Monseigneur Georges Pontier à Marseille le 12 avril 2016. | BERTRAND GUAY / AFP

Contre l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) inscrit dans une proposition de loi de la majorité, l’Eglise catholique a recours aux grands moyens. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier, a écrit à François Hollande pour lui demander de ne pas laisser « arriver à son terme » ce texte législatif qui doit être examiné par les députés jeudi 1er décembre. Une telle initiative épistolaire est d’autant plus marquante qu’elle est rare.

Dans une lettre datée du 22 novembre mais rendue publique par l’épiscopat lundi soir 28 novembre, l’archevêque de Marseille, reconnu pour sa pondération, fait la critique en règle d’une proposition de loi qui, à ses yeux, porte « une atteinte très grave aux principes de la démocratie ». Ce texte, qui, souligne à deux reprises Mgr Pontier, « rela[ie] une initiative gouvernementale », vise à permettre la fermeture de sites Internet qui porteraient « des allégations ou une présentation faussées » pour en réalité dissuader des femmes enceintes de recourir à une IVG.

Liberté d’expression

Le chef de file de l’épiscopat s’inquiète pour des sites qui s’emploient à proposer aux femmes qui les consultent des alternatives à l’avortement. Le gouvernement leur reproche d’être avant tout des instruments visant à mettre ce droit en échec. Mgr Pontier, lui, affirme que ces sites sont les seuls à prendre en charge la « véritable détresse existentielle » de certaines femmes enceintes hésitant à mener leur grossesse à terme et qu’ils constituent, à ce titre, un « espace de liberté ».

« Cette proposition de loi met en cause les fondements de nos libertés et tout particulièrement de la liberté d’expression qui ne peut être à plusieurs vitesses selon les sujets », affirme le prélat, pour qui elle « contribuerait à rendre cet acte de moins en moins volontaire, c’est-à-dire de moins en moins libre ». Il insiste sur sa « grande préoccupation » devant ce qu’il estime être la volonté de la majorité de « passer en force ».

« Police des idées »

Vendredi déjà, l’archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, avait fustigé cette proposition de loi : « Si on en arrive à interdire de s’exprimer sur les conséquences de l’avortement, avait-il déclaré sur Radio Notre-Dame, on entrera complètement dans la police des idées et dans la dictature d’une vision totalitaire sur l’avortement. »

Cette controverse prend une tonalité particulière du fait que l’avortement est revenu en force dans le débat public entre les deux tours de la primaire de la droite et du centre, scrutin où l’électorat catholique est réputé avoir pesé d’un poids particulier. Alain Juppé avait alors accusé son adversaire, François Fillon, de ne pas avoir une position très claire sur le sujet.

Le député de Paris a, en juin, indiqué que « compte tenu de [s]a foi personnelle », il ne pouvait pas « approuver l’avortement ». Mais il a précisé depuis qu’il ne reviendrait pas sur ce droit : « Je ne toucherai à rien dans ce domaine », a-t-il assuré.

La volte-face de François Fillon sur l’avortement

CE QUI EST REPROCHÉ À FRANÇOIS FILLON

Alain Juppé a attaqué son rival, François Fillon, à la primaire, sur Europe 1, mardi 22 novembre :

« Il y a des points sur lesquels j’aimerais bien que François Fillon clarifie sa position, par exemple sur l’avortement, l’interruption volontaire de grossesse. Il a commencé par dire dans son livre que c’était un droit fondamental de la femme. Et puis il est revenu sur cette déclaration dans un débat qu’il a eu devant un certain nombre de ses supporters. »

POURQUOI C’EST VRAI

François Fillon a bien tenu les propos évoqués par Alain Juppé lors d’un meeting à Aubergenville (Yvelines), le 22 juin :

« Dans mon livre, j’ai commis une erreur […] quand j’ai écrit que l’avortement était un droit fondamental. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire c’est que c’est un droit sur lequel personne ne reviendra. […] Moi, philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement. »

Le candidat à la primaire a ensuite été interpellé sur ce discours par Léa Salamé dans « L’Emission politique », de France 2, le 27 octobre. Voici sa réponse :

« Ça me regarde. Ce [sont] mes convictions personnelles, je dis aussi en même temps, immédiatement, que jamais personne et certainement pas moi ne reviendra sur l’avortement. »

A ce tableau, on pourrait ajouter le fait qu’en novembre 2014, le député François Fillon a voté pour une proposition de résolution socialiste visant à réaffirmer « le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe », quarante ans après la loi Veil. Jean-Frédéric Poisson avait quant à lui voté contre. Ce dernier a d’ailleurs appelé à soutenir le député de Paris, mardi 22 novembre, justifiant ce choix au nom de « la politique familiale et l’accueil de la vie »…

En résumé, il y a bien eu changement de discours public de François Fillon sur l’avortement. L’intéressé a en revanche réaffirmé depuis qu’il ne reviendrait pas sur ce droit.