Football : le Brésil se divise sur le cas Neymar
Football : le Brésil se divise sur le cas Neymar
Par Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
La justice espagnole a requis deux ans de prison ferme contre le joueur brésilien, accusé de malversations financières lors de son transfert vers le FC Barcelone en 2013.
Le Brésilien Neymar, en août 2016. | MARCOS BRINDICCI / REUTERS
Pour une partie des Brésiliens, il reste, quoi qu’il advienne, l’un des héritiers du roi Pelé. Un dieu du « futebol », une idole. Les autres, agacés par ses manières, ont sauté sur l’occasion pour démolir le prodige du ballon rond et jeter leur fiel virtuel sur les réseaux sociaux.
Il a suffi de quelques heures après l’annonce de la justice espagnole réclamant deux ans de prison et 10 millions d’euros d’amende à l’encontre de Neymar da Silva Santos Junior, dit « Neymar », pour qu’émerge sur Twitter le mot-clé #Neymar preso amanha : « Neymar en prison demain ».
« Le transfert le plus sale de l’histoire du football »
L’attaquant, n° 10 de la « seleçao » l’équipe nationale brésilienne, est accusé de malversations financières lors de son transfert du club brésilien de Santos au Brésil, vers le FC Barcelone en 2013. L’un des transferts les plus onéreux mais aussi les plus suspects. « Le transfert le plus sale de l’histoire du football », résume un fin connaisseur.
La défense du joueur poursuivi pour « corruption dans les affaires » assure que « tous les contrats ont été signés conformément aux dispositions légales, éthiques et morales, et Santos et le FC Barcelone en avaient connaissance ».
Le réquisitoire espagnol n’est ni une surprise ni un choc pour les supporteurs. On sait que Neymar (et son père) aime l’argent. Sorte de « Rihanna brésilienne », Neymar a ses fans mais aussi ses détracteurs qui supportent mal son caractère extraverti, sa vie de luxe ostentatoire, ses coupes de cheveux et son affairisme. Souvent surnommé « Neymarketing », on lui reproche à la moindre baisse de performance de gagner trop d’argent pour avoir encore envie de courir derrière un ballon.
Le cas Neymar divise le Brésil
Sa condamnation a ainsi servi d’exutoire à une partie des Brésiliens, glacés depuis la défaite terrible (7 à 1) de leur pays face à l’Allemagne lors de la demi-finale de la Coupe du monde en 2014. « Ah si seulement il avait été pris plus tôt, on aurait échappé au 7 à 1 », écrit en substance un certain @Leo_guarda. Blessé, Neymar n’avait pu jouer le match ce jour-là, évacué en civière et en pleurs à la fin des quarts de finale contre la Colombie.
D’autres reprennent en boucle un tweet ironique que le joueur avait écrit le 17 septembre 2011 sur son compte (où il se décrivait humblement comme « Fils de Dieu, Père, Heureux et audacieux ») « Ai como eu tou bandido, Kkkkk » que l’on peut traduire ainsi « Oh comme je suis un bandit, ah ah ah ». « Qui viendra lui rendre visite en premier dans sa cellule ? Justin Bieber ? », interroge un autre, en référence à la rencontre du footballeur prise avec le jeune acteur américain.
« Neymar est un joueur extraordinaire, un homme charismatique, un vendeur de style. Il divise. Il n’a pas 100 % de fans », explique Paulo Calcade, commentateur sportif sur la chaîne brésilienne ESPN.
« Si c’était au Brésil, il serait ministre »
La condamnation pour une escroquerie que beaucoup imputent, en partie au moins, au père du sportif, a aussi lieu à un moment particulier pour le Brésil. L’enquête Lava-Jato (« lavage express ») qui a mis en jour un scandale de corruption tentaculaire impliquant l’élite économique et politique du pays a rendu les Brésiliens plus sensibles au sujet de crimes financiers.
Excédés par l’impunité qui continue de protéger les puissants, certains soulignent avec dépit que seule la justice européenne est capable d’attaquer une figure si médiatique. « Si c’était au Brésil, il serait ministre », persifle @zeadaobrabosa. D’autres se demandent pourquoi Neymar irait en prison mais pas Lula. Une allusion aux diverses poursuites lancées contre l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, notamment pour corruption.
Il est à noter toutefois que cette soudaine intransigeance n’a pas empêché les manifestants qui réclamaient, au printemps dernier, la destitution de la présidente Dilma Rousseff, en protestant contre la corruption de son parti, de revêtir le maillot n° 10 de la Seleçao. Celui de Neymar, déjà suspecté de fraude fiscale.