Le secteur de l’intérim veut peser dans le débat sur l’emploi
Le secteur de l’intérim veut peser dans le débat sur l’emploi
LE MONDE ECONOMIE
Les différentes fédérations patronales plébiscitent le contrat unique, sans parvenir à convaincre les Français.
Confier à une agence d’intérim la gestion du contrat de travail d’un chauffeur Uber ou d’un livreur à vélo Deliveroo, afin de leur assurer un statut plus sécurisé ? C’est l’une des idées lancées par Prism’emploi, la fédération du travail temporaire, dans un « Manifeste pour l’emploi », publié vendredi 25 novembre. Son objectif : « simplifier les contrats de travail », mais aussi « faciliter l’autonomie professionnelle » des Français. En ligne de mire, la fameuse flexisécurité si enviée des pays du nord de l’Europe.
« Nous avons voulu lancer cette initiative à un moment où la première phase du débat politique en vue de l’élection présidentielle est à son sommet », indique François Roux, le délégué général de Prism’emploi, qui regroupe 1 500 entreprises d’un secteur qui voit passer, chaque année, 2 millions de personnes dans ses agences.
En la matière, les programmes des deux finalistes de la primaire de la droite, qui devaient s’affronter dimanche 27 novembre, s’inspirent du constat traditionnel de leur camp politique : pour inciter les chefs d’entreprise à embaucher, il faut faciliter la possibilité de licencier. Alain Juppé prône un « CDI [qui] pourra comporter des motifs prédéterminés de rupture, fixés par la loi et adaptés à chaque entreprise (…) L’absence d’opposition de l’administration sur les motifs prédéterminés de rupture vaudra acceptation au bout de quinze jours », peut-on lire dans son programme.
Inspiré du modèle italien
François Fillon, qui n’ambitionne rien moins que de faire revenir l’Hexagone au plein-emploi en un quinquennat, propose « un contrat de travail avec des modalités de rupture prédéfinies et progressives ».
C’est cette dernière modalité que défend Prism’emploi. La fédération suggère un « contrat à droits progressifs », qui consisterait à fusionner CDI et CDD, en donnant au salarié de plus en plus de latitude en matière de conditions de rupture de contrat ou d’accès à la formation au fur et à mesure de son ancienneté dans l’entreprise.
De son côté, l’employeur bénéficierait d’« un assouplissement des exigences juridiques en cas de rupture du contrat à son initiative et d’une visibilité sur le coût de cette rupture ». Une revendication portée, depuis plusieurs mois, par les différentes organisations patronales sous le terme de « contrat de travail agile ».
Inspiré du modèle mis en place en Italie par le chef du gouvernement, Matteo Renzi, il vise à mettre un terme à la dualité du marché du travail, avec, d’un côté, des CDI trop rigides en matière de licenciement et, de l’autre, des CDD synonymes de précarité dans les démarches de la vie quotidienne (logement, crédit immobilier…).
Un « contrat entrepreneur opérationnel »
En janvier, au moment du lancement du « plan d’urgence pour l’emploi » de François Hollande, un communiqué commun du Medef, de l’association CroissancePlus, de l’Association française des entreprises privées ou du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire réclamait, outre la clarification de motifs de rupture liés à la situation de l’entreprise, la fixation d’un plafonnement des indemnités prud’homales selon l’ancienneté du salarié. Ce projet de barème obligatoire, présent dans la première mouture de la loi travail, a été remplacé dans le texte final par un référentiel indicatif, après que le gouvernement s’y est cassé les dents au printemps, face à la colère de l’opinion.
Aux côtés du contrat progressif, Prism’emploi propose un « contrat entrepreneur opérationnel » censé répondre à l’autre grand défi de la politique française de l’emploi : la protection du statut d’autoentrepreneur, passé, en quelques années, d’une activité d’appoint à un emploi souvent principal, pour une entreprise de VTC ou de livraison de repas à domicile, par exemple. « Ce contrat instaurerait une relation tripartite, avec un tiers employeur qui paierait les charges sociales ou encore s’acquitterait des obligations de formation, sur le modèle du système intérimaire », détaille M. Roux. Le dispositif renverrait les plates-formes collaboratives qui refusent de jouer le rôle d’employeur à de simples intermédiaires rapprochant offre et demande et signant des contrats avec les agences d’intérim.
Hybride entre CDI et CDD
Enfin, Prism’emploi suggère de conserver un CDD, destiné aux secteurs saisonniers (hôtellerie, tourisme…), mais qui intégrerait une indemnité de fin de mission et des garanties de formation, ainsi que des droits transférables en cas de changement d’entreprise. Le tout, en renforçant le compte personnel d’activité (CPA), qui doit, à partir du 1er janvier, permettre de cumuler les droits d’un actif quel que soit son parcours entre emploi et chômage.
Cette dernière piste rejoint les demandes d’une autre fédération professionnelle, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, qui publiait également vendredi sa liste de propositions. Parmi elles, des droits sociaux transférables par l’intermédiaire du CPA, mais aussi un contrat de travail unique, là encore compris comme hybride entre CDI et CDD.
Du côté des salariés, l’idée est pourtant accueillie plus que fraîchement : plus de neuf sur dix voudraient voir le code du travail simplifié, mais moins d’un sur deux (47 %) est favorable à un contrat de travail unique, à durée indéterminée et plus souple, selon un sondage BVA pour MediaRH. com publié vendredi. Nul doute qu’au-delà de dimanche le sujet restera au cœur des débats à venir, au moins jusqu’en avril.