L’entourage de Donald Trump envisage de relancer le fichage des musulmans
L’entourage de Donald Trump envisage de relancer le fichage des musulmans
Par Pierre Bouvier
Durant sa campagne, le candidat a promis d’interdire l’accès du territoire américain aux musulmans, puis aux ressortissants de pays où sévit le terrorisme islamiste.
Kris Kobach a été l’architecte du NSEERS, une base de données des musulmans de 24 pays entrant ou résidant aux Etats-Unis, entre 2002 et 2011. | © Dave Kaup / Reuters / REUTERS
C’était une de ses promesses de campagne de Donald Trump : après les attentats du 13 novembre 2015 en France, puis la tuerie de San Bernadino le mois suivant, Donald Trump avait indiqué qu’il mettrait « certainement en place » une base de données pour ficher les musulmans présents aux Etats-Unis.
Il a promis d’interdire l’accès du territoire américain aux musulmans, puis aux ressortissants de pays où sévit le terrorisme islamiste.
Trump: "Would certainly implement" Muslim databases. And "you tell me" diff from Jews/Germa: https://t.co/2FM6wReY6e https://t.co/l3UgsMvjlE
— VaughnHillyard (@Vaughn Hillyard)
Après chaque nouvel attentat, Donald Trump a essayé de capitaliser sur la peur des électeurs américains, régulièrement relayée dans les enquêtes d’opinion. Un sondage de l’université de Quinnipiac, publié le 16 septembre, montrait ainsi que 36 % des Américains tenaient pour « très probable » (et 43 % pour « assez probable ») une attaque terroriste à court terme faisant un nombre important de victimes sur le sol américain.
Les propositions de Kris Kobach, le secrétaire d’Etat du Kansas
Donald Trump dispose au sein de son équipe de transition d’un candidat « idéal » pour mettre en œuvre ses mesures. Selon Reuters, Kris Kobach, le secrétaire d’Etat du Kansas – et candidat potentiel au poste d’attorney général (ministre de la justice) dans la nouvelle administration – a laissé planer la menace d’un retour du National Security Entry-Exit Registration System (NSEERS), une base de données mise en place en 2002 après les attentats du 11-Septembre et supprimée en 2011.
Alors qu’il était conseiller sur les questions d’immigration et de sécurité aux frontières de John Ashcroft, l’attorney général de l’administration de George W. Bush, Kris Kobach a été l’architecte de ce programme. Le NSEERS était un registre sur lequel les ressortissants de 25 pays (tous musulmans, à l’exception de la Corée du Nord) munis d’un visa de tourisme et identifiés sur la base de critères de renseignement comme étant susceptibles de poser un risque pour la sécurité devaient s’inscrire. Les voyageurs concernés par le programme NSEERS étaient soumis à la prise d’une photo, d’empreintes digitales et à un interrogatoire à leur entrée aux Etats-Unis.
Depuis cet épisode, M. Kobach s’est illustré par de nombreuses prises de position ultra-restrictives sur l’immigration. Il a contribué à l’adoption d’une loi, en 2010 en Arizona, qui permet aux forces de police de demander les papiers de toute personne en cas de « soupçons raisonnables » sur son statut de clandestin – finalement annulée par la Cour suprême en 2012.
Réactiver un registre créé après les attentats du 11-Septembre
L’un des principaux volets du NSEERS concernait le fichage de plus 93 000 hommes âgés de plus de 16 ans issus de pays considérés comme des menaces résidant aux Etats-Unis mais n’ayant pas la nationalité américaine.
L’obligation de s’enregistrer pour les ressortissants des 25 pays inclus dans le programme NSEERS a été suspendue le 28 avril 2011. Il a été jugé redondant par le département de la Homeland Security, qui a mis en place d’autres systèmes automatisés (comme le scan des empreintes digitales à l’entrée sur le territoire américain) permettant de suivre les entrées et les sorties.
Enregistrement d’empreintes digitales à la frontière américano-mexicaine, en mai 2006. | © Rick Wilking / Reuters / REUTERS
Le programme a surtout permis aux autorités d’expulser 13 740 personnes pour violation des lois sur l’immigration – essentiellement pour dépassement de la date d’expiration de leur visa – y compris par des candidats à l’obtention d’une carte verte.
Il a été abondamment critiqué par les ONG défendant les droits civiques, car visant de manière injuste les migrants et voyageurs issus de pays musulmans. Selon l’ACLU (American Civil Liberties Union, ou Union américaine pour les libertés civiles), aucune des personnes fichées et expulsée par le NSEERS n’a commis d’acte terroriste.
Menaces pour les libertés
L’ACLU a comparé ce programme à l’internement des citoyens japonais et américains d’origine japonaise après Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, ou l’opération Wetback, visant les clandestins mexicains présents aux Etats-Unis, en 1954.
Discriminatory profiling and surveillance of American Muslims would violate the First and Fifth Amendments to the C… https://t.co/dDCsEhEk3w
— ACLU (@ACLU National)
Face à la menace d’une réactivation de la base de données, l’ACLU a mis en garde le président élu, affirmant que le profilage discriminatoire et la surveillance des musulmans américains seraient une violation des premier et cinquième amendements de la Constitution.
Le premier amendement interdit au Congrès des Etats-Unis d’adopter des lois limitant la liberté de religion et d’expression, la liberté de la presse ou le droit à « s’assembler pacifiquement ».
Le cinquième amendement garantit la sécurité juridique et empêche d’être jugé deux fois pour le même crime et qu’une personne soit obligée de témoigner contre elle-même ; il tend à protéger contre les abus de l’autorité du gouvernement dans le cadre d’une procédure juridique.
Vingt-cinq pays concernés par le NSEERS
Les ressortissants d’Algérie, du Bahreïn, du Bangladesh, d’Egypte, d’Erythrée, d’Indonésie, d’Iran, d’Irak, de Jordanie, du Koweït, du Liban, de Libye, du Maroc, de Corée du Nord, d’Oman, du Pakistan, du Qatar, d’Arabie saoudite, de Somalie, du Soudan, de Syrie, de Tunisie, des Emirats arabes unis et du Yémen étaient concernés par le National Security Entry-Exit Registration System.