Cinq raisons pour lesquelles les électeurs ont choisi François Fillon
Cinq raisons pour lesquelles les électeurs ont choisi François Fillon
Par Feriel Alouti
Arrivé en tête du premier tour de la primaire de la droite, l’ancien premier ministre de Sarkozy a su séduire les électeurs en raison de sa personnalité et de sa stature de présidentiable.
Arrivé en tête des suffrages au premier tour de la primaire de la droite et du centre, François Fillon rencontre les parlementaires, le 22 novembre, à la Maison de la Chimie, à Paris. | Olivier Laban-Mattei / Myop pour Le Monde
Pour quelles raisons une majorité des électeurs ayant participé au premier tour de la primaire à droite, dimanche 20 novembre, a-t-elle choisi François Fillon ? Alors que le député de Paris est resté, pendant longtemps, à la peine dans les sondages, qu’est-ce qui a fait basculer le vote en sa faveur ?
Des dizaines d’électeurs ont répondu à l’appel à témoignages lancé par Le Monde pour revenir sur les raisons de ce vote. Choix stratégique par opposition à Nicolas Sarkozy, stature et programmes : plusieurs éléments expliquent leur choix.
Pour « faire barrage » à Nicolas Sarkozy
De droite comme de gauche, nombre d’électeurs ont avant tout choisi François Fillon pour « faire barrage » à Nicolas Sarkozy. Partant du principe qu’Alain Juppé se qualifierait forcément pour le second tour, ils ont opté pour M. Fillon par défaut, en espérant éliminer l’ancien chef de l’Etat dès le premier tour.
Alain, un quadragénaire de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), a ainsi voté pour le député de Paris parce qu’il estimait « qu’Alain Juppé [serait] devant, quoi qu’il arrive ». « Lorsque les premiers résultats sont tombés et que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé se sont retrouvés au coude-à-coude, j’ai eu un peu peur », reconnaît-il toutefois. Dimanche prochain, Alain votera pour l’autre Alain, un candidat au programme « plus compatible avec [s] es valeurs de société ».
Des électeurs de gauche ont aussi glissé dans l’urne le bulletin de François Fillon dans l’espoir d’empêcher l’ancien chef de l’Etat d’accéder au second tour. Jean-Michel, un habitant de Chelles (Seine-et-Marne) de 68 ans, souhaitait au départ voter pour Alain Juppé mais « la montée de Fillon dans les sondages l’a fait changer d’avis ». « Pari réussi, un jackpot à 2 € ! Au second tour, bien sûr, je voterai Juppé », annonce-t-il.
Voter pour François Fillon s’avère même une stratégie doublement payante pour ces électeurs de gauche : s’il l’emporte à l’issue du second tour, il sera un candidat que « la gauche pourra davantage attaquer clairement, vue sa posture raide sur les sujets de société et son engagement clair pour une politique de casse sociale ultralibérale », estime ainsi une habitante de Lambesc, dans les Bouches-du-Rhône.
Pour son image d’homme intègre
« Honnête », « lucide » ou « fidèle à ses convictions », sont autant de qualificatifs qui reviennent dans les témoignages. « François Fillon est un homme droit. Il a su reconnaître ses erreurs commises en tant que premier ministre et propose un vrai projet ambitieux pour la France », écrit Martin, 24 ans, étudiant en communication. Il est « pragmatique, constant, vrai, authentique » et incarne « tout sauf la “politique spectacle” », poursuit, non sans enthousiasme, Sylvie, 55 ans, cadre dans les Hauts-de-Seine.
Un élément n’a pas échappé aux électeurs de François Fillon : à la différence d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, lui n’a jusqu’à présent jamais eu de déboires judiciaires. « J’ai voté François Fillon non parce que j’apprécie ses idées ultralibérales mais parce qu’il ne traîne, derrière lui, aucune affaire ou condamnation », souligne ainsi Catherine, 44 ans, cadre à Paris.
