Trump président : à Londres, la City n’a rien vu venir
Trump président : à Londres, la City n’a rien vu venir
LE MONDE ECONOMIE
Comme avec le Brexit, la surprise est totale dans le centre financier britannique.
Les ors de Mansion House étaient comme toujours impressionnants, mardi 8 novembre au soir. La résidence officielle du lord-maire de la City recevait en grande pompe pour le dîner annuel de TheCityUK, l’un des principaux lobbys du centre financier britannique. Les hommes sont en nœud papillon et les femmes – en nette minorité – en robe de soirée. Un livreur annonce l’arrivée des invités, qui attrapent une flûte de champagne à l’entrée. Une bonne partie du gratin de la finance est présent dans l’immense « Egyptian Hall », qui reçoit sous son plafond haut de vingt mètres les quelque 350 invités de cette soirée de gala.
Entre le bénédicité (« pensons à ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un tel repas ce soir ») et les toasts à la reine (toute la salle se lève), les discussions ne tournent qu’autour d’une chose : le Brexit. Et Donald Trump ? Pas une mention. Personne n’y croit. « Les sondages semblent solides », lance un participant, qui dirige un groupe patronal.
Après le délice au fruit de la passion et gel de noix de coco, meringue au citron, macaron passion et coco et sorbet à la menthe, Paul Manduca prend la parole. Le président du conseil d’administration de Prudential dirige aussi le groupe de conseil de TheCityUK. Ton sombre, il rappelle que Florence, Venise, Amsterdam et Bruges ont autrefois été les principaux centres financiers d’Europe, et que la place de la City n’est pas garantie à l’avenir. Mais il évoque seulement le Brexit.
Champagne puis gueule de bois
Le lord-maire, le baron Jeffrey Evans, dont le mandat d’un an se termine dans deux jours, y va de sa petite blague. « Les choses ne se sont pas vraiment déroulées comme prévues au début de mon mandat… » Il fait bien entendu référence à la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne. L’élection américaine ? Pas un mot.
Quant à Chris Grayling, le ministre des transports, il s’en tient à son portefeuille et parle des investissements à venir dans une nouvelle piste d’atterrissage à Heathrow. En se séparant vers 22h30 – on mange tôt à la City –, tout ce petit monde n’a guère évoqué la tempête qui se prépare de l’autre côté de l’Atlantique.
La scène fait irrésistiblement penser à la veille du résultat du Brexit. Le 23 juin au soir, les riches donateurs de la campagne pour rester dans l’UE s’étaient réunis autour de Roland Rudd, très influent patron d’une entreprise de communication, lui-même richissime et trésorier du camp du « Remain ». George Osborne, alors chancelier de l’Echiquier, leur avait tenu un discours presque triomphal, certain de sa victoire. La livre sterling était en légère hausse sur les marchés et Nigel Farage, leader du parti d’extrême droite UKIP, avait quasiment reconnu sa défaite. Cinq heures plus tard, tous se réveillaient en sursaut. La gueule de bois ne venait pas des coupes de champagne de la veille.
Le parallèle ne s’arrête pas là. Ce mercredi matin, avec la victoire de Donald Trump, les analystes se perdent en conjectures. Que signifie pour l’économie et les marchés financiers cette surprise qui prend tout le monde à contre-pied ? Comme avec le Brexit, la réponse est qu’ils n’en savent rien. « La question est de savoir ce que Trump va réellement faire une fois qu’il sera président, reconnaît Mark Doms, un économiste à Nomura, la banque japonaise. Mais on ne sait pas quel genre d’homme politique il va vraiment être. » On ne saurait mieux dire. Désemparé, sans doute l’adjectif qui colle le mieux au monde de la finance aujourd’hui.