Alain Juppé, candidat a la primaire « Les Républicains »  en meeting à La Garde, dans le Var © Arnold Jerocki/Divergence | ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Cela devait être un meeting à domicile. Une pause à la maison au milieu d’une campagne nationale menée aux quatre coins du pays. Mais, mercredi 9 novembre, l’actualité internationale s’est invitée à la réunion publique d’Alain Juppé à Bordeaux, ville dont il est le maire. Difficile de passer à côté de la victoire de Donald Trump, qui s’est insinuée dans la campagne de la primaire de la droite. Toute la journée, les sarkozystes ont suggéré que l’ancien premier ministre ressemblait à Hillary Clinton. Trop favori des sondages, candidat préféré des élites, trop centriste… M. Juppé leur a répondu devant ses partisans. Encore une fois en assumant sa ligne pour le rassemblement.

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« Je dis non au clivage, je dis non à la démagogie qui dresse les Français les uns contre les autres, par exemple les élites contre le peuple. Cela ne mène à rien, sinon à des blocages », a-t-il lancé, avant de conclure dans une allusion à peine voilée à M. Trump, mais aussi à son rival : « Je propose aux Français de dire non à une France frileuse, recroquevillée sur elle-même. »

« Une France entreprenante, une France conquérante »

Et puisque les Américains « n’avaient pas vu monter la colère de ceux qui se sont sentis abandonnés et déclassés », le maire de Bordeaux a, lui, rappelé ses deux ans de déplacements. « J’ai vu aussi se dessiner deux France sous mes yeux, une France entreprenante, une France conquérante et une autre France en souffrance, en décrochage, qui éprouve une forme d’abandon », a-t-il analysé. Et l’édile de citer les « ouvriers qui voient notre industrie s’étioler », « nos commerçants et nos artisans », les « laissés pour compte », les « veuves », les « travailleurs pauvres »

« Je les écoute à Bordeaux, je les écoute partout. Je veux tout faire pour que ces deux France ne s’écartent pas davantage l’une de l’autre », a-t-il expliqué. Une façon de répondre aux sarkozystes qui décrivent son concept d’identité heureuse comme un constat naïf de la situation. Lui en fait un objectif et se pose maintenant en réconciliateur des territoires.

« Mon objectif, mon ambition, mon rêve, c’est de réconcilier ces deux France par le dialogue, par l’écoute, en disant la vérité, qui est le contraire du populisme. »

Les insinuations des sarkozystes

Plus tôt dans la journée, le favori des sondages avait réagi une première fois à l’élection du nouveau président américain par un communiqué. Après les félicitations de rigueur, il mettait en garde le nouvel hôte de la Maison Blanche : « Le monde a besoin d’une démocratie apaisée et qui contribue à l’équilibre du monde, aujourd’hui gravement menacé. » Un texte où il envoyait déjà des messages forts à destination de l’électorat de la droite qui pourrait être tenté par un vote en faveur de Marine Le Pen. « Aux Français, je veux souligner tous les risques que la démagogie et l’extrémisme font courir à la démocratie et le caractère vital des choix qu’ils ont à faire », écrivait-il, avant d’appeler au « rassemblement » et à la « mobilisation » de « tous ceux qui se font une certaine idée de la République ».

Une réponse aussi à Nicolas Sarkozy. Car dès l’élection de Donald Trump acquise, les proches de l’ancien chef de l’Etat ont commencé à faire le parallèle entre Hilary Clinton et Alain Juppé. Comme la démocrate américaine, le maire de Bordeaux serait, selon eux, le candidat du système et du statu quo. Un positionnement jugé inapte à répondre à la colère de la « majorité silencieuse ». « Ma conviction est qu’il n’y aura pas de place pour l’impuissance, la faiblesse et le renoncement », a ainsi lancé Nicolas Sarkozy lors d’une déclaration, mercredi 9 novembre, avant de pourfendre la pensée unique.

Et même s’ils ne se sont pas réjouis de la victoire de Donald Trump, les sarkozystes voient dans son élection la confirmation de leur ligne politique. Depuis le début de la campagne, ils sont persuadés que la primaire et l’élection présidentielle se joueront sur les questions identitaires et sur le clivage entre le peuple et les élites. Et tant mieux si les phrases tonitruantes à propos des Gaulois ou des doubles rations de frites pour les élèves musulmans peuvent ressouder la base partisane contre le « système politico-médiatique ».

Donald Trump plus proche de Marine Le Pen ?

Un affrontement que n’évitent pas les proches d’Alain Juppé. « Désormais, Nicolas Sarkozy a pris Trump comme modèle. Cela clarifie un peu plus encore la primaire, les gens ont à faire un choix entre deux lignes très différentes », pense Gilles Boyer. Le directeur de campagne du maire de Bordeaux voit aussi dans ce scrutin américain une bonne « piqûre de rappel » alors que les bons sondages pourraient endormir les soutiens de l’ancien premier ministre : « Cela peut faire prendre conscience à beaucoup de gens qu’il faut aller voter pour éviter une gueule de bois le 28 novembre. »

Les juppéistes nuancent aussi la comparaison entre Donald Trump et Nicolas Sarkozy – « une différence de gradation » – et préfèrent voir en Marine Le Pen la candidate la plus proche du nouveau président américain. Une manière de ne pas se laisser enferrer dans ce duel et de se projeter vers 2017. « Contre Alain Juppé, Marine Le Pen ne gagnera pas, contre Sarkozy elle peut gagner. Le choix de Sarkozy à la primaire nous prépare une élection présidentielle très incertaine », poursuit M. Boyer. Du moins si l’on en croit les sondages, une science très incertaine en ce moment…