Thomas Pesquet était le 27 novembre à la Fnac des Ternes. / Guillemette Faure

« Il a sorti le costume… », dit un homme alors que Thomas Pesquet arrive près de nous. Pas le costume de spationaute évidemment. Comme le rappelle Mary Roach en prologue du génial album de Marion Montaigne Dans la combi de Thomas Pesquet, un astronaute ne passe que 1 % de sa vie professionnelle dans l’espace et 1 % de cette période dans l’espace en combinaison. Le reste du temps, que fait-il ? Il est en chemise et en veste à la Fnac par exemple, où il vient dédicacer son dernier livre Terre(s), vue d’encore plus haut que celle de Yann Arthus-Bertrand… Il est là pour une heure. Et ils sont très nombreux à avoir passé la journée à faire la queue : le matin pour avoir une place, l’après-midi pour être les premiers dans la file d’attente.

Sachez qu’il y a en France des gens qui se retrouvent par petits groupes pour dire du bien de Thomas Pesquet. Ils se donnent rendez-vous à Paris pour se redire à quel point il est modeste, gentil. « Et beau aussi », ce qui ne gâte rien. Leur groupe, dont la présidente vit en Savoie, compte environ 1 500 personnes et s’appelle Mosaïque pour Thomas, du nom de leur grande œuvre : une photo géante de Thomas Pesquet réalisée à partir de photos de Thomas Pesquet. La mosaïque a été reproduite sur un badge – qui peut aussi faire magnet de frigo – que porte Domi, venue à la Fnac des Ternes. Pour son anniversaire, son mari l’a envoyée voir Thomas Pesquet à la Cité de l’espace à Toulouse.

La chanson du groupe Mosaïque pour Thomas Pesquet

Chanson du Groupe Mosaïque pour Thomas Pesquet (demo)
Durée : 04:31

Récemment, le roi du selfie en apesanteur a posté un autoportrait à la tour Eiffel, sur son compte Facebook. Domi a été surprise qu’il n’y ait pas plus de monde autour de lui. Elle pense que si les gens ne l’ont pas reconnu, c’est parce que les médias n’ont pas assez parlé de lui. Si, il y a des gens qui pensent que Thomas Pesquet a été trop ignoré par les journalistes. « Il est très modeste, il explique avec des mots faciles… » Pas comme Claudie Haigneré « qui nous faisait sentir qu’elle était scientifique », notamment en parlant de science.

Thomas Pesquet à la tour Eiffel

Thomas Pesquet résiste à la vague d’élite bashing. « Il n’est pas dans sa bulle », me dit-on de l’homme qui a passé six mois à 350 kilomètres de la Terre. « On va avoir besoin de lui quand il faudra aller coloniser d’autres planètes, vu l’état dans lequel on a mis la nôtre… », m’explique un autre admirateur qui attend pour le voir. Il s’identifie un peu à lui. « Quand je prends l’avion, je me mets près du hublot. »

A la différence de l’écriture inclusive, Thomas Pesquet, c’est agréable d’en parler parce qu’il n’est pas « clivant ». Etre fan de Thomas Pesquet, ce n’est pas comme être supporteur du PSG, il n’y a pas de camp d’en face (peut-être ceux qui préfèrent l’astrophysicien Hubert Reeves ?).

Emerveillement permanent

Basan est enseignante. Elle est arrivée avec deux heures d’avance pour être sûre de le voir. Avec toute sa classe de CP, ils ont suivi son voyage dans l’espace. « C’est vrai ? », lui demande Thomas Pesquet. En vérité, il ne s’attend pas à ce qu’elle réponde « non, j’ai menti », mais il est comme ça, Thomas Pesquet, il dit « c’est vrai ? » quand les gens lui déclarent « Vous nous avez fait rêver ». Et quand il écrit le prénom de la personne à qui il dédicace son livre, il ajoute un point d’exclamation à la fin. Ce garçon vend de l’émerveillement permanent.

A ceux qui le remercient « de [nous] avoir mis des étoiles plein les yeux », il réplique « merci à vous aussi ». A la dame qui dit « bravo pour ce voyage », il lâche « ravi de vous faire plaisir ». C’est vrai qu’il est gentil Thomas Pesquet. (Pour respecter la déontologie journalistique, il me faut préciser que j’ai un lien privilégié à Thomas Pesquet depuis que ma fille a collé sa photo à côté de la sienne sur la porte de sa chambre, c’est un peu comme s’il vivait avec nous.)

« Ben alors madame, vous avez fait la queue pendant vingt minutes et vous n’êtes pas prête pour la photo ! » Il est si gentil Thomas Pesquet qu’il gronde ses clients pour leur apprendre à être plus professionnels. « Tu veux faire astronaute ? », demande-t-il à un petit garçon. « Oui. Oui, oui ou oui, bof ? » Il est si gentil Thomas Pesquet qu’il aide les enfants à tester le sérieux de leur motivation. A celui qui vient lui indiquer qu’il y a une erreur dans la légende d’une photo d’une ferme de Madagascar et veut lui montrer à quelle page, il assure qu’il en parlera à son éditeur. C’est vrai qu’il est gentil, il aurait pu dire on s’en fout.

Sur une dédicace, il écrit « Sous les étoiles et dans la galaxie, la Terre nous sourit, il faut toujours croire en ses rêves. » Non, il n’est pas poète Thomas Pesquet, il recopie ce que les clients de la Fnac ont écrit sur leur Post-it dans la file d’attente. On lui apporte des dessins, des lettres, un livre. Il est si gentil Thomas Pesquet qu’il les accepte. « J’étais au Global Positive Forum avec Jacques Attali le 1er septembre. Vous aviez dit que vous étiez à sa disposition en partant », lui rappelle un homme à légion d’honneur. Il est si gentil Thomas Pesquet qu’il dit qu’il attend d’être réinvité pour revenir.

« Alors, c’est la catastrophe… », affirme un homme en passant à côté de la foule. « Vous voyez, ça ne va pas du tout », lui répond Thomas Pesquet. C’est de l’humour d’éditeur, celui de Michel Lafon qui se réjouit de voir les gens dans la queue avec deux, trois ou quatre livres achetés d’un coup. Il est si gentil Thomas Pesquet qu’il a déjà fait savoir aux journalistes de « 50 minutes inside » que ses droits d’auteur seraient reversés aux Restos du cœur.