« Personnellement, je pense que l’idée que de fausses informations sur Facebook, qui ne représentent qu’une toute petite partie des contenus, aient influencé l’élection est une idée assez dingue. » Jeudi 10 novembre, deux jours après l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a répondu aux nombreuses critiques qui accusent le réseau social d’avoir pesé sur les résultats du scrutin.

Depuis l’annonce de la victoire de Donald Trump, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les fausses informations sur la campagne ayant abondamment circulé sur le réseau social le plus populaire au monde, mais aussi la « bulle » dans laquelle il plonge ses utilisateurs, généralement confrontés sur le site à des opinions conformes aux leurs. Le New York Magazine a ainsi publié une véhémente tribune intitulée « Facebook a permis la victoire de Trump », déplorant la visibilité que le réseau social a offerte à de fausses informations annonçant par exemple que « le pape soutient Trump », « Hillary Clinton a acheté pour 137 millions de dollars d’armes illégales » ou encore que « les Clinton ont acheté une maison à 200 millions de dollars aux Maldives » :

« Certaines ont été partagées, “likées” et commentées des centaines de milliers, si ce n’est des millions de fois. (…) Beaucoup de ces histoires étaient des mensonges ou des “parodies”, mais leur apparence et leur emplacement dans le fil d’actualités ne différaient en rien de celles des auteurs qui s’engagent à, vous savez, ne pas mentir. »

Plaidoyer pour « un Facebook moins toxique »

Le site spécialisé TechCrunch s’est lui aussi montré très sévère, affirmant que Facebook avait « amplifié et déformé » les idées de ses utilisateurs « à travers le prisme d’articles sensationnalistes et souvent mensongers », ajoutant que le réseau social était devenu « un acteur démesuré », capable de « façonner notre compréhension des événements qui se déroulent autour de nous ».

Beaucoup se sont particulièrement interrogés sur la fameuse « bulle » créée par Facebook, à l’instar du Guardian :

« Plus nous cliquons, aimons et partageons des contenus qui résonnent avec notre propre manière de voir le monde, plus Facebook nous abreuve de publications similaires. Cela a progressivement divisé la narration politique en deux bulles de filtrage distinctes – une pour les conservateurs, et une pour les libéraux. »

Le site américain The Intercept a quant à lui plaidé pour « un Facebook moins toxique », jugeant que « sans exagérer », le fait que le réseau social dispose de « la faculté de déboussoler des dizaines de millions d’électeurs américains en échange des revenus des encarts publicitaires » représentait « une crise ».

Des informations plus variées qu’autrefois ?

Face à ces attaques, Mark Zuckerberg a réfuté l’idée selon laquelle les fausses informations circulant sur son site avaient biaisé l’élection :

« Les gens essaient de comprendre le résultat de l’élection, mais je crois qu’il y a un manque d’empathie profond quand on affirme que la seule raison pour laquelle quelqu’un vote pour qui il vote serait parce qu’il a vu quelques fausses informations. Si vous croyez cela, je ne pense pas que vous ayez assimilé le message que les soutiens de Trump essaient d’envoyer avec cette élection. »

Plus tôt, un autre responsable de Facebook, Adam Mosseri, avait dit à TechCrunch que l’entreprise prenait « les fausses informations très au sérieux », qu’elle tentait de les repérer et de « réduire leur distribution ». « Il y a encore beaucoup à faire », avait-il souligné. L’entreprise avait notamment lancé en 2015 un outil permettant aux utilisateurs de signaler les fausses informations, mais sans succès ; ces derniers s’étant montrés relativement peu efficaces à les identifier, certains signalant même les vraies informations qui ne leur convenaient pas.

Concernant l’effet de « bulle », Mark Zuckerberg a assuré que « quasiment tout le monde a des amis qui sont de l’autre bord ». « Ce qui signifie que la diversité des informations que vous recevez sur un réseau social comme Facebook sera par définition plus large » que, compare-t-il, la consommation médiatique d’« il y a vingt ans », consistant, selon lui, à se contenter d’un journal et d’une chaîne de télévision.

« Nous devons travailler encore plus dur »

Mark Zuckerberg a aussi rejeté la faute sur les utilisateurs pour cet effet de « bulle » :

« Le plus grand filtre du système, ce n’est pas que le contenu ne soit pas là, ou que vous n’ayez pas d’amis qui soutiennent l’autre candidat, (…) mais que vous le rejetiez quand vous le voyez. Nous ne cliquons tout simplement pas dessus, et vous savez que je ne sais pas quoi faire à ce sujet. Nous devons travailler là-dessus. »

La question est complexe. Facebook s’est toujours défendu d’être une entreprise de média et retranchée derrière son statut d’entreprise technologique. Sa façon de censurer, ou de ne pas censurer, certains contenus a généré de nombreuses polémiques, et Facebook tente donc d’intervenir au minimum sur les publications, de présenter ses algorithmes comme neutres et d’expliquer que Facebook est avant tout ce que ses utilisateurs en font.

Le 9 novembre, quelques heures après la victoire de Donald Trump, Mark Zuckerberg avait déclaré sur sa propre page Facebook : « Nous avons tous la capacité de pouvoir rendre le monde meilleur, et nous avons la responsabilité de le faire. Nous devons travailler encore plus dur. »