Manifestation, le 17 novembre à Taipei, contre le projet de mariage des homosexuels, actuellement à l’étude au Parlement. | Sam Yeh/AFP

Après la France, Taïwan ? Jeudi 17 novembre, une « manif pour tous » a rassemblé près de 10 000 personnes autour du Parlement de Taipei. Les deux associations organisatrices émaneraient de communautés chrétiennes conservatrices, proches des églises évangéliques américaines. Vêtus de blanc, bobs sur la tête, armés de pancartes dénonçant « la destruction de la famille et du mariage », les manifestants ont expliqué à la presse qu’ils ne s’opposaient pas à la protection des droits des homosexuels, mais réclamaient la tenue d’un référendum et de plus amples discussions. Car Taïwan pourrait être le premier pays asiatique à légaliser le mariage gay.

Deux propositions d’amendements au code civil sont passées en première lecture le 8 novembre. Elles doivent encore subir des examens ultérieurs au sein de comités d’experts avant d’être votées par le Parlement, possiblement en février prochain.

L’électrochoc après le suicide d’un Français gay

La communauté LGBT taïwanaise pensait que la victoire en janvier du Parti démocrate progressiste (DPP) aux législatives et de sa candidate, Tsai Ing-wen, à la présidentielle ferait avancer sa cause. En vain. C’est le suicide à Taipei le 16 octobre d’un Français de 67 ans, Jacques Picoux, dont le compagnon taïwanais venait de décéder des suites d’un cancer, qui a vraiment changé la donne. Professeur de français à la retraite, cet artiste reconnu s’était vu dénier toute implication dans les décisions médicales concernant son conjoint depuis trente-cinq ans, avant d’être privé de tout droit sur leur logement commun. L’électrochoc provoqué par sa mort dans l’opinion a poussé une députée du DPP à soumettre un projet de loi.

Près de 80 000 personnes ont ensuite défilé fin octobre à Taipei lors de la Marche annuelle des fiertés, la plus fréquentée d’Asie. Dans les sondages, l’opinion publique se révèle en majorité favorable, ou indifférente, à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, avec un très fort taux d’approbation chez les jeunes. Quant aux députés (Taïwan n’a pas de Sénat), plus de la moitié d’entre eux seraient à ce stade prêts à voter l’un ou l’autre des amendements proposés.

Mais l’initiative n’en rencontre pas moins des résistances. L’opposition parlementaire, représentée par un Kuomintang (KMT) très divisé depuis son cuisant échec aux élections de 2016, semble hésiter entre défendre son propre projet d’amendement – proposé par l’un de ses députés pro-mariage gay – et gêner autant qu’il le peut la majorité, en réclamant des auditions publiques. Son porte-parole a profité de la manifestation surprise du 17 novembre pour s’attaquer à la présidente. Il l’a accusée de soutenir la « tentative de détruire le mariage hétérosexuel » au mépris des procédures démocratiques (le DPP a la majorité absolue au Parlement). Si elle le fait, a-t-il persiflé au sujet de Tsai Ing-wen, célibataire, c’est qu’elle a « une orientation homosexuelle à 99 % ».