Le championnat du monde d’échecs commence à New York
Le championnat du monde d’échecs commence à New York
Par Pierre Barthélémy
Tenant du titre depuis 2013, le Norvégien Magnus Carlsen rencontre le Russe Sergueï Kariakine. C’est la première fois que s’affrontent deux joueurs nés dans les années 1990.
Le champion du monde d’échecs, Magnus Carlsen, lors du tournoi de Bilbao 2016 qu’il a remporté. | ANDER GILLENEA / AFP
Quoi qu’il arrive lors du championnat du monde d’échecs qui se déroulera du 11 au 30 novembre à New York entre le tenant du titre, le Norvégien Magnus Carlsen, et son challenger, le Russe d’origine ukrainienne Sergueï Kariakine, ce match entrera dans l’histoire. Ce sera la première fois, en cent trente ans de duels officiels au sommet, que les adversaires auront tous les deux moins de 30 ans – les deux jeunes hommes sont nés en 1990. Ce sera aussi la première fois que l’on verra s’affronter pour la couronne mondiale deux joueurs ayant grandi à l’ère de l’informatique, ce qui, étant donné la place importante prise par les logiciels dans la préparation des pousseurs de bois professionnels, n’est pas anodin.
Ce ne sera donc pas un duel de générations. Mais pas davantage une confrontation entre les extrêmes. Pendant douze parties, deux joueurs extrêmement solides, peu enclins à la prise de risques, tournés vers les manœuvres stratégiques plus que vers les grandes offensives flamboyantes, se feront face de part et d’autre de l’échiquier. La victoire se dessinera donc dans les détails.
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Magnus Carlsen part favori, parce qu’il a déjà remporté deux championnats du monde, parce qu’il est largement numéro 1 mondial au classement mondial de la Fédération internationale des échecs (FIDE), parce que son aura, sa classe et son apparente facilité le précèdent, parce qu’il est capable de triturer la position et son adversaire pendant des heures jusqu’à les faire craquer tous les deux. Mais, même si l’on a parfois l’impression qu’il voit tout ce qui se passe ou se prépare sur les 64 cases, le Norvégien n’est pas sans faiblesses notamment dans le choix de ses ouvertures. Carlsen est en effet réputé pour sélectionner des débuts de partie pas forcément très ambitieux sur le plan théorique mais susceptibles de lui donner du jeu dans le milieu de partie et les finales, où il excelle.
Sergueï Kariakine, à l’inverse, est capable d’un gros travail de préparation, d’ingurgiter quantité de variantes préparées à la maison et testées sur ordinateur. Ce, afin d’essayer d’entraîner son adversaire en terrain miné, une stratégie que Carlsen tend précisément à éviter en optant pour des variantes parfois peu usitées. On risque donc d’assister à un subtil jeu du chat et de la souris au début de chaque partie.
La gestion des nerfs
Devenu grand maître à l’âge de 12 ans et 7 mois – un record que personne n’a encore battu –, le Russe n’a jamais caché sa grande ambition mais il n’était pas vraiment attendu à pareille fête dès cette année. Seulement 9e joueur mondial, il ne figurait pas dans la liste des favoris lors du tournoi des candidats qui s’est disputé en mars à Moscou (d’autant qu’il n’était classé que 13e à l’époque). Mais, avec la solidité qui le caractérise, Kariakine a tenu bon contre les vedettes du moment et notamment face à l’armada américaine (Fabiano Caruana, Wesley So, Hikaru Nakamura), ne concédant qu’une seule défaite en quatorze parties.
Reste à savoir si sa grande capacité de travail et sa détermination seront suffisantes pour venir à bout de Magnus Carlsen. Dans leurs confrontations passées, le Norvégien détient l’avantage : sur 21 parties disputées sur un rythme classique, il compte 4 victoires pour 1 seule défaite, les autres rencontres s’étant achevées par une nulle. Lors de leurs deux dernières parties, au tournoi de Bilbao remporté en juillet par Carlsen, ce dernier a fait flancher son adversaire sous la pression de la pendule dans la première partie (et obtenu une nulle dans la seconde).
Là se cache sans doute la principale différence entre les deux hommes : la gestion des nerfs dans les situations d’extrême tension. Pour que Kariakine espère l’emporter, il lui faudra non seulement emmener le Norvégien sur son terrain en début de partie et ne pas se laisser aller à une de ces bourdes qu’il lui arrive de commettre lorsqu’il est pris par le temps. Et si le Russe parvient à tenir la dragée haute au champion du monde, peut-être tout se jouera-t-il lors du tie-break en parties rapides, le 30 novembre, le jour où Carlsen fêtera ses 26 ans.