TV : « Les Enfants du port », chronique de la violence et du dénuement extrêmes
TV : « Les Enfants du port », chronique de la violence et du dénuement extrêmes
Par Christine Rousseau
Au milieu des ruines et gravats d’une ville – Port-au-Prince – qui peine à se reconstruire, des milliers d’enfants abandonnés à eux-mêmes tentent de survivre (sur France Ô à 20 h 50).
« Les Enfants du port », de Daniel Grandclément. | © LIGERIA PRODUCTION
Six ans après le séisme qui a ravagé Port-au-Prince, faisant près de 230 000 morts et des centaines de milliers de blessés et de sans-abri, la capitale haïtienne peine toujours cruellement à se reconstruire. Seuls quelques bâtiments publics flambant neufs, construits par des sociétés étrangères – souvent chinoises – se dressent au milieu de gravats, d’immeubles en ruine.
Entre jeux et débrouille
Les stigmates du drame sont visibles partout, sur les murs autant que sur les corps d’une population qui, entre indigence politique et fléaux climatiques, tente de survivre. Tels ces gamins que Daniel Grandclément, avec ce regard bienveillant qu’on lui connaît, a choisi de suivre dans leur vie de jeux et de débrouille.
Parmi le petit groupe composé d’orphelins, d’enfants abandonnés ou maltraités, l’écrivain et grand reporter s’est attaché à Idson, 11 ans, qui a laissé l’une de ses jambes sous les décombres de sa maison, où il fut retrouvé miraculeusement quatre jours après le séisme. Jouer au foot, pêcher – sa passion –, s’ébrouer dans l’eau, ramasser les ordures pour obtenir un repas frugal à partager avec ses copains, rien ne semble arrêter le garçonnet remuant qui a choisi de vivre loin de l’étroitesse du camp où vivotent sa mère et sa sœur.
Une découverte sordide
En suivant Idson mais aussi Richie, paraplégique qui doit compter sur un ami pour le porter, après qu’on lui a volé son fauteuil, Daniel Grandclément va faire une découverte plus sordide encore. Chaque nuit ou presque sont retrouvés au milieu des détritus les corps d’enfants, voire de bébés. D’où viennent-ils ? Ont-ils été abandonnés à leur sort ou tués ? Personne ne le sait et ne semble s’en soucier. A commencer par la police, ainsi que le concède son porte-parole : « On ne part pas sur tous les homicides. »Après un passage à la morgue, les petites dépouilles placées dans des cartons sont inhumées sommairement, au hasard des places que les ambulanciers parviennent à trouver au cimetière. Face aux images souvent insoutenables – bien que floutées – de ces découvertes macabres auxquelles la population semble s’être habituée ou presque, on préférera garder en tête les sourires d’Idson et de Richie. Ceux de garçons à qui Grandclément, en les suivant, sans misérabilisme aucun, et en les aidant, offre, au milieu d’une enfance saccagée, une part de douceur et d’humanité.
Les Enfants du port, de Daniel Grandclément (Fr., 2016, 50 min).