Le prédicateur Fethullah Gülen à Saylorsburg (Pennsylvanie), en juin 2016. | Chris Post / AP

Entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, le courant est passé. Mercredi 9 novembre, au lendemain de la victoire du candidat républicain à la Maison Blanche, le président turc l’a appelé pour le féliciter. Qualifiée de « sincère », la conversation a abordé le sujet qui taraude l’élite islamo-conservatrice au pouvoir, à savoir l’extradition de Fethullah Gülen. Ankara considère que le prédicateur musulman, exilé en Pennsylvanie depuis 1999, a orchestré le putsch raté du 15 juillet contre le président turc.

M. Erdogan est confiant. « Une nouvelle ère s’ouvre », a-t-il déclaré dans une allocution retransmise à la télévision mercredi. La Turquie, qui entretenait des relations tendues avec l’administration Obama, mise sur de meilleurs échanges avec Donald Trump. Le premier gage de ce réchauffement devrait être l’extradition de l’imam Gülen vers la Turquie, « le plus vite possible », a martelé le premier ministre Binali Yildirim.

Voici des mois que les autorités turques réclament en vain que le prédicateur leur soit livré. Récemment, Bekir Bozdag, le ministre de la justice, s’est rendu aux Etats-Unis pour plaider la cause du gouvernement turc, décrivant Fethullah Gülen, 75 ans, comme le chef d’une organisation secrète et criminelle impliquée dans le blanchiment d’argent et occupée à infiltrer toutes les institutions d’Etat. Le chef religieux, qui gère plus d’un millier d’écoles dans le monde, est, selon le discours officiel, « le nouveau Ben Laden ».

Fut un temps où les ténors du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) accouraient au domaine du hoca (« maître ») Gülen en Pennsylvanie, pour lui baiser la main. Combien de fois Recep Tayyip Erdogan ne lui a-t-il pas lancé dans ses discours un vibrant hommage « par-delà l’Atlantique » ? Longtemps alliés, les deux hommes, engagés dans une lutte sans merci pour le leadership de l’islam politique en Turquie, sont désormais ennemis.

A défaut d’extradition, Ankara voudrait que l’imam soit placé en garde à vue aux Etats-Unis, que son action à la tête de son mouvement secret soit paralysée, que ses écoles soient fermées.

« Notre allié turc est en crise »

Avec l’élection de Donald Trump, ce souhait est peut-être en passe d’être exaucé. « Nous ne devrions pas lui donner l’asile », écrivait Michael Flynn, pressenti pour devenir le conseiller à la sécurité nationale du président élu, sur le site Internet américain The Hill, le 8 novembre. Dans son article, intitulé « Notre allié turc est en crise, il a besoin de notre soutien », Michael Flynn compare Fethullah Gülen à l’ayatollah Khomeyni, le père de la révolution iranienne de 1979, ainsi qu’à Hassan Al-Banna, le fondateur de la confrérie des Frères musulmans.

Le militaire assure que les 160 écoles du réseau Gülen implantées aux Etats-Unis fonctionnent « grâce à l’argent du contribuable américain », tandis que leurs enseignants – venus de Turquie – jouissent d’un régime de visas particulier. Et de conclure : « Nous devons voir le monde avec les yeux de la Turquie. Qu’aurions-nous fait si, après le 11 septembre 2001, nous avions appris qu’Oussama Ben Laden résidait dans une belle villa sur la côte turque et que ses 160 écoles étaient financées par les contribuables turcs ? »