« Nous avons gagné une bataille, mais la guerre n’est pas finie », s’exclame Me Charles Tchoungang à la sortie d’une nouvelle audience devant le tribunal militaire de Yaoundé. L’un des avocats d’Ahmed Abba, le correspondant en langue haoussa de Radio France internationale dans la région Extrême-Nord au Cameroun, espérait que son client puisse enfin recouvrer la liberté ce mercredi 19 octobre, après plus de quatorze mois de détention. Les juges en ont décidé autrement et Ahmed Abba demeure privé de sa liberté, toujours passible de la peine de mort du fait des charges de « complicité d’actes de terrorisme » et de « non-dénonciation d’actes de terrorisme » qui pèsent sur lui. Il lui est reproché de ne pas avoir partagé certaines informations avec les autorités camerounaises dans la guerre qu’elles mènent contre les djihadistes de Boko Haram.

Le journaliste avait été arrêté le 30 juillet 2015 à la sortie d’une conférence de presse à Maroua. Il a été torturé, gardé au secret pendant trois mois à la Direction générale des renseignements extérieurs et son procès va de renvoi en renvoi depuis son ouverture en février. Cependant, les défenseurs d’Ahmed Abba et son employeur, qui plaident son innocence, trouvent enfin des motifs de satisfaction.

« De l’obscurité à la lumière »

Les juges ont à l’unanimité annulé, mercredi, la nomination d’un « expert en cybercriminalité » commis par le commissaire du gouvernement, l’équivalent du procureur, alors que l’instruction était déjà close et le procès ouvert. Le rapport de cet « expert » a également été déclaré irrecevable. En août déjà, les cinq témoins promis par l’accusation comme ceux qui allaient démontrer la culpabilité d’Ahmed Abba ne s’étaient pas présentés au tribunal.

« Nous attendions qu’en conséquence le tribunal libère notre client et prononce son acquittement faute de preuves, assène Me Tchoungang. Il a finalement décidé de nommer un collège de deux experts qui devra produire son rapport. C’est un moyen de ne pas humilier l’accusation, car il n’y a rien dans les scellés. Dans l’ordinateur de notre client, qui a été manipulé, la seule chose qui a été trouvée, ce sont des photos de victimes de Boko Haram que l’on peut trouver sur Internet. Cependant, nous sommes satisfaits de cette dernière décision qui nous mène du non-droit vers le droit, de l’obscurité à la lumière. »

La prochaine audience, où sera présenté le rapport des deux experts, a été fixée au 7 décembre. Dans cette attente, Ahmed Abba a été reconduit à la Prison principale de Yaoundé rassuré par l’évolution de son procès, mais toujours sous la menace d’une condamnation à mort.