à préciser, prudent, DeepMind, « il y a encore un long chemin à parcourir avant d’être en mesure de battre un joueur professionnel à StarCraft 2 ».

Du côté des joueurs, les avis sont mitigés. Lim Yo-hwan, dit « BoxeR », ancien joueur professionnel coréen, a du mal à croire qu’une IA pourrait battre l’humain à ce jeu. « StarCraft est un jeu où la stratégie situationnelle est bien plus importante que dans le go, donc c’est un domaine où elle ne pourra pas être à la hauteur », expliquait-il il y a quelques mois. « Il y a beaucoup de variables dans StarCraft, comme l’exploration, évidemment, ainsi que les cartes, l’équilibre entre les races, la microgestion, l’aspect psychologique, etc. »

D’autres comme le numéro 2 français et numéro 12 mondial, FireCake, ont l’avis inverse : « Les gens ont tendance à voir trop de stratégie dans StarCraft. Il y a quatre ans j’explosais les IA de go, or il y a un million de fois plus fois de stratégie dans le go que dans StarCraft 2 », expliquait-il au Monde en mars. « Dans le go, il n’y a que de la stratégie, alors que dans StarCraft 2, il y a la maîtrise individuelle des unités d’un point de vue dextérité, la gestion multitâche et leur priorisation. L’IA n’aurait pas le stress et sait avancer vite. Pour moi, elle gagnera partout. »