Prix « Le Monde » de la recherche 2016 : pour des parents exemplaires
Prix « Le Monde » de la recherche 2016 : pour des parents exemplaires
Julie Pinsolle a reçu le Prix « Le Monde » de la recherche universitaire en 2016. Elle présente le travail de thèse qui lui a valu cette récompense.
Parents et enfants font la rentrée scolaire en banlieue parisienne à Fontenay-sous-Bois, en 2015. | © Charles Platiau / Reuters / REUTERS
Un malaise éducatif s’est emparé de notre société : parents et éducateurs doutent, s’interrogent, et éduquer est devenu plus complexe. Comment l’éducation, action exercée par les générations antérieures sur les plus jeunes depuis toujours, a-t-elle cessé d’être naturelle ?
Loin des discours sur la prétendue « démission » des éducateurs, l’enjeu de notre travail a été de comprendre cette transformation. Nous avons interrogé par entretien, puis par questionnaire, des parents d’enfants scolarisés au collège.
Les entretiens révèlent l’évolution de notre rapport à l’enfant : celui-ci n’est plus considéré comme un « objet » que l’on poserait dans un coin et qui devrait nous obéir au doigt et à l’œil sans discuter, mais il est écouté et sait qu’il peut négocier les décisions. Pour autant, les parents restent confrontés à la question des limites et des règles : comment les incarner et les mettre en place dans ce climat plus égalitaire ? Pour « réinventer » ainsi l’éducation, trois principes reviennent : le dialogue, la confiance et l’autonomie, dont les parents ne doutent pas de la pertinence. Mais tout peut-il se négocier ? Faut-il tout dire aux enfants ? Leur fait-on réellement confiance ? Peut-on considérer l’enfant comme autonome, au même titre que l’adulte, alors qu’il n’a pas les mêmes outils pour penser et agir dans le monde ? Par ces questionnements, notre travail pointe les impensés de ces nouveaux repères éducatifs et permet de dévoiler les difficultés qu’ils peuvent véhiculer.
Les réponses au questionnaire sur l’organisation quotidienne renouvellent l’étude de l’éducation familiale. Elles dessinent une image actuelle des pratiques parentales d’autorité et des valeurs éducatives promues par les parents en soulignant leur évolution. Ainsi, contrairement à ce qui s’observait il y a encore quelques dizaines d’années, la façon dont les parents mettent en place des règles au quotidien n’est plus définie par leur origine sociale. Les réponses au questionnaire indiquent que le fonctionnement des familles s’est réorganisé autour du repère « traditionnel » : le sexe de l’enfant, les filles étant plus « cadrées » que les garçons.
Enfin, en révélant que la façon dont les règles sont mises en place à la maison influence le comportement des élèves au collège, notre travail prouve que la liaison souvent avancée entre milieu social et déviance est simpliste. Pour penser l’autorité, il faut bien davantage se centrer sur la pratique et non sur le fait de dire les règles. Le sens des règles pour l’enfant réside dans l’usage qu’en font les adultes.
Julie Pinsolle
« L’éducation familiale transformée, approche anthropo‑didactique de l’autorité à la préadolescence. Appréhension des pratiques dans la région bordelaise » : thèse soutenue le 1er décembre 2015. Directeur de recherche : Bernard Sarrazy. Sciences de l’éducation. Université de Bordeaux.