Ils se sont mobilisés au second tour de la primaire à droite pour « faire barrage » à Fillon
Ils se sont mobilisés au second tour de la primaire à droite pour « faire barrage » à Fillon
Surprise d’une telle percée de François Fillon, volonté de « faire barrage », programme jugé « réactionnaire » : des électeurs de gauche qui ne s’étaient pas déplacés au premier tour expliquent les raisons de leur mobilisation au second.
Ces électeurs de gauche-là n’avaient pas voté au premier tour de la primaire de la droite. Ils ont en revanche décidé de se mobiliser au second. Surprise face à la percée très importante et inattendue de François Fillon au premier tour, volonté de « faire barrage » à un candidat jugé « trop réactionnaire », inquiétude quant à son programme… dans un appel à témoignages réalisé par Le Monde.fr, plusieurs électeurs de gauche ont expliqué les raisons de leur mobilisation au second tour.
- Surprise face à la percée spectaculaire de François Fillon
Cette primaire de la droite n’était pourtant « pas leur guerre » et ne les « regardait pas », estimaient certains électeurs, comme Jacques M., 41 ans, habitant de Boulogne-Billancourt, et Jean-Pierre V., retraité à Aulnay-sous-Bois. C’était sans compter une telle percée de François Fillon au soir du premier tour : le député de Paris avait créé la surprise en dominant largement le scrutin – plus de 40 % des voix et une large avance face à Alain Juppé, relégué à la place de challenger pour le second tour.
C’est ce qui a décidé Jacques M., « glacé » à l’idée que les valeurs de M. Fillon « puissent représenter la droite républicaine et le centre », à « foncer voter pour un candidat de droite » pour la deuxième fois de sa vie d’électeur, « après l’épisode de 2002 ».
Pour Mickael K., parisien de 25 ans, qui s’attendait à un second tour « Juppé-Sarkozy », comme le prévoyaient les sondages, la victoire de Fillon a été « une réelle prise de conscience » : « j’ai entrevu un avenir triste et austère alors que ce n’est pas ce dont nous avons besoin actuellement ». Au second tour de la primaire, le jeune homme a donc voté à droite pour la première fois.
« C’est en voyant l’avance de François Fillon » que Pauline J., étudiante de 21 ans en sciences politiques qui ne se sent « pas proche du parti Les Républicains », a décidé de se déplacer pour le second tour. Il s’agissait pour elle d’un « vote de conscience », « pour montrer que tous les Français ne souhaitent pas tomber dans le conservatisme ou dans l’ultralibéralisme ».
Parce que « les sondages donnaient Juppé gagnant » et que « Sarkozy n’avait aucune chance d’être élu », Arnaud G., 35 ans, chef d’entreprise à Libourne, qui explique s’être éloigné de la droite « depuis les années Sarkozy », n’a pas voté au premier tour. « Et puis est apparu Fillon, personnage sombre et rétrograde, coéquipier de Sarkozy », explique celui que « les débats de l’entre-deux-tours ont définitivement convaincu de la nocivité de [M. Fillon] pour [s]on pays ». C’est ce qui a motivé le chef d’entreprise « à aller voter pour Juppé » au second tour.
- Un vote de barrage contre un candidat jugé similaire à Sarkozy
Certains électeurs de gauche avaient hésité à aller voter au premier tour pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, avant de s’y refuser. C’est finalement au second tour qu’ils ont franchi le pas, pour faire barrage à un candidat qu’ils estimaient identique, sinon pire que l’ancien chef de l’Etat.
« Barrer la route » à François Fillon, jugé « réactionnaire et rétrograde », et « collaborateur de Sarkozy », c’est ce qui a décidé Hervé P., 54 ans, photographe à Cachan, et Constantin D., parisien de 41 ans. « Pire que Sarkozy », estime pour sa part Yvan N., 43 ans, enseignant à Vanves, qui s’est décidé à aller voter au second tour, avant de le regretter : « ça n’a servi à rien et je finance la campagne de la droite dure filloniste. »
« Passée la joie d’avoir vu [Sarkozy] évincé, je me suis plongée dans le programme de Fillon, qui a fait naître chez moi plusieurs grandes craintes », raconte Maeva L., étudiante parisienne de 24 ans, qui finalement a choisi d’aller voter Juppé au second tour, « considérant qu’il revêtait une envergure beaucoup plus importante ».
Un « vote de barrage », c’est aussi la description qu’en fait Juliette, cadre supérieure à Paris de 47 ans. Après avoir suivi le débat d’entre-deux-tours, elle dit avoir compris « que Juppé avait peu de chance de gagner », mais elle voulait toutefois « absolument participer au second tour pour qu’il y ait le plus de suffrage possible face à Fillon ».
Participer à la primaire de la droite n’avait ainsi « jamais effleuré » Jean-Luc R., 46 ans, « jusqu’à découvrir le programme de Fillon… » qui l’a « carrément effrayé » : « débarrassés de Sarkozy, voilà qu’on se retrouve avec le même version catho intégriste », estime le producteur de spectacles, pour qui « la perspective d’un deuxième tour des présidentielles Fillon-Le Pen est vraiment impensable ».
- Un programme qui inquiète
Davantage que la personne, c’est le programme du député de Paris qui semble avoir décidé certains électeurs de gauche à se mobiliser au second tour. Ainsi, Bernadette B., 58 ans, sans emploi et résidant à Palaiseau, a voté au second tour en faveur de Juppé, « surtout pour tenter de contrer » ce qu’elle juge être un « cataclysme social prévu par François Fillon » :
« Je ne sais pas ce que les Français – en dehors des plus aisés – feront lorsque leur complémentaire santé doublera ou triplera car la Sécurité sociale ne prendra plus en charge les soins courants, lorsque leurs enfants ou petits enfants seront 40 ou 50 par classe suite aux réductions de postes d’enseignants, ou lorsque le cruel manque d’infirmières ne permettra plus de les soigner correctement à l’hôpital. Je ne sais pas non plus comment la police et l’armée déjà épuisées pourront faire face à la baisse d’effectifs prévue par Monsieur Fillon »
C’est « la crainte que François Fillon ne mette à terre notre système de santé » qui a également poussé Alain B., 34 ans, résidant à Royan, « à voter au second tour pour Alain Juppé » alors qu’il s’était abstenu au premier. En entendant « hausse de la TVA, remise en cause de certaines prises en charge au niveau de la santé, suppression de poste de fonctionnaires, non prise en compte de notre France multiculturelle et diverse, absence de mesures pour les quartiers défavorisés », Farida G., juriste à Tourcoing, raconte s’être inquiétée pour « ses compatriotes déjà bien abîmés par le système économique et par l’absence de perspective ».
Autre repoussoir pour certains électeurs de gauche : les soutiens des mouvements de La Manif pour tous ou de Sens commun au député de Paris. Au-delà du programme jugé « trop dur sur le plan social », c’est le positionnement « pro-russe » de Fillon qui a décidé Jean-Pierre F., 68 ans, ancien professeur d’université, à voter Alain Juppé au second tour, « parce qu’il est très probable que le candidat de la droite sera élu en 2017 ».