Plusieurs personnes ont aussi gardé en mémoire la « confession » de François Fillon lors de la crise financière de 2007. En déplacement en Corse, le premier ministre de Nicolas Sarkozy avait affirmé être « à la tête d’un Etat en faillite ». La preuve pour un chirurgien installé à Beauvais (Oise), que le candidat est « profondément honnête et pragmatique » et prêt à dire « la vérité ».
Pour son programme économique
Le programme économique d’inspiration libérale de l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy incarne, selon certains de ses électeurs, une « volonté réformatrice ». Jean-Christophe, directeur comptable à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), juge par exemple que le « traitement de choc » défendu par François Fillon sera certes « douloureux, mais éminemment nécessaire » :
« Quand un pays a une dette de 2 200 milliards d’euros, qui continue à augmenter de 80 milliards par an, il n’est plus temps de gloser sur des mesurettes qui ménagent la chèvre et le chou sans résoudre les problèmes de fond. »
« Les réformes qu’il envisage sont nécessaires, notamment dans la fonction publique territoriale où les effectifs sont pléthoriques. Sa politique fiscale est réaliste, notamment la suppression de l’ISF », complète Josette, 59 ans, fonctionnaire à la retraite, établie à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
La fin des trente-cinq heures et la retraite à 65 ans séduisent aussi Isabelle, 50 ans, chef d’entreprise à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) qui en a « assez du dialogue social et des syndicats dans la rue », tout en précisant qu’elle n’est « pas catho », ni « facho », et « pour le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels » :
« Le taux de chômage, la pauvreté, le déficit du pays, nos impôts, le déclassement n’ont cessé de progresser. François Fillon propose des mesures fortes qui pourraient pour une fois permettre à notre pays de retrouver un peu d’énergie, de hauteur et de bien-être. »
Pour sa « stature présidentielle »
C’est au fur et à mesure des débats télévisés que les électeurs de François Fillon ont estimé qu’il incarnait « parfaitement la fonction présidentielle ». « Lors du troisième débat, il m’a paru intelligent, profond, travailleur, calme et actif, relève Vincent, 65 ans, intermittent du spectacle à Paris. Enfin un homme de classe et de prestance. Un homme parfaitement adapté à la fonction présidentielle contrairement à ses deux rivaux, dont les déclarations intempestives restent indélébiles. »
Jean-Jacques, 64 ans, a aussi vu le candidat « se révéler au cours de sa campagne ». Mais ce sont « surtout » ses prestations lors des débats télévisés qui ont fait la différence :
« [Il est apparu comme] un travailleur qui connaît bien ses dossiers, un homme de conviction qui a une haute idée de la politique et surtout un homme respectueux du “peuple” notamment des plus humbles. »
Certains ont aussi eu la conviction de voter pour un homme « droit », « sobre », « pondéré ». L’antithèse de Nicolas Sarkozy, selon ses soutiens. « Un homme qui ne fera pas étalage de sa vie privée, qui ne prendra pas un scooter pour aller livrer des croissants » à la comédienne Julie Gayet, précise par exemple Marie-Hélène, 42 ans.
Pour sa politique étrangère
Parmi les personnes ayant répondu à notre appel à témoignages, quelques-unes mettent aussi en avant, parmi les raisons qui les ont poussées à voter pour François Fillon, sa ligne en matière de politique étrangère. Elles estiment qu’avec M. Fillon à la tête du pays, la France redeviendrait « maître de ses décisions » et aurait « la place qu’avait su lui donner de Gaulle ».
Sylvain, un quadragénaire établi à Montpellier (Hérault) ayant jusqu’ici « toujours voté écolo ou à gauche » soutient, par exemple, « le partenariat solide avec la Russie » que propose M. Fillon « car cela est une évidence stratégique pour la France et l’Europe ».
Pour Hubert, 61 ans, jeune retraité en Haute-Garonne, « renouer avec la Russie, un grand pays à respecter » est aussi la meilleure option pour que la France ne soit plus « soumise aux Etats-Unis ». De même en Syrie où « Bachar Al-Assad n’est pas la meilleure solution », mais est une solution « moins pire que celle que les Occidentaux ont créée en voulant le destituer ».