Procès du Flash-Ball : la défense des policiers cible l’arme et la hiérarchie
Procès du Flash-Ball : la défense des policiers cible l’arme et la hiérarchie
Par Julia Pascual
Le procès de trois policiers qui ont blessé six personnes en 2009 s’est achevé vendredi. La défense a plaidé la méconnaissance de la puissance de l’arme et une défaillance de la hiérarchie.
Le procès des trois policiers qui comparaissaient pour des tirs de Flash-Ball depuis lundi 21 novembre s’est achevé vendredi 25 novembre, dans une ambiance qui n’aura cessé de monter en tension au fil des jours. Le divorce au sein de la salle d’audience du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), calqué sur l’opposition des thèses entre les policiers prévenus et les victimes parties civiles, est apparu béant et indépassable. Au point que le président du tribunal a dû plusieurs fois interrompre l’audience, les deux « camps » opposés allant jusqu’à se disputer le nombre de places assises dans le public.
Paradoxalement, la semaine s’est aussi achevée par une plaidoirie de la défense qui a permis aux parties de se rejoindre sur un point : la volonté de faire, dans l’enceinte du tribunal, le procès du Flash-Ball, là où le président et le procureur adjoint de Bobigny ont tâché de circonscrire l’enjeu du procès aux seuls faits intervenus le 8 juillet 2009, à Montreuil.
Lors des débats contradictoires, les parties civiles avaient cité des victimes de tirs de lanceurs de balles de défense à venir témoigner sur cette arme dite de « force intermédiaire » mais dont la dangerosité s’illustre sur les visages énucléés d’au moins 23 personnes depuis 2004 en France, à en croire un recensement effectué par l’ONG de défense des droits de l’homme, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).
« Une arme détestable »
Vendredi, l’avocat du policier Patrice L., dont le tir de Flash-Ball a définitivement éborgné Joachim Gatti, 41 ans aujourd’hui, n’a pas cherché à minorer les dégâts occasionnés par l’arme. « Je n’arrête pas de dire qu’il faut interdire le Flash-Ball, a déclaré Me Laurent-Franck Liénard, spécialisé dans la défense des policiers. C’est une arme qui est détestable. »
La veille, le procureur adjoint de la République, Loïc Pageot, avait estimé que les six tirs des trois policiers prévenus n’avaient pas été effectués en situation de légitime défense, et n’avaient a fortiori pas obéi aux règles de nécessité ni de proportionnalité. Il a requis trois ans de prison avec sursis contre le principal prévenu, assortis de trois ans d’interdiction professionnelle et cinq ans d’interdiction de port d’armes. Contre les deux autres fonctionnaires, dix mois avec sursis ont été requis, ainsi que dix-huit mois d’interdiction professionnelle et cinq ans d’interdiction de port d’armes.
Dans sa plaidoirie, Me Liénard a rappelé ce qu’avait dit son client à la barre en début de semaine : en formation, on leur « vend » le Flash-Ball comme une arme provoquant l’effet d’un « coup de poing de boxeur ». En réalité, les expertises ont établi que la balle en caoutchouc de 29 grammes atteignait une vitesse de plus de 300 km/h.
Légitime défense
Pas entraînés au-delà des quelques heures de formation initiale remontant à plusieurs années, pas même briefées sur les règles d’emploi des armes avant leur intervention du 8 juillet 2009… Les avocats de la défense ont tenté de faire apparaître les prévenus comme les victimes d’une hiérarchie « défaillante ». Demandant la relaxe de leurs clients, ils ont aussi soutenu qu’ils avaient agi en état de légitime défense. Me Liénard avait au préalable fait l’article de la vertu de « ces hommes qui exposent leur vie pour assurer la paix publique », des personnes « légalistes face à des gens qui ne le sont pas ». Dans cette affaire, « il y a deux thèses, a résumé l’avocat. Celle, sans fondements, selon laquelle le policier se serait fait plaisir en tirant sur des manifestants. Et celle que je vous demanderai de considérer : il a vu des manifestants arriver, il a pris peur et a estimé qu’il était nécessaire d’appliquer deux tirs de Flash-Ball ».
Le jugement a été mis en délibéré au 16 décembre. A la suite d’une préconisation de l’Inspection générale de la police nationale de 2015, le Flash-Ball, en service depuis 1995, est progressivement retiré des équipements de police et de gendarmerie. Il est remplacé par le lanceur de balles de défense LBD 40, réputé plus précis dans sa visée quand un point d’impact de Flash-Ball peut varier de 60 centimètres pour un tir à douze mètres de distance. Citée comme témoin, Aline Daillère, en charge des violences policières à l’ACAT, a pourtant répété que l’imprécision du Flash-Ball « n’est pas le problème fondamental ». « LBD et Flash-Ball occasionnent autant de blessés graves. Le problème, c’est l’usage disproportionné qui en est fait. »