Amazon se prépare à attaquer frontalement Netflix
Amazon se prépare à attaquer frontalement Netflix
LE MONDE ECONOMIE
L’entreprise d’e-commerce devrait lancer son service de streaming vidéo dans près de 200 nouveaux pays.
Les créateurs et acteurs de « Transparent », en août 2015 à Beverly Hills. Produite par Amazon, la série a remporté deux Golden Globes. | Frederick M. Brown / AFP
Amazon s’apprête à déclencher une grande offensive contre Netflix. Selon le Wall Street Journal, le géant américain du commerce en ligne devrait lancer son service de streaming vidéo, baptisé Prime Video, dans près de 200 nouveaux pays. Jusqu’à présent, celui-ci n’était accessible qu’aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en Allemagne et en Autriche. Amazon s’alignerait ainsi sur son rival, disponible dans plus de 190 pays depuis le début de l’année.
En attendant une confirmation officielle, la société de Seattle a déjà annoncé que sa dernière production, l’émission « The Grand Tour », lancée jeudi 17 novembre, pourra être visionnée un peu partout dans le monde le mois prochain. Elle est présentée par Jeremy Clarkson, ancien animateur vedette de l’émission automobile britannique « Top Gear ». Début 2015, il avait été remercié par la BBC après un énième dérapage.
Davantage de services et hausse du prix
Pour Amazon, le timing est idéal. La popularité de « Top Gear » à l’époque de M. Clarkson dépassait très nettement les frontières du Royaume-Uni, avec une audience estimée à 350 millions de personnes dans le monde. L’e-commerçant espère en profiter pour imposer sa plate-forme. Selon le Financial Times, il aurait ainsi signé un chèque de 250 millions de dollars (236 millions d’euros) pour la production de trente-six émissions.
En France, Prime Video pourrait être intégré à l’abonnement Premium (appelé Prime en anglais), comme c’est déjà le cas dans les autres pays. Pour 49 euros par an, cette offre propose la livraison gratuite en un jour ouvré. L’ajout du catalogue de séries télévisées et de films pourrait cependant entraîner une hausse des prix. En Allemagne, l’abonnement annuel augmentera ainsi de 20 euros au 1er février, passant à 69 euros.
Aux Etats-Unis, une hausse similaire était intervenue au printemps 2014. Les clients américains doivent désormais débourser 99 dollars par an, mais ils bénéficient d’une offre plus complète, qui intègre par exemple plus de deux millions de chansons pouvant être écoutées gratuitement et sans publicité.
L’offre Prime n’étant disponible que dans un nombre limité de pays, Prime Video devrait être proposé en tant que simple abonnement, similaire à ce que fournit Netflix. La plus grande interrogation concerne la richesse du catalogue. Amazon va devoir investir pour acquérir le droit de diffuser ses contenus sur de nouveaux territoires. Cela pourrait lui coûter entre 1 et 2 milliards de dollars en 2017, chiffre Brian Fitzgerald, analyste chez Jefferies.
Production de contenus originaux
Lancé en 2011, Prime Video illustre les ambitions de la société dans les contenus numériques. Pour Jeff Bezos, son fondateur et patron, cela doit permettre de préparer le déclin de la consommation physique. Longtemps, la plate-forme est restée dans l’ombre de Netflix. Elle n’était alors considérée que comme un bonus accessoire à Prime. A son lancement, le catalogue était assez pauvre, aussi bien en quantité qu’en qualité.
Mais, depuis, Amazon a beaucoup investi pour enrichir son service. En 2013, l’e-commerçant a commencé à produire des contenus originaux, reprenant à son compte la stratégie déjà adoptée par son concurrent. Ces dernières séries ont rencontré un vif succès : Transparent a remporté deux Golden Globes en 2015, tout comme Mozart in the Jungle cette année.
La société a par ailleurs noué un partenariat pour financer la première série réalisée par Woody Allen et souhaite produire entre douze et quatorze films par an – en février, elle a déjà financé Chi-Raq, le dernier long-métrage de Spike Lee. Amazon a également sorti son chéquier pour négocier des exclusivités. En 2014, elle a par exemple conclu un accord avec HBO portant sur la diffusion des anciennes séries de la grande chaîne câblée américaine.
Amazon pourrait ainsi dépenser 3 milliards de dollars cette année pour étoffer son catalogue de vidéos, selon les estimations de Michael Pachter, analyste chez Wedbush Securities. Et il compte encore accélérer. En avril, son directeur financier assurait que les investissements dans les contenus allaient augmenter « de manière significative ».
La fragile position de leader de Netflix
Face aux ambitions de son rival, Netflix ne reste pas les bras croisés. En janvier, l’entreprise californienne a complété sa phase d’expansion à l’international avec le lancement simultané sur 130 nouveaux marchés. Seul absent de marque : la Chine, pour n’avoir pas trouvé de terrain d’entente avec les autorités. Depuis septembre, Netflix dispose de l’exclusivité sur les nouveaux films de Disney et de ses filiales Pixar, Lucasfilm et Marvel. Et prévoit de produire mille heures de programmes en 2017, contre six cents heures cette année et quatre cents heures pour HBO.
Ces séries, films et documentaires demeurent son principal atout. Ils lui permettent de conserver sa place de leader du marché avec près de 87 millions d’adeptes, dont 39 millions hors des Etats-Unis. Mais, malgré sa nette avance, sa position reste fragile. La société peine encore à dégager d’importants profits, notamment en raison de ses lourdes pertes à l’international.
A l’opposé, son rival ne cherche pas à gagner de l’argent directement avec son offre vidéo. Il espère surtout accroître le nombre d’abonnés à Prime – actuellement estimé entre 60 et 70 millions par les analystes, car ces clients dépensent beaucoup plus que les autres sur son site. Prime Video peut ainsi opérer à perte étant donné que l’entreprise rentrera dans ses frais en augmentant ses ventes.
Autre handicap pour Netflix : Amazon propose une offre tout-en-un centrée sur la livraison gratuite. Pour le moment, Prime Video demeure en retrait. Mais, à terme, les clients du e-marchand continueront-ils de payer un autre abonnement ? Oui, répond Reed Hastings, le patron de Netflix, qui assure que les deux offres sont « complémentaires ».